Chapitre 2

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La première chose qui répugne toujours autant Théodora, c'est l'odeur des déjections et des déchets, éparpillés aux quatre coins des rues comme si celles-ci étaient des poubelles. Pour elle qui a connu la fraîcheur des fleurs et plantes humides de la rosée du matin, ce changement lui a été encore plus brusque qu'elle ne l'aurait pensé. L'odeur y est si affreuse qu'elle en est presque brûlante et chaque fois la jeune femme sent ses poumons essayer de la recracher. Ce n'est pas non plus la fumée des usines qui plane également dans les airs, recouvrant les rues de légères brumes, ni la vision de ces enfants orphelins sûrement malades, couverts de suie et même parfois de sang, au milieu cet enfer olfactif, qui vont améliorer ses pensées. Si un nez humain a du mal à supporter ces odeurs, l'ouïe est aussi soumise à des sons que personnes ne voudrait ni ne devrait entendre. Que ce soit les toux de ces malades juvéniles, les gémissements de sans-abris au bord du trépas, les rires gras des ouvriers licenciés avec l'alcool pour unique compagnie ou les coups de reins d'un homme en train de s'affairer avec une femme qui n'est pas la sienne. Sans oublier les pleurs de supplications, suivis bientôt de cris d'une victime succombant aux assauts d'un énième meurtrier. Il faut dire que Londres de ces jours ne manquent pas d'hommes arrachant la vie à d'autres de leurs congénères, sans oublier celui qui fut l'empereur des assassins. Le cauchemar de Londres. Le diable en personne, dont le véritable nom demeurera probablement mystérieux pour encore des siècles.

Overwhelmed Avenue laisse place à sa ruelle, Penniless Street, à deux pas des célèbres quartiers de Whitechapel, qui semble encore habiter la silhouette mortelle de Jack l'Éventreur, qui même six ans après, hante toujours la mémoire des Londoniens. Vivre à coté de ces quartiers à la réputation sanglante n'enchante aucune personne vivant à Darkbird; Mais au moins, les thanatopracteurs ne risquent pas de se retrouver sans travail.

Théodora se rends au quatrième bâtiment sur sa gauche. C'est là qu'elle habite avec ses filles: un immeuble en briques encore plus sombre qu'une maison de passe et un des rares à ne pas être décoré, ce qui le rends encore plus déprimant. La porte grince quand elle l'ouvre et qu'elle pénètre à l'intérieur. Celui-ci est encore plus désolant que sa façade: il y a plus d'insectes morts que de personnes, les murs délabrés dépourvus de papier peint menacent de s'écrouler et les lampes bégayent leurs lumières. Le gris et le noir règnent en maîtres. Des rires gras et des fracas de verre parviennent aux oreilles de Théodora venant du premier étage.

« Encore des ivrognes... » se dit-elle en levant les yeux au ciel.

Elle emprunte l'escalier de bois, peut-être plus vieux que le bâtiment lui-même. Il serait ordinaire s'il n'avait pas cette forme ellipsoïdale qui semble sans fin. Théodora escalade rapidement celui-ci jusqu'à la porte de son appartement, au fond du couloir du dernier étage, n°159. Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte, de nouveaux cris arrivent à elle, cette fois-ci de son foyer. Mais Théodora sait de quoi il s'agit.

– Victoria ! Rends son peigne à Anne !, crie-t-elle quand elle passe la porte de son logement.

La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant