Chapitre 9

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– Maman, maman, réveille-toi, il neige, il neige !, crie Victoria en sautant sur sa mère.

– Quoi ?, grommelle-t-elle, encore endormie.

– Il neige partout, viens-voir à la fenêtre c'est trop beau !

Victoria tire sa mère hors du lit par le bras et l'amène à la fenêtre. Le spectacle devant elle l'oblige à ouvrir les yeux: de gros flocons tombent en continu pour venir se poser délicatement sur le sol boueux, gelé par le froid. Les toits de Londres perdent de leur noirceur pour un épais manteau blanc. En bas de son immeuble, Théodora voit des enfants gesticuler dans tous les sens, les yeux vers les cieux, remplis de bonheur et d'enchantement.

« Cela fait longtemps qu'ils attendent son arrivée. », pense-t-elle, un sourire aux lèvres.

– Est-ce qu'on peut sortir nous aussi, dit Anne, excitée comme jamais.

– Tu veux sortir toi aussi Elizabeth ?, demande la mère à son aînée.

– Oh oui, tu sais que j'adore la neige et ne t'inquiète pas, dit Elizabeth en comprenant ce que Théodora allait probablement lui demander, je m'occupe de surveiller les filles.

Elle comprends que sa fille veut lui laisser le temps pour trouver un autre travail, mais elle a aussi envie de passer du temps avec elles et de toute façon, cela ne l'empêchera pas de chercher.

– Ce n'est pas nécessaire, je viens avec vous.

– Oh oui, répondent en chœur Anne et Victoria, accompagnée par le grand sourire d'Elizabeth. Malgré qu'elle n'ait jamais rien dit, Théodora sait qu'elles leur manquaient pendant qu'elle travaillait et elle n'a pas eu beaucoup l'occasion de passer des moments avec elles, comme ceux de la veille. Elle n'avait jamais connu un tel bonheur que de voir ses filles heureuses et compte bien réitérer l'exploit.

– Mettez vos châles les filles, je ne voudrais pas que vous attrapiez froid.

En moins de deux, celles-ci se ruent dessus pour s'emmitoufler dedans et sortir de l'appartement en trombe, suivit d'Elizabeth qui tente de les calmer et les rattraper. Théodora ferme la marche et ferme la porte de l'immeuble derrière elle. Immédiatement, trois flocons vient frôler son visage pour se poser sur ses épaules. Anne et Victoria cherche à les attraper dans leurs mains et comparent leurs tailles tandis qu'Elizabeth se contente de la contempler comme sa mère.

Ensemble, elles remontent Penniless Road pour se retrouver de nouveau à ce fameux carrefour. Wishes Street est encore plus merveilleux sous la neige, même si les décorations de Noël sont éteintes pour la journée. Big Ben sonne huit heures, celui-ci est d'ailleurs aussi orné par la neige. Il n'y a pratiquement personne dans la rue mis à part les marchands qui s'apprêtent à ouvrir et des enfants jouant avec la neige.

– Est-ce qu'on peut aller jouer avec eux ?, demande Victoria.

Théodora hésite. Au vu de leurs conditions de vie, elle ne voudrait pas avoir des ennuis avec des parents qui considèreraient ses propres enfants comme des fréquentations peu recommandables. Même si elles sont loin d'habiter un palace, elles ont des valeurs auxquelles elles répondent et cela ne les rends pas si différentes des gens de la haute société.

– Oh regarde, dit Anne à Victoria, il y a Teddy et Bebert ! Il faut que je me venge de la dernière fois où ils m'ont battu au chat perché.

– Teddy et Bebert ?, dit Théodora les sourcils froncés.

– Oui, ils habitent en dessous de chez nous, répond Elizabeth devant l'air perplexe de sa mère, ils sont très gentils, juste un peu trop turbulents. Il n'y a rien à craindre d'eux, ni de leurs parents.

Sa fille semble lire en elle comme dans un livre ouvert, avec Elizabeth, pas besoin ni d'utilité à mentir, elle ressent tout.

– D'accord, allez jouer avec eux.

Les deux filles ne se font pas prier et une fois arrivées à la hauteur des garçons, ceux-ci les accueillent à bras ouvert et bientôt des rires et des cris de joie résonnent dans toute la rue. Elizabeth reste aux cotés de sa mère et lui offre son bras, qu'elle prends volontiers. Elles entament alors une marche douce sur les trottoirs vides de Wishes Street mais couvert de neige. Celle-ci s'accroche facilement et ne font pas, elle se durcit d'ailleurs, Théodora et Elizabeth peuvent la sentir craqueler sous leurs chausses usées ainsi que son frisson brûlant au niveau de leurs orteils. Mais les jeunes femmes l'ignore, le froid est un vieil ami et elles ne le craignent guère. Elles continuent de marcher en silence en regardant avec tendresse Anne et Victoria jouer avec leurs copains. C'est finalement Elizabeth qui rompt le silence.

– Qu'est-ce qu'on va faire, Maman ?

La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant