« Tu t'es toujours pas réconciliée avec Della, hein ? » lança Henry tandis qu'il observait la stagiaire qui balayait le crottin de la cour.
Celle-ci se contenta de grimacer.
« Fais des efforts, râla-t-il. C'est pas si compliqué.
-C'est vous qui le dîtes, protesta-t-elle aussitôt. Franchement, vous ... »
Mais Henry ne l'écoutait plus. Lloyd venait de sortir du secrétariat et se dirigeait vers les stalles, en ignorant ostensiblement son patron. Celui-ci souffla en se rappelant qu'il adoptait le même comportement depuis une semaine, mais le mal était fait : il avait eu un petit coup au cœur.
« ... invasion d'éléphants, disait la stagiaire. En plein Londres. Vous vous rendez compte ! En plus de ça, le Ministère de la Magie a décidé d'informer les Moldus de l'existence du monde magique et ...
-Quoi ? » s'exclama Henry.
La stagiaire leva les yeux au ciel et précisa :
« Je raconte n'importe quoi. C'était pour voir si vous m'écoutiez.
-Non, je t'écoutais pas, la rembarra Henry. Tu parles à longueur de journée, c'est insupportable.
-Veuillez bien me pardonner », lança-t-elle avec ironie en laissant glisser son regard vers Lloyd.
Henry retint l'envie de lui arracher la tête. Depuis la discussion qu'ils avaient eu tous les deux, quelques jours auparavant, son comportement avait évolué. Si elle était toujours aussi enthousiaste et pétillante d'énergie, elle faisait désormais preuve d'une ironie mordante et brute de décoffrage à laquelle Henry ne s'était pas encore habitué. En fin de compte, il ne s'était pas encore habitué à l'ouragan que faisait souffler la gamine sur son domaine bien soigné.
« Si tu crois que j'ai pas vu ton regard en coin, tu te fourres le doigt dans l'œil, grommela-t-il. Ce serait bien que tu apprennes le respect. »
Cette fois, elle ne moufta pas et baissa les yeux. Henry eut un sourire en coin que sa barbe broussailleuse dissimula. Ouf, il lui faisait encore peur.
« Et contrairement à ce que tu crois, je n'ai pas de problème avec Lloyd, continua-t-il. D'ailleurs, tout à l'heure, on doit aller ensemble sur le Chemin de Traverse voir le véto, on a besoin de remèdes contre la gale équine. »
Ça, ce n'était pas prévu. Henry avait parlé sous le coup d'une impulsion et il n'avait même pas fini sa phrase qu'il regrettait déjà d'avoir ouvert la bouche. Il n'avait pas besoin de passer deux heures avec son assistant dans un silence glacé. Mais si cela lui permettait de revoir Lloyd, rien qu'un moment ...
« Et toi, tu viens avec nous, ajouta-t-il soudain, pris d'une brusque inspiration. On part à deux heures. »
Voilà, ça c'était une bonne idée. Il ne serait pas en tête-à-tête avec son assistant, elle jouerait le rôle de tampon pour qu'Henry n'eût pas à se prendre tout le mépris des yeux de Lloyd en plein cœur.
Sur ce, Henry laissa là la stagiaire et se dirigea vers son bureau. Il ne restait plus qu'à prévenir Lloyd, et ça, c'était une autre histoire.
Il procrastina tant et si bien qu'à deux heures moins cinq, il n'était toujours pas allé voir son assistant. Piégé par ce qu'il avait dit à la stagiaire, il ne put cependant faire autrement que se diriger vers Lloyd et lui lancer de son ton le plus grognon :
« Je dois aller au Chemin de Traverse. Il faut que tu viennes avec moi. Il y aura la stagiaire aussi.
-Quand ? répondit Lloyd sans le regarder.
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Les Porte-à-faux
Fiksi PenggemarLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...