« Un refus de la banque, mademoiselle ? »
La voix fit sursauter Grace, qui se trouvait toujours au pied des escaliers menant à Gringotts. Elle se retourna et tomba nez-à-nez avec un sorcier d'une quarantaine d'années qui semblait lui aussi sortir du bâtiment.
« Euh ... oui. J'ai présenté un projet d'entreprise pour une demande d'investissement, qui a été refusé. Mais je m'y attendais, répondit-elle prudemment.
-Ils sont d'une exigence à la limite de l'hypocrisie, commenta l'homme.
-Qu'est-ce que vous voulez dire ? »
Le sorcier sourit.
« Oh, allez, ne me dites pas que vous n'avez pas eu ce sentiment. Ils clament haut et fort qu'ils veulent des projets audacieux, qui sortent de l'ordinaire, mais ils refusent tout ce qui casse les codes. La vérité, si vous voulez mon avis, c'est qu'ils ont peur de tout ce qui est trop innovant. »
Grace en tomba des nues. C'était exactement cela !
« Vous en faites, une tête, s'amusa l'inconnu. On dirait qu'on vous a stupéfixée ! »
Grace secoua la tête, étourdie.
« Pardon, murmura-t-elle. Je vous écoute, croyez-moi. C'est juste que j'ai eu une journée compliquée. »
Le regard que l'homme posa sur Grace indiqua à la jeune fille qu'il savait. Lui aussi était passé par là, elle en aurait mis sa main à couper.
« Et vous ? demanda-t-elle spontanément. Vous avez l'air d'avoir eu des démêlés avec la banque ... »
L'homme soupira, de la nostalgie dans le regard.
« Bah, je peux bien vous le raconter, c'est de l'histoire ancienne, de toute façon ... Quand j'avais à peu près votre âge, je rêvais de transformer le monde. En l'occurrence, je voulais créer une association pour favoriser l'intégration des jeunes sorciers de familles défavorisées à travers le Quidditch. Imaginez, des enfants de tous les milieux qui jouaient ensemble, sans se préoccuper des différences de revenus ou d'ancienneté de la famille ... Le nombre de conflits qu'on pourrait éviter si seulement on communiquait mieux.
-Mais c'est génial ! s'enthousiasma Grace. Vous avez réussi ?
-J'ai présenté le projet à une banque quatorze fois. Quatorze refus. »
Il avait dit ça d'un ton léger, mais Grace eut l'impression qu'on lui donnait un coup de poing dans le ventre.
« Quatorze ? bégaya-t-elle.
-Oui. Mais ne soyez pas surprise. Vous savez, quand les gens n'ont pas envie de changer, on ne peut rien faire. »
Grace sentit le monde tourner autour d'elle. ses genoux se mirent à trembler et elle se laissa tomber sur le trottoir le plus proche. Le sorcier s'assit à côté d'elle et se perdit dans la contemplation de la banque, une dizaine de mètres plus loin.
« Je peux vous poser une question ? demanda Grace au bout d'un moment.
-Je vous en prie, répondit l'homme.
-Est-ce que vous pensez que le monde est condamné à se faire la guerre ? »
A la grande surprise de Grace qui broyait du noir, il éclata de rire.
« Vous savez, reprit-il en s'essuyant les yeux devant l'air médusé de la jeune fille, vous me rappelez un peu le jeune sorcier que j'étais à votre âge.
-Mais ce n'est pas ma question ! cria-t-elle. J'ai besoin de savoir si le monde vaut la peine que l'on se batte pour lui ! »
Devant elle, deux sorcières qui commentaient leurs achats se retournèrent, échangèrent un regard éloquent en voyant les deux personnes assises à même les pavés et s'éloignèrent à petits pas. Grace eut envie de se taper la tête contre un mur.
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Les Porte-à-faux
Hayran KurguLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...