Chapitre 41

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Mais ce regard, empreint de tant de gentillesse et de compassion lui réchauffe la poitrine. Elle lui rappelle une autre personne que son esprit n'identifie pas tout de suite. Puis son nom lui revient.

« Théodore.»

Son cœur loupe un battement quand son apparence s'impose à son esprit. Ses cheveux noirs courts, ses joues marqués par des fossettes, sa grande carrure, ses lèvres légèrement pulpeuses...Mais, comment pouvait-elle penser à cela ?

Elle sent alors ses mains trembler. Elle voulait parler de ça à Oda depuis le début mais cette journée est si insolite que cela lui ai sortit de la tête. Sa peur doit être présent sur son visage car sa patronne lui a changé d'expression, mais il n'y a pas la moindre once de colère, seulement de l'inquiétude.

_ Tout va bien, Théodora? Vous avez l'air soucieuse. On dirait que vous me cachez quelque chose.

« Oh non, non.»

La jeune femme essaye de calmer son rythme cardiaque en vain. Cependant, elle réussit à ne pas extérioriser sa panique. Mais, elle ne tient pas plus longtemps et rencontre les yeux d'Oda, les siens déjà embrumés de larmes naissantes.

« Je n'ai plus le choix maintenant.»

_ Je vous en prie, ne me renvoyez pas, supplie-t-elle d'une voix rauque, j'ai commis une erreur. Une erreur grave.

_ Oh Théodora, dit précipitamment Oda en lui prenant et serrant la main, vous n'avez rien à craindre pour cela. C'est parfaitement normal, assurez-vous juste que cela ne se réitère pas. Que s'est-il passé ?

Théodora respire un coup mais son cœur se serre jusqu'à se tordre. C'était une erreur d'avoir rencontré Théodore mais le fait de savoir qu'elle ne le reverra plus jamais, lui cause plus de chagrin qu'elle ne l'aurait pensé.

« Mais Oda est le genre de personne qui mérite qu'on soit aussi honnête qu'elle ne l'est avec les autres.»

La jeune femme reprend enfin la parole.

_ Je l'ai rencontré.

_ Qui donc, demande sa patronne, véritablement surprise.

_ Votre fils. Théodore, le dernier s'échappe dans un murmure, j'ai entendu la musique pendant que je travaillais et je l'ai suivie jusqu'au grenier. C'est là que je l'ai rencontré, mais on a fait que discuter je vous jure, je n'ai rien fait de m...

Alors qu'elle s'attend une réprimande, Oda s'approche soudainement de son corps pour la prendre dans ses bras et la serrer fort. Ce contact, bien qu'inattendu et très familier, fit cesser le torrent des larmes de Théodora. Celle-ci sentit quelque chose de liquide et de chaud goutter sur son épaule et ne met pas longtemps à comprendre: Oda pleure. Ce n'est pas commun de voir son patron verser des larmes, ça l'est encore moins de lui rendre l'accolade. Elle ignore pourquoi elle pleure mais cela lui est désagréable. Elle se souvient également de la raison qui pousse Théodore à s'isoler dans ce grenier poussiéreux.

« J'espère que je n'ai pas réveillé des souvenirs trop douloureux.»

Oda s'écarte légèrement mais elle garde ses mains autour de ses bras. Certaines larmes restent sur ses joues. Étonnamment, son regard ne montre aucune tristesse mais du soulagement.

« C'est une femme très spontanée.»

_ Merci, Théodora.

La jeune femme ouvre grand les yeux. Elle ne les a jamais autant de fois écarquillés en une seule journée.

_ Pourquoi me remerciez-vous ?

La grand-mère chasse ses larmes restantes et retrouve son éternel sourire.

_ De l'avoir vu et rencontré, comme vous avez dû vous douter, il ne reçoit pas beaucoup de visites. Surtout de quelqu'un d'aussi adorable que vous.

_ Je...je pensais que vous... m'en voudriez, dit Théodora, prise au dépourvu.

_ Mais pourquoi donc ?

_ Et bien...je suis à votre service... et il est...comme vous...mon...supérieur, malgré la réalité qui l'opposait à lui, elle a l'impression que cela sonne faux.

_ Théodora, dit Oda en lui serrant ses mains, je vous ai déjà dit que je vous considère comme quelqu'un de la famille. Il n'est en aucun cas votre «supérieur». Du moins, pas si vous le souhaitez...

La grand-mère la regarde une nouvelle fois avec tendresse. Il n'y a plus de larmes, seulement son sourire et de la joie dans ses yeux. Mais les derniers mots l'ont laissés perplexe.

_ Que voulez-vous dire ?

_ Comme vous vous doutez, il reçoit peu de visites et en tant que sa mère, il est de mon devoir de veiller à son bien-être. Et pour ce qui est des relations sociales, on peut dire que j'ai lamentablement échoué.

De sincères regrets se reflètent dans ses paroles, ce qui ne manque pas d'attendrir davantage Théodora.

_ Il vous a parlé de son...état ?

_ Oui, il m'a dit qu'il est très malade.

_ Hm.

C'est la première fois qu'elle voit Oda visiblement déçue. Pas par elle, par son fils. Qu'est-ce qu'elle aurait voulu qu'il lui dise d'autre ?

Un silence désagréable s'est installé entre les deux femmes et c'est Oda qui y mit fin. Même s'il n'a duré que quelques secondes, Théodora ressent encore une certaine tension dans l'air, ce qui efface un peu la légèreté de leur relation, certes nouvelle mais honnête.

_ Quoi qu'il en soit, je pensais tout espoir perdu jusqu'à ce que vous veniez frapper à ma porte, ma chère.

La jeune femme fronce les sourcils.

_ Je ne tient pas à ce que vous ne revoyiez plus mon fils, bien au contraire. J'aimerai que vous lui teniez souvent compagnie, qu'il reprenne goût à parler, rire et partager autour de lui. S'il vous plaît.

Sa demande est quelque peu, inhabituelle. En tant que domestique, elle ne devrait pas être autorisée à engager une relation si familière avec quelqu'un d'un rang supérieur au sien. Ce n'est pas l'envie qui lui manque, c'est que cela ne se fait pas. Et si elle échouait? Et s'il la trouvait ennuyeuse? Et si elle ne le rendait pas à nouveau heureux? Cette dernière pensée la taraude au plus haut point. Son visage dévoré par la nostalgie d'un rêve enterré qu'il ne pourra jamais ressusciter lui avait tout de suite pourfendu son âme. Et malgré sa peur de le décevoir, son envie de l'aider est bien plus forte.

Elle se redresse vers Oda, l'espoir et l'appréhension se lisant sur son visage.

_ C'est d'accord mais j'ai quelque chose à vous demander.

_ Tout ce que vous voulez, dit la mère dans une soupir de soulagement et l'haleine de la joie.

_ Je ne veux pas être payée pour cela, je le fais car c'est aussi mon souhait de le revoir.

Uns sourire rayonnant naît sur le visage de cette mère, qui vient de retrouver l'espoir de redonner un peu de vie à son fils. Théodora connaît bien ce sentiment, elle le ressent tout le temps avec ses filles depuis qu'elle travaille pour les Doridge. Oda la prends dans ses bras une nouvelle fois, laissant déverser quelques larmes de joie sur son épaule.

_ Merci, je ne vous remercierai jamais assez, lui chuchote-elle.

La jeune mère sent inconsciemment ses joues rougir. Mais elle ignore si c'est par rapport au remerciement émouvant d'Oda ou le fait de revoir Théodore.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant