Depuis une semaine, l'oiseau avait repris du poil de la bête, si l'on pouvait dire. La fille lui avait mis une attelle, et il sautait partout depuis quelques jours, impatient de pouvoir voler à nouveau.
Henry devait admettre qu'il était impressionné. Elle n'avait donc pas menti en disant qu'elle savait s'occuper d'animaux, ses gestes experts avaient démontré une certaine habitude. Lorsqu'Henry, curieux, l'avait interrogée à ce sujet, la stagiaire avait avoué à demi-mots qu'elle aimait bien recueillir tous les animaux blessés de la forêt pour les soigner. Les parents devaient avoir une sacrée patience.
« J'hésite », déclara-t-il tout de go à Lloyd, un soir, alors que les autres étaient déjà partis et que le jeune homme était resté pour dîner avec Henry – au moins, il serait sûr que son taciturne patron mangerait quelque chose ce soir-là.
Lloyd ne s'étonna pas, habitué à la brusquerie du vieil éleveur de chevaux, et attendit patiemment qu'il continuât. Henry, lui, cherchait ses mots.
« La gamine », commença-t-il avant de s'interrompre.
Lloyd ne put retenir son sourire.
« Si vous l'appelez gamine, c'est bon signe ! »
Henry leva les yeux au ciel.
« T'es complétement idiot.
-Bon, et qu'est-ce qu'elle a, Isabel ?
-Ouais. Elle. La pouliche », fit Henry avec un grand geste de la main.
Lloyd cligna des yeux. Henry répéta trois fois sa phrase dans sa tête avant de la lâcher d'une traite :
« Je voudrais proposer à la fille de m'aider avec la pouliche blessée. »
Lloyd eut un immense sourire plein de fossettes.
« Mais c'est super, ça ! Elle va être ravie, vous verrez !
-Ah, dit Henry.
-Et qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis, si je puis savoir ? »
Henry réfléchit un moment mais finit par hausser les épaules. Du diable s'il savait ce qui l'avait fait changer d'avis.
Le lendemain, quand la stagiaire arriva, Henry qui la guettait lui sauta immédiatement dessus. Elle eut l'air un peu étonné, ce qui pouvait se comprendre quand on savait que le sorcier avait plutôt l'habitude de l'ignorer.
Cette fois, Henry avait soigneusement préparé sa phrase pour ne pas bégayer. Il avait horreur de ça.
« Toi, embraya-t-il immédiatement, ça te dit de venir t'occuper de la pouliche blessée avec moi ce matin ? »
La fille ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes, et ce fut elle qui bégaya :
« M ... moi ?
-Ouais, toi, la rembarra Henry. C'est oui ou c'est non ? Dépêche-toi, j'ai pas de temps à perdre !
-C'est oui ! s'écria-t-elle avec tant de force qu'Henry sursauta. Bien sûr que c'est oui ! Quand est-ce qu'on commence ?
-Tout de suite.
-Carrément ! Je vous suis ! Euh ... je peux simplement aller déposer mon vélo avant ? »
Henry cligna des yeux et s'aperçut qu'il l'avait accostée si rapidement qu'elle n'avait même pas eu le temps de garer son engin.
« Magne-toi », lança-t-il par réflexe.
De fait, la fille se magna tellement qu'elle fut de retour littéralement moins d'une minute après. Henry l'accueillit d'un signe de tête et l'emmena jusqu'à l'écurie.
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Les Porte-à-faux
Fiksi PenggemarLa lettre qu'ouvrit Henry Eldridge par un innocent matin de juillet semblable à mille autres, ne le prévenait décidément pas de ce qui allait suivre. Le vieux sorcier de cinquante-cinq ans, éleveur de chevaux magiques, rencontre Isabel, dix-sept ans...