Grace arriva en courant dans l'hôpital Saint-Mangouste. Elle avait baragouiné une excuse incompréhensible au patron du bar moldu dans lequel elle travaillait. L'homme n'avait même pas cherché à comprendre, trop habitué à cette excentrique serveuse dont on aurait vraiment dit qu'elle venait d'un autre monde.
Grace avait traversé Londres en courant, trop angoissée pour transplaner. Elle était hors d'haleine lorsqu'elle jaillit comme une tornade dans le hall d'entrée et qu'elle se précipita comme une fusée vers le comptoir d'accueil. La queue devant était longue, beaucoup trop longue, et Grace ne se posa pas de questions.
« Ecartez-vous ! hurla-t-elle. C'est une ur ...
-Grace ! »
La jeune femme reconnut immédiatement la voix de son père. Theophilius s'avançait vers elle à pas rapides.
« On est installés là-bas, avec Alban, lui expliqua-t-il en arrivant à son niveau. Maman est en pleine opération, on n'aura pas de nouvelles tout de suite. »
Grace prit une profonde inspiration. Pendant quelques instants, le monde autour d'elle s'obscurcit et un bourdonnement lui emplit la tête, l'empêchant de penser – ce qui était peut-être mieux.
« Calme-toi, ma chérie, ajouta Theophilius en voyant que sa fille avait l'air au bord de la crise de nerfs. Elle est entre les mains des meilleurs experts. »
Grace avait entendu cette phrase tant de fois que les mots étaient désormais totalement vides de sens. Il y avait beau avoir les meilleurs experts, cela ne changeait rien au fait que sa mère était gravement malade, qu'un jour elle ne serait plus là et que personne ne pourrait rien y faire, et que Grace ne voulait pas qu'elle s'en fût sans avoir pu lui dire au revoir.
Elle renonça cependant à se mettre à hurler au beau milieu du hall de l'hôpital et suivit son père jusqu'aux sièges qu'Alban et lui occupaient, un peu à l'écart. Depuis trois ans que Mae était malade, Grace avait appris à la dure que les cris et les larmes ne changeraient rien à rien.
Mae était atteinte d'une Borrosis letalis, plus communément connue sous le nom de Pathologie de l'Effacement. Il s'agissait d'une maladie magique qui faisait progressivement disparaître le corps de la personne atteinte.
Au début, Grace croyait que cela ne concernerait que les facultés physiques de sa mère, mais elle avait rapidement déchanté. Le premier symptôme avait seulement été une pâleur anormale, presque fantomatique, mais toute la famille en riait, soulagée au fond que la terrible maladie ne se manifestât que de cette sorte. Et puis, insidieusement, Mae avait commencé à être fatiguée. Elle n'avait pas arrêté de travailler, et mettait son épuisement sur le compte du stress du travail. Elle avait fini par obtenir un arrêt maladie, et avait semblé soulagée, pendant un temps.
Mais le fait était que Mae parlait de moins en moins. Elle semblait toujours aussi présente, regardait ses enfants et son mari avec amour et les écoutait avec attention, mais chaque phrase semblait lui coûter énormément. Theophilius et Grace l'avaient poussée à se reposer et à ne pas faire l'effort de parler, pour économiser ses forces.
Et puis, un jour, Mae ne s'était pas réveillée. Ils avaient paniqué, même si le Médicomage qui suivait la malade avait précisé qu'elle ne mourrait pas avant d'avoir totalement disparu. Mae avait été emmenée en urgence à l'hôpital, et avait été prise en charge. Elle avait fini par se réveiller, mais n'avait plus prononcé un mot. Sa voix était partie sans qu'aucun des membres de sa famille n'ait pris le temps de l'écouter une dernière fois.
Cela avait été dur pour Grace, mais elle s'était habituée au silence de sa mère et avait pris son courage à deux mains. Elle ne se laisserait pas abattre. Elle avait appris la langue des signes pour pouvoir tout de même parler avec sa mère, mais bouger devenait de plus en plus dur pour celle-ci. Grace n'avait pas lâché le morceau et continuait sans relâche de communiquer avec elle, en lui parlant, lui serrant la main, écoutant sa respiration.
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Les Porte-à-faux
FanfictionLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...