Isabel arriva tôt au domaine. Elle était partie dès l'aube et avait pris le premier bus. Grâce aux transports moldus et à sa bonne vieille bicyclette, le domaine n'était pas trop loin de chez elle, mais elle devait tout de même compter deux heures de trajet.
Les lieux étaient déserts quand elle arriva. La veille, Lloyd, l'assistant du directeur, l'avait prévenue que celui-ci habitait sur place, dans les pièces derrière le secrétariat, si bien qu'il y avait toujours une personne présente au domaine. Elle hésita un peu avant de frapper à la porte, puis se décida. Maintenant qu'elle était là, elle était fermement résolue à s'agripper à sa place comme une moule à son rocher.
« Entrez ! » cria une voix qu'elle reconnut comme celle de Mr Eldridge, ou son nouveau patron – elle avait encore du mal à y croire.
« Bonjour ! » lança-t-elle en entrant.
Un bruit se fit entendre dans la pièce à côté, et un instant après le crâne à moitié chauve du gérant fit son apparition.
« Ah, c'est toi, grommela-t-il. T'es à l'heure, tant mieux. Tu vas aller nourrir les chevaux, puis quand les autres arriveront, tu leur sortiras les selles.
-D'accord, acquiesça Isabel qui était disposée à faire preuve de la meilleure volonté du monde. Euh, attendez, se ravisa-t-elle. Je ne sais pas où on range la nourriture ... »
Le propriétaire soupira, puis grogna à contrecœur :
« Je vais te montrer. Mais je te préviens, les prochains jours, tu te débrouilleras seule.
-Bien sûr », répondit Isabel en faisant abstraction de l'acariâtreté de son patron.
S'il s'était agi de n'importe qui d'autre, elle aurait vertement répliqué avant de renvoyer l'importun dans ses cages. Mais voilà, elle avait une occasion en or avec ce stage, et elle était prête à lécher les bottes de n'importe qui pour ne pas la gâcher.
Aussi suivit-elle Mr Eldridge avec docilité jusqu'aux écuries. Il lui montra un petit placard qui était fermé par un cadenas qu'il déverrouilla à l'aide de sa baguette. Isabel retint une grimace : s'il fallait utiliser la magie pour ouvrir ce placard, elle était mal. Bon, elle demanderait à Lloyd. Le jeune homme avait été adorable avec elle lors de son premier jour, et elle avait le sentiment qu'elle trouverait toujours en lui un soutien.
« Voilà, lança Mr Eldridge. Là tu as toutes les réserves de grain. On en reçoit une fois par semaine, les lundis. Tu utilises ce pot que tu vois là, par terre, pour servir les chevaux. Une portion chacun, il y a une barre pour t'indiquer la mesure, tu verras. Une demie pour les poulains. Et ça, ce n'est pas possible de le faire avec de la magie, parce que nos chevaux sont tout à fait capables de s'exciter et de tenter de manger n'importe quoi, même les murs, en se cassant leurs propres dents au passage. D'ailleurs, ils aiment beaucoup ça. Enfin, je te laisserai constater par toi-même. »
Isabel flaira le piège. Elle se méfiait du vieil homme, dont elle avait bien senti qu'il était peu enclin à l'embaucher. Cependant, elle se composa un visage serein et ne fit pas de remarque, tout en restant aux aguets.
« Y a-t-il certains chevaux qui ont des régimes spéciaux ? demanda-t-elle professionnellement.
-Bonne question, dut reconnaître Mr Eldridge, mais ce n'est pas toi qui t'en occupes. C'est moi. »
Isabel inclina la tête.
« Allez, au boulot ! continua le vieil homme de son habituel ton maussade. Et après, rappela-t-il en tournant les talons, n'oublie pas d'aller voir Lloyd. »
Dès qu'il fut parti, Isabel se saisit de l'énorme sac de graines et du pot. Le sac pesait diablement lourd, mais elle serra les dents et le traîna jusqu'à la première stalle.
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Les Porte-à-faux
FanfictionLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...