Chapitre 41

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Notre course est rapide, entrecoupée de téléportations, et est particulièrement silencieuse pour rejoindre l'Arcade principale du Brésil. Nous aurions pu partir par la voie des aires, comme me l'avait suggéré Adhémar, mais il n'aurait pu me porter sur une aussi longue distance, avec le poids de mes ailes. De plus, je le soupçonne de vouloir profiter de cette occasion pour m'éloigner de la Fée. Et comme j'ai la désagréable impression d'être abandonnée de tous les côtés... je me refuse au départ de la Pixie.

Sachant qu'il ne m'a rien promis, et qu'il ne me doit rien, j'ignore quand il repartira. Pour l'heure, il semble bien s'amuser à mes côtés, et vole à un mètre du sol, rasant parfois la surface quand une brise le prend au dépourvu. Les ailes des Fées s'apparentent à celles des libellules, et leur son reste assez similaire. Mais leur beauté transparente éclipse tout, surtout lorsque le Glamour vient embraser leur extrémité, et qu'une poudre fine s'en échappe, capturant les rayons du soleil, peu présent en plein milieu des mangroves.

Un jeune Mage nous attend à l'Arcade que nous avons empruntée, quelques semaines plus tôt. En nous voyant arriver, moi en courant, et la Pixie me frôlant de peu, il fronce les sourcils sans mot dire. Mais je le vois retenir difficilement un glapissement de terreur lorsqu'Adhémar surgit brutalement d'une trouée et atterrit sans la moindre douceur à quelques pas de lui.

-        Envoyez-nous en Argentine, ordonné-je d'une voix autoritaire.

-        Vous n'avez pas l'accréditation requise, balbutie le Mage en lorgnant le Démon d'un mauvais œil.

Avec un temps de retard, je me rends compte qu'il ne s'agit pas du même Mage nous ayant fait entrer au Brésil. Étant donné son air pincé et effrayé, il me paraît tout juste sortir de l'école. Ou, plus exactement, les Onze l'ont traîné hors de l'infrastructure, mobilisant à tour de bras les jeunes Mages prometteurs, pour servir leur grande cause. Même si je crois en eux, un regard sur le Mage m'apprend qu'il n'est pas prêt pour tenir le moindre poste. Et la triste réflexion que nous avons eue, Caleb et moi, me revient à l'esprit : nous sommes en guerre.

-        Daegan Avgerinós a reçu l'ordre de mener toutes les Créatures hors de leurs terres. Par ce sceau, annoncé-je en remontant d'un coup sec ma robe, le laissez-passer octroyé par les Onze m'est également adressé.

Le Mage rougit face à mon geste et j'ai tôt fait de relâcher le tissu, qui retombe sur mes pieds. Les Centaures n'avaient rien de mieux à m'offrir, et j'ai dû me contenter de cela pour traverser la jungle jusqu'à l'Arcade. Le coton est solide, mais n'a pas résisté à certains de mes accrochages avec la végétation qui nous entoure. Aussi, ma tenue s'apparente davantage à une guenille, et je peux excuser le quiproquo que cela génère auprès de mon interlocuteur.

Cependant, mes deux accompagnants auraient déjà dû dissiper le moindre doute. Les Démons ne sont pas concernés par l'ordre des Onze, et les Fées ne fuient pas le changement, car leur souveraine le leur a ordonné. Et l'on ne désobéit pas à la reine, même si O'Neill semble avoir trouvé un subterfuge inédit pour se cacher d'elle. Mais c'est une chose qu'ignore le Mage, et qu'il n'a absolument pas à connaître pour le moment. Seulement, il ne paraît pas plus intéressé par mon Sceau que cela.

-        Je regrette, mais seules les personnes mandatées peuvent emprunter les Arcades. Leurs accompagnants doivent bénéficier d'un accord écrit et signé de la main de ladite personne.

Je n'ai ni la patience ni le calme pour parlementer. Alors, j'opte pour la manière forte. En un instant, j'ai attrapé le Mage par le col de sa chemise bien repassée, fichu son visage proche du mien et dégagé assez de puissance pour que n'importe qui dans les environs sente le danger que je représente.

L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des VertigesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant