Chapitre 26

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Alors qu'elle rebrousse l'allée, les pensées de Théodora se dirigent vers un autre sujet: Théodore. Son regard bleu de tristesse et son visage marqué par la solitude ne quittent pas la tête de la jeune femme. Et sa voix éplorée lorsqu'il lui a demandé de revenir le voir lui donne presque envie de reverser des larmes. Et d'aller le revoir.

« Non, Théodora! Pense à ta place. Tu ne vas pas perdre ton travail pour un élégant et bienveillant gentleman. Tu-je ne peux pas prendre ce risque. »

Mais Théodore ne sort pas de sa tête. Peut-être que la seule façon de l'oublier serait de la revoir une dernière fois pour lui faire un adieu digne de ce nom ? Après tout, elle ne lui a même pas ses salutations à lui, un homme de classe supérieure et ce n'est pas acceptable. Mais comment aller le revoir une dernière fois sans risquer de perdre son travail ?

L'idée qui lui vient par la suite effraie Théodora mais aucune autre vraie solution s'impose.

« Dés demain, j'irais voir Oda et je lui dirais tout. Je ne peux pas lui cacher ceci après tout ce qu'elle a fait pour moi. Et si elle n'est pas trop en colère, je lui demanderai si je peux lui dire adieu, alors, le voir pour la dernière fois. »

Son ventre se noue à la pensée de perdre son travail, et aussi de le revoir. Est-ce que cela vaut vraiment la peine ? Son bon sens lui dit que oui mais son cœur a un autre avis. Si elle ne va pas le voir une dernière fois, elle ne pourra jamais se le pardonner mais au moins elle garderait son boulot et ses filles pourront manger à leurs faims. Malgré son idée du départ, Théodora se résigne.

« Non, je ne peux pas faire cela, je ne ferai plus jamais subir la faim à mes enfants, c'est une promesse! Pardon, Théodore. »

Alors qu'elle sort de Greenwich Market, son épaule se heurte à quelque chose de dur et une exclamation en suit. Théodora se tourne pour voir non pas la l'objet, mais la personne qu'elle vient de heurter, une grande femme. La première chose qui l'interpelle: elle est totalement vêtue de bleu marin, de son chapeau à plumes à ses chausses.

« C'est une femme de la haute. Excuse-toi. »

_ Veuillez m'excuser, my lady, je ne vous avais pas vue, lui dit-elle en baissant la tête.

_ Quand on s'excuse, il faut regarder dans les yeux.

La voix de la femme est hautaine et méprisante, mais étonnamment calme. Après un moment d'hésitation, Théodora se risque à lever vers la tête et elle ne peut s'empêcher d'écarquiller les yeux lorsqu'elle voit son visage: Elle est encore dans la fleur de l'âge. D'une pâleur cadavérique, son visage était pourtant exempte d'imperfections et était mis en valeur par ses longs yeux émeraude et son rouge à lèvres écarlate. La jeune mère peut voir que ses cheveux est d'un noir encore plus sombre que l'ébène, impossible de trouver le mot juste pour décrire cette couleur. La femme en bleu est bien plus grande qu'elle et Théodora peut également deviner que sous son grand manteau de fourrure, bleu aussi, une silhouette fine se dessine. Mais ce qui perturbe vraiment la jeune mère c'est son regard. Ses pupilles noires semblent engouffrer le plus profond de son âme et est retenu prisonnier par le vert de ses iris. C'est un regard magnifique, qui hypnotiserait n'importe quel homme. Mais c'est la peur qui gagne Théodora lorsqu'elle le croise.

La voix hautaine et néanmoins belle de la femme la sort de ses pensées.

_ J'attends toujours.

Théodora secoue la tête pour revenir sur terre et malgré elle, dut se résoudre à regarder de nouveau ces yeux ensorcelants.

_ Veuillez m'excuser, madame, cela ne se reproduira plus.

Un mince sourire, dont les bouts sont aussi piquants que les pointes d'un poignard, se forme sur son visage. Théodora commence à ressentir des sueurs froides dans son dos et baisse la tête.

_ Voilà qui est mieux, passez votre chemin, jeune misérable.

La jeune femme ne se fait pas prier plus longtemps, baisse la tête et s'éloigne de cette apparition aussi belle qu'effrayante. Elle reprends le chemin vers sa maison en accélérant le pas.

Elle n'a pas vu que derrière elle, la femme en bleu lui offre un sourire narquois. Mais le plus étrange, c'est que personne ne semble la remarquer, ni même la voir et quand elle s'apprête à passer l'arc de Greenwich Market, celle-ci disparaît dans le flou le plus total, comme si elle n'avait jamais existé.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant