Chapitre 47

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Oda se radoucit.

_ Mais ne vous faites pas, comme je vous l'ai dit avant, elle est morte depuis plus de vingt ans ! C'est sûrement une autre sorcière, mais j'ignore de qui il s'agit.

Théodora hoche la tête mais son esprit est brouillé. L'attitude d'Oda en parlant de Bianca faisait vraiment froid dans le dos. Pourquoi une telle emportée pour une femme morte il y a longtemps ? Peut-être la connaissait-elle ?

La jeune femme n'a pas le temps de réfléchir plus longtemps que Danielle entre dans le salon dans un drôle d'état: elle est trempée sur tout le bras droit ! Mais, au lieu d'être embarrassée Théodora remarque qu'elle est en pleurs et Oda, qui avant souriait, est tout d'un coup prise de panique. Elle se lève rapidement et Irish, non content d'être réveillé en sursaut, la toise d'un œil mauvais.

_ Danielle, qu'est-ce qui s'est passé, demande Oda en évitant de toucher sa petite-fille.

_ Je me suis arrosée avec l'arrosoir, répond Danielle, sa voix étouffée par les larmes et la peur, ce qui échappe totalement à Théodora.

_ Allons vite dans la cuisine, dans l'évier !

Elle s'empare de l'autre main sèche de la petite pour la diriger vers la cuisine, suivit par Théodora et les deux animaux. Elles se dirigent vers le dite évier où la jeune femme remarque qu'il y a deux manivelles, pas pour l'eau chaude et l'eau froide, mais elle distingue un coquillage en relief sur l'une d'elle. C'est celle-ci qu'Oda tourne et immédiatement une odeur d'iode remplit ses narines.

« C'est de l'eau de mer ? »

La grand-mère s'empresse par la suite de mettre le bras de sa petite-fille sous l'eau salée, malgré la manche de la robe trempée. Danielle cesse de pleurer et les deux poussent un soupir de soulagement. Théodora est toujours en pleine incompréhension. Qu'y a-t-il de mal ou de dangereux à s'arroser ? Quand elle était petite, cela lui ai arriver à plusieurs reprises et elle n'en a jamais pleuré.

_ Théodora, pouvez-vous allez chercher une serviette dans la salle de bain, s'il vous plaît ?

_ Oui, bien sûr.

La jeune mère n'a pas pris longtemps à aller la chercher mais une fois l'objet dans les mains, elle s'attarde à la porte qui conduit au grenier et son cœur manque un battement.

« Théodore. »

Même si celle-ci est fermée, elle ne peut s'empêcher d'imaginer Théodore à la fenêtre, le regard perdu à l'horizon. Elle se bat contre l'envie d'aller ouvrir cette porte pour le voir mais une fois que la porte se trouve derrière elle alors qu'elle descend les escaliers, ce sont des larmes qu'elle essaye de retenir.

Quand elle revient dans le salon, elle voit Oda de nouveau assis sur son fauteuil tenant sa petite-fille tremblante sur les genoux, la cajolant et la berçant doucement en regardant le feu de cheminée. Elle s'empresse de poser la serviette sur les épaules de Danielle, qui lui chuchote un «merci» et Oda désigne l'autre fauteuil pour qu'elle s'y assoit de nouveau.

_ Oda, que s'est-il passé ?

La grand-mère lève les yeux vers elle, mais pas la petite. Les siens sont concentrés sur le feu.

_ Il y a encore plusieurs choses que vous ignoriez à propos des sorcières et ce qui s'est passé en fait parti. Nous sommes intolérantes à l'eau douce, cela nous tue pas mais cela peut nous brûler la peau. C'est pour ça que je demande à ce que ce soit vous qui arrosiez les plantes et pas Danielle. Moi, j'ai appris à faire attention mais avec l'âge, je deviens de plus en plus fragile au niveau du bras.

Théodora se penche vers elles, son esprit avide de curiosité.

_ D'où vous vient cette...réaction ?

_ A cause des méchants hommes, dit tristement Danielle sans cesser de regarder le feu alors que sa grand-mère resserre l'étreinte de son bras autour de ses épaules.

_ Quels méchants hommes ?

_ Danielle fait référence à ceux qui torturaient les sorcières au Moyen-Âge. Ils avaient une méthode bien à eux de les faire avouer qu'elles étaient les suppôts de Satan. Cela s'appelait l'ordalie par l'eau froide mais les sorcières l'appellent tout simplement l'Ordalie Bleue.

_ J'en ai déjà entendu parler, dit la jeune femme songeuse, si les femmes accusées de sorcellerie coulaient, elles étaient innocentes et si elles flottaient, elles étaient considérés comme sorcières c'est cela ?

_ Oui, c'est exact. Mais ce que les bourreaux n'avaient pas compris, c'est que les sorcières ne respirent pas sous l'eau comme les humains, et malheureusement, de nombreuses sorcières se sont retrouvées au fond des rivières et des puits aux cotés des femmes humaines. Et aujourd'hui, nous portons encore les conséquences de cette cruauté.

_ Est-ce que vous pouvez boire ?

La question soudaine de la jeune femme fait relever la tête de la petite Danielle vers elle, Oda en fait de même.

_ Je veux dire...vous pouvez boire de l'eau tout de même ?

Ses interlocutrices rirent doucement en hochant leurs têtes.

_ Oui Théodora, nous pouvons boire de l'eau, nous devons juste faire attention à ce que cela ne touche pas le reste du corps. Et c'est celle qui vient des rivières et des puits qui nous font mal, ce n'est pas le cas de l'eau de pluie ou encore, de l'eau de mer. C'est pour ça qu'il y a deux manivelles dans tous les robinets de la maison, l'un pour la pluie et l'autre pour l'eau marine. L'eau de la mer est parfaite pour prévenir en cas de brûlure d'eau douce.

_ Oh...

« Je me demande comment elles font pour se laver. »

_ Pour nous laver, ma chère, nous associons l'eau de pluie avec plusieurs savons, dit la grand-mère en riant, ne vous inquiétez pas pour cela, nous avons de l'hygiène.

_ Oh mon dieu, j'espère que je ne vous ai pas offensée...

_ Pas le moins du monde, dit Oda en balançant et courbant sa main.

_ Mais j'ai une autre question. Vous pouvez lire dans les pensées ?

_ Vous l'avez deviné seulement maintenant ?

Alors que le visage de Théodora affiche une mine encore plus perplexe, Oda et Danielle se mettent à rire tout en se resserrant l'une contre l'autre. L'incident semble déjà faire partie du passé. La jeune mère ne peut pas rester insensible devant un spectacle si chaleureux et rit à son tour.

Quand la jeune femme rentre chez elle, son esprit est plus serein. De plus, avec ses filles, il est impossible de ne pas sourire. Après leur repas du soir, elles s'endormirent ensemble, bras dans les bras sauf Théodora, qui après avoir regardé une dernière fois la lune, éclairant Big Ben qui sonne 22 heures, ne pense qu'à une chose: revoir Théodore.

Les rayons de la lune éclairent l'intérieur du grenier, et le visage du jeune homme. Celui-ci s'attarde sur les touches de son piano, vestige du temps et de son passé, qu'il regarde d'habitude avec regret.

Mais pas cette nuit. Il se dirige à la fenêtre où il l'aperçue pour la première fois, et le jardin, même exempte de sa présence, ne lui a jamais paru aussi beau.

Il espère la revoir et quelque chose lui dit, que c'est pour bientôt.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant