Le temps semble s'arrêter autour de Théodora, qui retient instantanément son souffle. Comme si elle avait deviné, Oda pose se penche vers elle, ce qui ne semble pas plaire à Irish qui se relève pour la regarder avec reproche. La grand-mère vient alors lui caresser la main afin de la rassurer.
_ Parlez-moi sans crainte, ni peur et encore moins de honte. D'après ce je ressens, je sais que vous avez besoin d'en parler et je pense que personne ne vous a prêté d'oreille attentive, n'est-ce pas ?
Son interlocutrice hoche la tête vivement.
_ C'est ce je pensais.
Oda se tait. Théodora sait qu'elle attends qu'elle prenne la suite de la discussion et finalement, elle prends son courage à deux mains pour de nouveau ouvrir la bouche.
_ Ronald et moi, nous nous connaissions depuis l'enfance. Son père était ouvrier depuis que sa femme est morte en donnant naissance à son fils. Comme il manquait de figure maternelle, il fut souvent envoyé chez nous et s'entendait à merveille avec mes parents. Ils étaient voisins et c'est comme ça que nous nous somme connus et même si au premier abords on étaient les plus opposés, nous nous sommes plus jamais lâchés.
Théodora voit alors un sourire coquin se former sur le visage d'Oda, ce qui la fait rougir abondamment. Même Irish penche la tête sur le coté, comme pour surligner son doute.
_ Non, ce n'est pas ce que vous pensez, nous nous sommes véritablement côtoyés qu'une fois mariés. Durant notre enfance, nous étions les meilleurs amis du monde et cela ne s'est pas arrêter quand nous avons marché la longue allée.
_ Parlez-moi de votre enfance avec lui, je suppose que c'était plus joyeux qu'aujourd'hui.
_ Oh oui, dit Théodora en soupirant, mon enfance a été l'une des plus belles périodes de ma vie. Même si mes parents m'aiment énormément, ils étaient sans plongés dans leur travail et même si on ne manquait de rien, cela ne les empêchaient pas d'œuvrer ardemment.
_ Vous vous sentiez seule ?
_ Je n'ai jamais eu la chance d'avoir un frère ou une sœur. Les seuls cousins que j'ai vivent dans le sud-est de la France et nous nous sommes pas parlés depuis des années. Alors quand Ronald est arrivée à la maison pour la première fois, il est vrai que j'étais heureuse d'avoir trouvé un compagnon de jeu. Je me rappelle qu'il m'avait offert une grande iris violette le jour où on s'est rencontrés, tellement il était timide. C'est ma fleur préférée.
Sa dernière phrase la replonge dans son souvenir et elle ne peut retenir son doux sourire. Elle n'avait pas pensé à ce moment depuis des années et pourtant tout lui revient en tête, comme si cela s'était passée la veille. Dans l'ombre de la toiture, elle était à l'abri du soleil dont la chaleur régnait sévèrement. C'est plutôt normal pour un mois de mai en pleine campagne. Elle se souvient aussi du petit jardin devant leur maison en pierres, d'habitude vert, était maintenant décoré de pointes de jaune, de violet, de rose et de bleu comme dans un rêve flou où on ne distingue pas clairement les formes. Celui-ci était entouré d'une barrière en bois et un chemin de graviers formait le chemin jusqu'à la porte d'entrée. Elle se rappelle même de sa robe à carreaux bleus et blancs, ses deux tresses qui descendaient juste en-dessous de ses épaules et de ses chausses brunes. Mais ce qui la fait sourire, c'est surtout du visage sale de Ronald, qui était en train de se bagarrer contre deux autres garçons avant qu'ils ne se rencontrent et pourtant quand il lui a tendu l'iris, elle lui a sourit.
_ Théodora.
La voix douce d'Oda s'impose à son souvenir pour finalement la ramener au présent.
_ Je crois que vous êtes partie loin.
_ Oui, en effet, lui dit Théodora en souriant.
Une odeur bien familière lui parvient aux narines.
_ Vous avez fait du caramel ?
_ Non, c'est Danielle qui l'a fait et elle vient juste de nous en apporter mais vous étiez complètement plongée dans vos pensées, lui répond-elle en riant légèrement.
_ Je suis vraiment désolée, je ne m'en suis même pas rendu compte.
_ Ce n'est pas grave, nous avons tous le temps.
Théodora hoche la tête et voit qu'Oda est en train de donner quelque chose à Irish. Elle dû cligner des yeux plusieurs fois avant de bien voir: elle est en train de lui donner le biberon, celui-ci est tellement petit qu'elle le tient à deux doigts. Irish semble se régaler de la boisson. Mais Théodora ne voit pas quel est le contenu, ce n'est pas blanc donc ce n'est pas du lait mais c'est très jaune, presque orange.
_ Vous lui donnez du jus de pomme ?
Oda rit doucement alors qu'Irish continue de boire.
_ Non, c'est du lager, il ne boit que de ça et il adore.
Théodora fronce les sourcils en poussant un cri d'étonnement.
_ Vous lui donnez de la bière ?
_ De l'irlandaise précisément, son nom en dit long. Et uniquement de la blonde. J'ai essayé de lui faire aimer autre chose mais aucune autre boisson n'a trouvé cher à ses yeux, pas même le lait de vache.
_ C'est...particulier.
_ J'en suis bien consciente mais c'est ainsi, lui dit-elle en haussant les épaules.
_ Ash boit aussi de la bière ?
Oda se mit à rire bruyamment et Irish pousse un son peu commun, qui pourrait ressembler à un rire.
_ Elle, de la bière ? Sûrement pas, cette petite lapine y est même allergique. De toute façon, elle n'aime aucune boisson alcoolisée. Mais ne vous y méprenez pas, elle a aussi son breuvage favori et accrochez-vous bien: du lait à l'essence de fleur.
_ A l'essence de fleur ?
_ Oui, n'importe quel fleur, sauf celles qui sont toxiques évidemment, dont il est possible d'extraire un nectar ou sinon on la bout dans une marmite. Ensuite on le rajoute avec le lait, chaud ou froid, c'est selon les préférences. J'ai toujours trouvé que cela n'avait pas beaucoup de goût alors je met du sucre et c'est tout de suite autre chose. Vous pouvez aussi rajouter du colorant de n'importe quel couleur, le résultat n'en sera que plus insolite. C'est pour ça que Danielle est descendue tout à l'heure et elle en a profité pour nous faire du caramel, prenez-en une cuillère je vous en prie.
Entre leurs fauteuils se trouve une petite table en bois auquel Théodora n'avait jamais prêté intention. Le dessus est couvert d'une nappe blanche en forme de pissenlit sur lequel est posé un plateau décoré de fleurs bleues, de la vaisselle en porcelaine blanche avec des fruits rouges dessinés dessus, comme des cerises et des groseilles, avec bien sûr des cuillères et au milieu, la marmite brune qu'elle avait vu le jour où elle l'a embauchée. L'intérieur est rempli de caramel coulant dont la couleur orange, presque marron et l'odeur envoûte littéralement Théodora, qui prends une cuillère et la trempe dans la marmite avant de l'apporter goulûment à sa bouche, sous le regard attendri d'Oda et celui d'Irish, qui a l'air de la juger.
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La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle House
FantasyDans le Londres victorien, la veuve Théodora et ses trois filles vivent dans un des quartiers les plus pauvres de la capitale. De plus, à l'approche de Noël, la jeune femme perd son travail suite à un coup monté. Mais un étrange hasard l'amène à Blu...