Grace savait parfaitement ce qui l'attendait, mais elle restait droite et ses mains ne tremblaient pas. Elle regardait droit devant elle, impassible. Seuls ses doigts crispés autour de sa baguette trahissaient sa nervosité. Enfin, nervosité ... le mot était faible. C'était un tel maëlstrom d'émotions qui tournoyait en elle qu'elle aurait bien été incapable de mettre le moindre mot sur ce qui l'agitait.
Enfin, la porte du bureau s'ouvrit. Un des collègues de Grace en sortit, le visage défait, et passa à côté de la jeune fille sans prêter attention à elle. Elle eut soudain du mal à avaler sa salive.
« Miss Hadlee ? »
Par la barbe de Merlin, ç'allait être à elle. Luttant contre l'envie de s'enfuir à toutes jambes, elle s'arma de courage et pénétra dans le bureau.
« Fermez la porte, je vous prie. »
Elle s'exécuta sans trembler, et ce simple fait la remplit de fierté. Elle releva la tête, pleine d'une nouvelle détermination : d'accord, elle n'avait que vingt-deux ans, mais elle travaillait dans cette entreprise depuis quatre ans, depuis qu'elle était sortie de Poudlard. Elle vendrait chèrement sa peau.
Sa patronne était assise derrière son bureau. Son chignon strict lui tirait la peau en arrière, et lui donnait un air peu avenant, que les lunettes rectangulaires n'arrangeaient pas. Elle était en train de ranger une liasse de parchemins dans une pochette qu'elle plaça dans un tiroir, avant d'agiter sa baguette. Un autre dossier jaillit d'une petite armoire derrière elle et se posa devant la sorcière, qui l'examina rapidement. Grace se demanda si sa patronne rangerait son propre dossier de la même manière lorsqu'elle-même aurait quitté la pièce.
« Asseyez-vous », lança Mrs Abbott sans jeter un regard à son employée.
Grace posa ses fesses sur l'extrême bord de son fauteuil.
« Bien, reprit la directrice en relevant enfin la tête pour transpercer Grace de son regard bleu. Comme vous le savez sûrement, l'entreprise procède actuellement à une restructuration massive. La livraison magique est un domaine qui a connu une grande expansion ces dernières années, ce qui fait que nous avons donné lieu à des embauches massives et peu durables à long terme. »
Jusqu'à présent, Grace pensait que les yeux bleus ne pouvaient qu'être beaux. A présent, devant le regard perçant de sa patronne, elle découvrait que la laideur n'était pas le propre des yeux marrons.
« Aujourd'hui, notre entreprise est touchée par la crise et la récession économique, comme l'ensemble du monde magique. Nous devons à présent faire face à l'imprévoyance de nos décisions passées. Vous n'êtes pas la seule dans ce cas, évidemment, et ...
-Pour faire simple, vous considérez mon travail au cours de ces quatre dernières années comme une erreur ? la coupa Grace, n'y tenant plus.
-Pardon ? »
Grace se leva d'un bond, renversant sa chaise.
« J'ai travaillé quatre ans ici. D'accord, en tant que simple employée des livraisons, j'ai peut-être produit moins de valeur ajoutée que la directrice exécutive, mais ...
-Asseyez-vous immédiatement, je vous prie. »
La voix de Mrs Abbott était calme, mais vibrait dangereusement. Grace passa outre l'avertissement.
« Non ! C'est vous qui allez m'écouter, maintenant. Je comprends bien qu'on puisse me virer, ce n'est pas parce que je n'ai pas fait de longues études en économie magique que je ne saisis pas le problème, mais ce n'est pas non plus parce que je suis une employée de bas étage que vous pouvez me traiter comme une moins-que-rien. »
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Les Porte-à-faux
FanficLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...