Chapitre 45

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_ Et vous dites qu'elle était suspendue à l'entrée ?

_ Oui, juste devant la porte, répond Théodora.

Après qu'elle ai nettoyé le sang, la jeune femme s'est lavée les mains et a attendu le retour d'Oda en faisant les cent pas dans la cuisine. Danielle, heureusement, n'était pas revenue dans les parages, elle a passé la matinée à jouer dans le jardin. Oda est revenue vers onze heures et elle fut étonnée de voir Théodora aussi préoccupée, l'attendant dans l'anxiété la plus profonde. Sa patronne s'est empressée de lui demander ce qui se passait. Elle lui a tout racontée, dans le moindre détail. Au début, Oda semblait perplexe mais quand elle ouvrit la boite que Théodora lui tends, son visage se décompose.

_ Est-ce que Danielle l'a vue ?

_ Non, je m'en suis assurée.

_ Vous avez une bonne âme Théodora, dit Oda les yeux toujours fixés sur la tête de l'animal, je ne crois pas qu'elle aurait supporté une vue pareille.

_ Qu'est-ce que cela signifie, demande la jeune femme après un court silence, je me doute que c'est de mauvaise augure mais, mis à part ce qui s'est passée à la laverie, je n'ai rien fait d 'autre de ce genre...

_ Ne vous inquiétez pas ma chère, dit la grand-mère en posant une main sur son épaule avec un sourire, je sais pertinemment que cela vient pas de vous.

Ces yeux se recentrent sur le corbeau et son sourit s'évanouit dans la seconde. Elle pose ses mains sur le plan de table laissant son buste s'affaisser au-dessus de l'intérieur de la boite. Sans rien dire, elle pousse un lourd soupir. C'est la première fois que Théodora voit sa patronne aussi préoccupée. Elle ne sait pas quoi faire. Doit-elle la rassurer ? Ce serai ridicule, c'est sa supérieure. Partir ? Ce serai lâche. Lui parler d'autres choses pour lui faire oublier ça ? Cela sonne encore plus ridicule que la première idée.

_ C'est l'œuvre d'une Sorcière.

Sa voix, malgré qu'elle soit devenue lugubre, ne laisse pas le moindre doute. Oda sait parfaitement de quoi elle parle, et à son ton, la situation est grave.

_ Que voulez-vous dire ?

_ C'est un message, ma chère. Une menace de mort de la part d'une autre Sorcière. On se doit de la prendre au sérieux.

_ Mais peut-être s'agit-il d'une mauvaise blague. On est à Londres après tout...

_ Non malheureusement, regardez.

Oda pointe du doigt le cou du corbeau, là où les chairs ont été tranchées. Avec dégoût, elle s'approche plus de la tête de l'animal et voit parfaitement l'intérieur de la gorge. Malgré, qu'il soit mort, tout est encore rouge et brillant, comme s'il était encore en vie. Cette simple pensée la fait reculer rapidement, alors qu'Oda pose un regard inquiet sur elle.

_ Je...je ne vois...pas...ce que vous voulez me montrer, dit la jeune mère en balbutiant.

_ Ce n'est rien. Vous m'avez bien dit que le sang coulait de sa blessure quand vous avez ouvert la porte ?

Théodora hoche vivement la tête.

_ Oui, quand je l'ai prit dans mes mains, je le sentait encore chaud.

_ Cela indique que le sang coulait encore dans ses veines quand on lui a coupé la tête. Ce pauvre animal a été décapité vivant, et au vu des traces sur la chair, pas d'un seul coup.

_ Oh mon dieu.

La jeune femme sent de nouveau son estomac se soulever mais réprime le liquide acide qui vient à sa bouche. Oda se rapproche d'elle, voyant son malaise.

_ Vous allez bien ?

_ Oui oui ne vous en faites pas, ment Théodora, ce n'est pas la première fois que je vois un cadavre, mais j'avais deviné que c'était une menace, mais je ne comprends pas pourquoi.

La grand-mère baisse les yeux comme si elle n'osait pas la regarder.

_ Oda ?

Celle-ci relève la tête, jamais elle ne l'avait vu aussi sérieuse.

_ Le fait que l'animal a été tué aggrave la situation. Rappelez-vous ce que je vous ai dit à propos de tuer un être vivant en tant que Sorcière. C'est un Acte Noir, un crime passible dans notre Coven d'expulsion voir d'exécution. Ce n'est pas seulement une menace, Théodora, il y a derrière une soif de vengeance qui ne sera étanchée que par la mort de la personne à laquelle est destinée ce message, crie presque la grand-mère, ses mains se resserrant autour des bras de la jeune femme.

_ Oda...vous me faites mal...

Devant la remarque sa domestique, Oda la lâche immédiatement, choquée de ce qu'elle venait de faire. Théodora est totalement abasourdie. Il n'y avait pas de colère dans la voix d'Oda, mais la plus pure des peurs, celle qui est capable de provoquer une insomnie à l'homme le plus robuste. Elle sent son cœur s'accélérer. Oda n'a pas voulu lui faire de mal, elle le sait. Mais tout ce qui se passe n'est pas normal. Un danger rôde dans les environs, et elle pourrait bien en être une victime collatérale. Est-ce pour cette raison que personne ne vient à Bluewaffle House ? Il est vrai qu'il faudrait être vraiment désespérée pour accepter de travailler dans un lieu où sa vie est en danger.

Mais ne l'était-elle pas ? Si. Le regrette-elle ? Absolument pas.

Personne ne l'avais aussi bien traitée et pris soin d'elle depuis la mort de son mari. En plus, elle lui fournit chaque soir de la nourriture pour elle et ses filles, quel autre patron ferait une chose aussi généreuse ? Absolument aucun. Surtout que cela lui fait plaisir. Même si son esprit lui dit de partir, son cœur lui dit de ne pas laisser Oda face à cette menace inconnue et cette peur, elle la connaît bien.

Alors qu'elle est perdue dans ses pensées, Théodora voit que la grand-mère est allée s'asseoir sur un des fauteuils où elles se sont rencontrées la première fois. Toujours sur le fauteuil de droite, en train de contempler le feu de cheminée. Elle peut voir de loin sa pipe qu'elle a porté à sa bouche au vu de la fumée qui en sort.

Sans trembler, elle vient s'asseoir sur l'autre à coté d'elle et regarde à son tour les flammes qui crépitent. Quand elle tourne légèrement la tête vers sa patronne, elle remarque des traces sableuses sur ses joues, aurait-elle pleurée pour lui avoir fait mal ? Non, cela doit être la menace qui doit la terrifier. Être une sorcière n'empêche pas d'avoir peur. Elle est autant humaine qu'elle, peut-être même plus.

Aucune d'elle ne parle pendant quelques instants et c'est finalement Oda qui brise le silence.

_ Je suis sincèrement désolée Théodora, sa voix laisse transparaître ses regrets, je n'aurai pas dû lever la main sur vous, c'est inacceptable.

La sincérité de ses paroles laissent la jeune femme sans voix, presque au bord du malaise.

_ Ah vrai dire, vous ne m'avez pas frappée...

_ C'est tout comme en ce qui me concerne. Je ne vous ai pas fait trop de mal au moins, demande Oda en se tournant vers elle.

_ Oh vous savez, j'ai eu bien pire, plaisante Théodora.

Mais Oda ne sourit toujours pas. Son air sérieux et chagriné est toujours marqué sur son visage.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant