Chapitre 18

349 67 24
                                    

Ismaël a raison de croire en moi. Une poignée de jours seulement me permet de constater combien mon évolution est rapide. Plus les minutes s'éloignent de ce que j'étais et plus je me rapproche de ce que je dois être. De ce que je dois devenir. Mes progrès sont de plus en plus visibles, mes limites, de plus en plus lointaines. Combattant ma peur de l'inconnue, j'apprends en éprouvant mes nouvelles forces et parviens à dominer l'esprit d'Ismaël durant suffisamment de temps pour le battre. L'Efrit est, comme il me l'avait promis, un atout irréprochable dans ma quête, et m'épaule le plus possible pour me permettre de me libérer de l'ancienne version de moi-même. Nous passons le plus clair de notre temps ensemble, et Ismaël prend autant de plaisir à me montrer nos nouvelles capacités que moi à les découvrir.

En l'espace de quelques séances, je parviens à étendre mes sens aussi facilement que ma toile et à entendre le moindre souriceau courant sur le territoire de Daegan. Notre territoire, comme aime si bien me rappeler le Djinn. La hache de guerre entre nous est bel et bien enterrée, et j'en tire autant de soulagements que lui. Car se combattre soi-même est aussi pénible que lutter contre les deux personnes qui me sont liées. Ismaël et moi sommes en paix... mais Daegan n'est toujours pas réapparu. Dans nos esprits, il demeure aussi discret qu'une brume de printemps, et son absence, aussi difficile qu'il est de l'avouer, me pèse.

Sans lui, la villa souffre de quelques incidents, qu'Ismaël se doit de maîtriser. Et lorsqu'il n'est pas avec moi, les douleurs reviennent. Pas seulement celles de mon esprit, ayant toujours du mal à traiter toutes les informations que je reçois, mais aussi celles physiques, qui malmène mon corps et mon bas-ventre. Consulter Torgan n'a rien donné. Le Troll s'est révélé incapable de m'expliquer ce qu'il m'arrivait. La conversation gênante qui a suivi à éliminer une par une ses craintes, et m'a particulièrement refroidi sur l'idée de recourir à nouveau à un médecin un jour. Surtout que ma position ne me permet pas de garder certaines choses pour moi.

Apprendre qu'Ismaël et Daegan sont maintenant au courant de mes relations sexuelles, ou, plutôt, de mon absence de relation ne me plaît pas vraiment. Et lorsque nous avons approché la question des règles, j'ai préféré fuir le cottage du Troll, avant de finir par brûler vif d'embarras. L'Efrit n'a pas manqué de se moquer de ma brusque timidité, avançant que combattre dans les Bas-fonds me dérangeait moins qu'aborder des sujets intimes. Le fait qu'il ait raison ne m'a pas aidé à me calmer. Mais, depuis loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu à rencontrer beaucoup de médecins.

Gamins, nous avons tous été auscultés par celui de l'orphelinat, qui venait nous palper une fois par an. Et après ça, je n'ai jamais pu retourner voir un spécialiste, faute de moyen. J'aurais bien voulu, et cela m'aurait sans nul doute permis de moins souffrir au retour de certains combats dans les Bas-fonds, mais, en tant qu'Humain, je n'avais aucune chance d'obtenir un rendez-vous facilement. Du coup, Torgan n'a pu me dire uniquement ce que je savais déjà. Étant donné que mes dernières règles datent de quelques jours, il semblerait que je sois en pleine ovulation et que mes charmants ovaires se rappellent à moi. Le problème étant que je n'ai jamais souffert avant, et que ma génétique devrait me prémunir de ce genre de maux.

Le Troll s'est retrouvé dépasser, incapable de comprendre pourquoi ma période ovulaire est subitement si douloureuse. Et je dois donc attendre un retour d'Atoum, si celui-ci daigne éclairer son fils. Ce qui est bien évidemment très incertain. Savoir que je m'en remets à nouveau à Dieu pour m'aider est quelque chose que je réprouve totalement, même si je sais que je n'ai pas vraiment le choix.

Après avoir passé la matinée en compagnie d'Ismaël, et la plus grande partie de l'après-midi devant l'énorme écran de cinéma, je mérite quelques heures seule, au bord du lac. Abby, Hector et quelques Dragons m'ont accompagné dans mon dernier marathon filmographique, en s'empiffrant de cochonneries, disponibles sur un large pan de mur dans la salle de projection. Regarder un film avec d'autres personnes me demande énormément de concentration pour suivre l'intrigue sans me laisser distraire par leurs pensées. D'après Ismaël, c'est un exercice. D'après moi, c'est épuisant.

L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des VertigesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant