Chapitre 27

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Le lendemain matin, alors qu'elle marche vers Bluewaffle House, l'estomac de Théodora se noue de plus en plus, à chacun de ses pas. Elle a décidé de ne rien dire à Oda, même si elle regrettera toujours de ne pas lui avoir dit adieu, elle ne peut se permettre de risquer sa place. Elle a de la chance d'avoir trouvé un travail aussi bien payé pour une femme de sa condition. De plus, son employeur est des plus chaleureuses et offre chaque soir à manger pour elle et ses filles, des plats délicieux. C'est ingrat de la part de la jeune mère de lui cacher qu'elle a rencontré son fils, mais ses enfants comptent sur elle pour leur offrir un semblant de vie meilleure. Et elle compte bien leur en montrer un petit aperçu et c'est grâce à Oda Doridge.

Et comme cette angoisse ne suffit, sa rencontre avec la femme en bleu la hante encore et elle a eu beaucoup de mal à s'endormir la veille au soir. Ne serait-ce que le souvenir de son regard la remplit de peur.

« Ces yeux... »

Quand elle frappe à la porte, la grand-mère et la pétillante Danielle l'accueille, un grand sourire sur chacun de leur visage.

_ Bonjour Théodora, toujours à l'heure. J'aime les gens ponctuels, entrez.

_ Merci, bonjour à vous deux, dit la jeune femme essayant de cacher son malaise.

Elle pose son châle sur le porte-manteau près de l'entrée lorsque Oda vient poser son bras sur ses épaules.

_ Aujourd'hui, très chère, est un jour particulier: vous n'allez pas travailler, il faut que je vous parle d'une chose importante. Suivez-moi dans le salon.

Gardant toujours son sourire, Théodora sent néanmoins ses membres trembler alors que la grand-mère la guide vers le séjour. Après l'avoir saluée, Danielle monte immédiatement dans sa chambre.

« Oh mon dieu, elle est courant. Je vais être renvoyée. »

Cette possible hypothèse la tétanise tellement que ses yeux ne laissent pas couler les larmes. Si Oda ne la tenait pas les épaules, elle s'effondrerait. Celle-ci l'encourage à s'asseoir sur le fauteuil où elle s'est assise la première fois qu'elles ses ont rencontrés. Pour Théodora, la boucle semble bouclée mais comment expliquer alors le sourire chaleureux et l'étincelle de bonheur qui cligne dans les yeux d'Oda ? La perplexité de la situation la rends encore plus nerveuse mais elle essaye de le dissimuler.

La grand-mère s'installe à son tour sur son fauteuil rouge et commence à allumer la pipe, déjà entre ses lèvres. Elle ne dit rien et se contente de fumer en regardant Théodora en souriant. La tension que la jeune femme ressent crispe ses épaules au maximum. Et le silence entre elles n'arrange rien.

Enfin, Oda reprends la parole.

_ Je vous ai fait venir ici car j'apprécie énormément ce que vous faites pour vos filles, sans compter votre travail impeccable.

Ces mots réchauffent le cœur de Théodora mais peut-être est-ce le calme avant la tempête. Sa nervosité ne baisse pas pour autant.

_ Mais en réalité, je vous ai venir ici car je voudrais en apprendre plus sur vous. Il y a certaines choses que je sais déjà, d'autres pas encore et je voudrais que vous m'aidiez à les approfondir.

Sa demande surprends beaucoup Théodora, qui dans l'incompréhension, ne peut que froncer des sourcils.

_ Quelles choses savez-vous déjà sur moi ?, demande-t-elle, curieuse et perplexe.

_ Beaucoup, très chère, beaucoup.

Ce n'est pas la première qu'Oda se fait énigmatique, et malgré que cela pourrait l'effrayer, la jeune femme ne s'en est jamais inquiéter. Pour être honnête, cela la soulage presque car de toute façon, elle n'a rien à lui cacher. Enfin, presque.

« Si ça doit être ma dernière entrevue avec elle, que ce soit au moins agréable. Peut-être qu'elle me renverra avec douceur, contrairement à Mme Clubb. »

Elle sent son corps se décrisper un peu et Oda rallonge son sourire, plus chaleureux que la lumière de la cheminée qui l'illumine. Théodora se redresse pour être le plus droit possible.

_ Que voulez-vous savoir, de plus, sur moi ?

_ Je tiens à être honnête avec vous, c'est sur un sujet délicat peut-être encore douloureux. J'entendrais et écouterait ce que vous voulez me dire et vous pouvez vous arrêter à tout moment si cela devient trop dur, c'est votre choix.

Théodora hoche la tête et tout à coup, une petite boule rousse vient se poser sur les genoux d'Oda. C'est Irish, il vient se balader sur tout le corps de la grand-mère, qui se met à rire aux éclats, suivi bientôt de Théodora quand le bébé écureuil tenta sans qu'elle ne l'explique, de voler la pipe de sa maîtresse. Quand celle-ci le lui refuse évidemment, il se résigne et va alors se coucher entre les genoux joints d'Oda, comme pour s'endormir mais il garde les yeux ouverts. La jeune femme se reprends rapidement.

_ Sur quel aspect de ma vie voulez-vous me questionner ?

Le sourire de la grand-mère baisse légèrement.

_ C'est au sujet de votre défunt mari.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant