Chapitre 25

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Ce n'était pas une pomme d'amour mais des barres de nougat du magasin de sucreries, The Sweet Basket. Théodora s'en souvient, la porte d'entrée était gardée par un grand berger allemand noir et brun qui appartenait à la propriétaire, la veuve et âgée Mrs. Largecaries. Il lui semble qu'il s'appelait Sphinx car son ex-mari était soldat en Égypte mais celui-ci fut tué lors d'une altercation dans un bar qui a très mal tourné. C'est avec l'argent qui lui a cédé qu'elle a pu ouvrir sa boutique de sucreries, si elle ne pouvait plus rendre heureuse son mari, elle trouverait le bonheur en vendant des dragées à tout le monde.

Mais quelques mois plus tard, elle fut victime d'un odieux cambriolage en pleine nuit et la mauvaise surprise l'attendait au lendemain matin, tout l'argent ardemment ramassé a été dérobé. Depuis ce jour, celle que les fidèles clients appelaient autrefois « Granny » est devenue froide et très méfiante. Pour éviter alors que ce genre de tragédie recommence, elle chargea son chien de garder la boutique en son absence. Mais ce jour-là, la nouvelle d'un nouvelle arrivage de nougat fit crier gourmandise dans l'esprit des deux enfants, enfin surtout Ronald. Il a attendu que le chien soit endormi pour aller avec la petite Théodora piquer des barres de nougat avant que le magasin n'ouvre et que les autres se ruent dessus. Il était euphorique mais la petite était très nerveuse. Elle savait qu'elle faisait quelque chose d'interdit et immoral mais elle voulait prouver à son ami qu'elle n'était pas une poule mouillée. Et cela pris le pas sur sa raison.

Soudain, au moment de sortir, Mrs. Largecaries s'interposa entre eux et la porte. Ils ont ensuite passés un salle quart d'heure et si Ronald ne faisait pas le fier, Théodora était pratiquement en larmes. Malgré son cœur devenu pierre, la propriétaire s'attendrit et les laissa néanmoins partir avec une barre de nougat chacun quand elle comprit qu'ils ne le referont plus jamais. Une fois dehors, l'ambiance entre eux était lourde et avait perdu de la couleur. Théodora n'avait même plus le souhait de manger sa dragée préférée. Elle était en colère contre Ronald mais aussi contre elle-même car elle s'est laissée embarquée là-dedans. Voyant que son amie si triste et en colère, Ronald lui donna sa propre barre de nougat pour se faire pardonner et surprise, elle l'accepta. Devant la gentillesse de son ami, elle cassa la barre en deux et lui donna la plus grosse partie pour lui montrer qu'elle lui pardonne, le voyant dévoré par les remords. La tension entre s'apaisa pour finalement disparaître quand ils sourirent. Théodora se promet alors de ne plus jamais voler quoi que ce soit même si elle en a besoin et Ronald lui promet de ne plus jamais la mêler à ses affaires. Durant le reste de sa vie jusqu'à sa mort, il a tenu sa promesse et ne l'a jamais oubliée.

Le cœur de la jeune veuve se resserre alors qu'elle sort de l'épicerie, ses bras chargés d'aliments pour se retrouver en face du magasin des confiseries de Mrs. Largecaries, maintenant gris et abandonnée. La propriétaire est décédée il y a trois ans et comme elle n'avait pas de descendants et que personne ne l'a rachetée, la magasin fut laissé à l'abandon. Cela lui a brisé le cœur quand elle a appris que la magasin allait fermer et se dire que parmi tous les sympathiques, fidèles et riches clients qu'elle avait, aucun n'a eu la bonté de racheter et rouvrir le Sweet Basket. Pour être honnête, elle l'a vécu un peu comme une trahison. Elle aurait souhaité emmener ses filles dans ce magasin et qu'elles rencontrent Mrs. Largecaries. Quand elle s'avance vers la vitrine sale et vide tout présentoirs, une grande peine s'empare de son cœur. L'intérieur est vide de toute vie et rêverie et la poussière a pris le pas sur les couleurs. Les toiles d'araignée et les gros rats remplacent les bouteilles de friandises.

« Moi aussi j'ai tenu ma promesse Mademoiselle, pense-t-elle alors comme une prière à la défunte propriétaire, et c'est grâce à vous que je ne suis pas devenue une voleuse, même lorsque j'étais à la rue avec mes filles. D'ailleurs, après ce jour, Ronald a cessé également tout larcins et est devenu plus honnête sans pour autant perdre de sa gentillesse et c'est encore une fois grâce à votre intervention, merci. »

Théodora hoche la tête et dans la seconde suivante, Big Ben sonne ses neuf heures. Elle s'éloigne alors du magasin pour finalement rentrer chez elle, ses filles ne vont pas tarder à se lever.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant