L'enterrement de l'Abuela eut lieu le lendemain de son décès. Eugenia voulut qu'il en soit ainsi, pour qu'Edgar pût partir le 1er septembre à Poudlard, comme prévu, tout en ayant le temps de dire au revoir à sa grand-mère. Le petit garçon n'osa rien dire mais Isabel lut dans les yeux de son frère qu'il se serait bien passé de ce service.
La cérémonie fut courte, il n'y avait que la famille Emerson et leurs voisins, Theophilius, Alban et Grace, qui avait eu une permission de sortie exceptionnelle, étant donné que sa mère n'avait plus que quelques jours à vivre. Une étrange atmosphère régnait, un mélange de mélancolie, de soulagement et de regrets. Isabel ne savait pas de quel côté elle se trouvait.
Alban resta à ses côtés tout le temps que durèrent les funérailles. Son amie lui trouvait l'air étonemment serein, comme s'il avait trouvé une paix intérieure qui s'était toujours refusée à lui. Elle savait qu'il avait parlé de ses B.U.S.E. et de ses projets pour l'année prochaine à Theophilius et que celui-ci avait extrêmement bien régi, mais son flair lui disait qu'il s'était passé quelque chose d'autre. Quoi exactement, elle n'en avait aucune idée, mais pour une fois, elle ne chercha pas à savoir. Elle avait suffisamment à penser.
Elle se sentait absente, comme si son cerveau avait décidé d'arrêter de produire des émotions pour regarder ce qui se produisait autour d'elle avec détachement. Tandis que le cercueil de l'Abuela s'enfonçait dans la terre à l'aide de la magie, elle avait l'impression d'être la spectatrice de la vie d'une autre. Elle parla à peine à Alban et se coucha tôt. De toute façon, personne ne dîna ce soir-là.
Le lendemain, il y eut un branle-bas de combat très tôt dans la maison. C'était la rentrée scolaire, et comme à l'ordinaire rien n'était prêt. Isabel refusa de sortir de ses couvertures alors que Victoria était déjà debout et s'activait. Après tout, ce n'était certainement pas elle que l'on allait accompagner jusqu'au train qui menait à l'école de magie.
Elle finit par se lever lorsque sa mère menaça de venir en personne la tirer du lit, et s'habilla en traînant des pieds. Elle passa une bonne partie de la matinée assise sur son lit, l'air absent. Il manquait quelque chose, mais elle ne savait pas dire quoi.
Edgar débarqua dans la chambre de ses sœurs le visage défait, il n'arrivait pas à fermer sa valise et avait peur de se faire gronder. Victoria se leva aussitôt pour l'aider. Restée seule, Isabel observa son reflet dans le miroir accrochée au mur. Elle pensait à son Abuela. L'enterrement avait été rapide, assez froid, et lui laissait une impression d'inachevé. Il n'y avait pas eu d'oraison funèbre, réalisa-t-elle soudain.
Prise d'une soudaine énergie, elle sauta sur ses pieds et se mit debout sur le lit. Son cœur battait la chamade. Elle n'avait jamais vraiment parlé à sa grand-mère, ç'allait être la première fois.
« Abuela », commença-t-elle avant de s'arrêter net.
Que voulait-elle dire, exactement ? Rappeler la vie de sa grand-mère, faire sa biographie ? Elle ne savait rien de ce qu'elle avait vécu. Louer ses qualités ? Quelle hypocrisie ... La pleurer ? Peut-être, mais pas maintenant. C'était trop tôt.
« Abuela, reprit-elle sans savoir où ses mots allaient la mener. Je ne sais pas pourquoi je porte ton nom. Je sais que c'est une tradition, en Espagne, d'appeler les enfants comme d'autres membres de la famille, mais mes parents ne l'ont fait que pour moi, pas pour Victoria ni pour Edgar. Alors, pourquoi moi ? Qu'est-ce que tu as voulu me dire, en demandant à ma mère de me donner ton nom ? Je sais que c'est toi qui lui as demandé ... Si ça avait été son idée, elle l'aurait fait pour sa première fille, elle n'aurait pas attendu la deuxième. Qu'est-ce que tu as voulu me dire, alors ? Je ne pense pas que tu m'aimais. Et d'ailleurs, moi non plus je ... »
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Les Porte-à-faux
FanficLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...