8. Henry ou les squelettes dans les placards

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« Bonjour monsieur ! Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ce matin ? Je vais nourrir les Ethonans ? »

Henry devait bien admettre une chose, la persévérance à la limite de l'acharnement de la stagiaire lui clouait le bec. Depuis quatre jours qu'elle était là, il n'avait cessé de lui donner les pires missions à réaliser, et elle n'avait pas eu un mot de protestation. Au contraire, elle avait toujours le sourire et faisait preuve d'une bonne volonté indestructible.

Henry n'était pas dupe, il savait bien que Lloyd lui donnait un coup de main de temps en temps, mais le jeune assistant ne pouvait pas être continuellement derrière elle. Et ce matin-là, typiquement, Lloyd n'était pas encore arrivé. Il ne pourrait pas aider la fille, elle devrait se débrouiller par elle-même.

« Ouais, acquiesça-t-il d'un grognement. Fais ça.

-D'accord ! » répondit-elle joyeusement avant de s'éloigner d'un pas léger.

Henry attendit d'entendre le claquement de la porte, compta jusqu'à quinze dans sa tête, puis quitta son bureau à pas de loup et se glissa furtivement à l'entrée des écuries. De là où il se trouvait, dissimulé dans l'ombre, la fille ne pouvait pas le voir, mais lui voyait tout.

Elle se dirigea vers le placard et en sortit le sac de nourriture d'un geste habitué.

« On reste calme », lança-t-elle en prenant le temps de dévisager les Ethonans un par un.

Certains renâclèrent, mais la plupart se calmèrent rapidement. Ils commençaient à s'habituer à elle, à ce qu'il semblait. Henry retint un rictus. Il voulait voir ce qu'elle ferait avec les graines de Ponx, sans la magie de Lloyd pour lui sauver la mise. Il avait eu vent de la catastrophe du premier jour.

Alors, à son grand étonnement, elle se mit à claquer de la langue à intervalles réguliers, puis ouvrit le sac. Les graines n'esquissèrent pas le moindre mouvement, sauf une ou deux plus énervées que les autres qui furent cependant ramenées à leur place par un geste sévère de la fille.

Sans cesser de claquer la langue, celle-ci se dirigea vers les stalles et commença à servir chaque Ethonan, foudroyant du regard ceux qui n'attendaient pas sagement qu'elle remplît leur mangeoire.

Henry en avait assez vu. Le cœur battant, il sortit de l'écurie et regagna dans son bureau dans lequel il s'enferma. Peu nombreux étaient les sorciers qui connaissaient cette vieille technique, la plupart préférant un bon vieux Charme Calmant. Elle était astucieuse, la gamine. Astucieuse et cultivée.

Il fut d'une humeur massacrante tout le reste de la journée. Les trois moniteurs l'évitèrent avec soin, aussi Henry passa-t-il ses nerfs sur la seule personne obligée de rester près de lui, à savoir la stagiaire. Le soir, il s'enferma dans le secrétariat et personne ne vint lui dire au revoir.

« J'ajoute cette journée à votre palmarès, commenta Lloyd en déverrouillant la serrure d'un coup de baguette magique. Vous avez rarement été plus grincheux.

-Tais-toi, gamin.

-Bon, écoutez, je sais qu'on est mercredi, mais les autres semaines vous n'êtes pas aussi exécrable. Qu'est-ce qui vous arrive ? »

Le cœur d'Henry cogna violemment dans sa cage thoracique.

« Quel rapport avec le mercredi ? aboya-t-il.

-Aucun, rétorqua Lloyd en levant les yeux au ciel. Je divague.

-Arrête d'être ironique.

-Dans ce cas, vous admettez bien qu'il y a quelque chose les mercredis ? »

Les Porte-à-fauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant