Chapitre 24

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Les mètres me séparant de Daegan me semblent interminables, tant je n'ose bouger, de peur que le magma explose sur ma peau rougie par la chaleur. La Chimère le perçoit aisément, et apparaît à mes côtés, avant de me coller à lui sans même se rendre compte de son geste, les yeux braqués en direction de l'ennemi.

-        Vous êtes complètement fou ?!

-        On me l'a déjà sorti, celle-là, fils. Et les fous sont ceux qui survivent le plus longtemps.

La nonchalance de la Divinité pulvérise les dernières barrières retenant la fureur de Daegan. Je m'accroche à sa veste lorsqu'il se téléporte, pour apparaître à deux pas de son père. Coincée entre les deux, je n'ose respirer et, suffocant sous l'absence d'air frais, je plonge mon nez dans le col de Daegan, soustrayant mon visage à la chaleur étouffante.

-        Elle n'a pas sa place ici ! rugit Daegan, sa main se contractant sur ma hanche dans un étau de fer. Vous le savez mieux que personne !

Mes ongles s'enfoncent dans l'épaisseur de son manteau, alors que je puise brutalement dans la nature d'Ismaël pour lui voler son inclinaison avec cet élément, qui me dévore la peau. Le lien entre l'Efrit et moi est ténu, et je sais que notre changement de plan en est la cause. Pourtant, je suis surprise lorsqu'un courant frais me traverse, remplaçant mon épiderme se couvrant de cloques par une peau lisse, dépourvue d'imperfection. Je sens le Djinn tourner en rond, grondant contre Atoum et Daegan, qui n'a pas su me protéger de son père.

Tentant d'apaiser la situation, je recule légèrement de la Chimère, mais son bras demeurant contre mes reins m'empêche d'aller plus loin. Je ne peux alors que supporter la tension existant entre les deux êtres surpuissants, et tourner le dos à l'ennemi, qui se révèle d'une agréable humeur. Tout du moins, en surface. Dieu est une curieuse facette aux mille visages, et se montre rarement sous celui qu'il aborde réellement. En vérité, plus je le côtoie, plus je suis heureuse d'avoir vécu cinq ans en Enfer, et non au Paradis. Lucifer est une garce sans nom, mais elle ne se cache derrière aucun faux-semblant, elle.

-        Tout ce que je sais, c'est qu'un garçon devrait se rappeler sa place, rétorque Atoum dans un souffle chaud, oppressant.

-        Vous n'avez aucune conscience de ce que vous avez fait, gronde en retour son fils, ignorant l'insulte.

Un gloussement étrangement féminin échappe à Atoum, avant qu'il ne me tapote la tête d'un geste qui se vaut sympathique. Bien évidemment, l'effet n'est pas celui escompté. Je me crispe de tous mes membres, avant de me tordre le cou pour lui renvoyer un regard à terroriser les Démons les plus cauchemardesques.

-        Ne me touchez pas ! craché-je, l'ensemble des torts qu'il a commis dans ma vie s'emparant brutalement des manettes contrôlant ma fureur. Vous n'avez aucun droit ici, et vous n'en aurez bientôt plus dans notre existence !

Les yeux de Dieu se braquent sur moi, et je parviens à garder la tête haute, trop énervée pour paraître effrayée.

-        Dans votre existence, hein ? répète-t-il, amusée par une blague que lui seul comprend.

Mon cœur bat fort lorsque Daegan laisse glisser ses doigts plus lentement sur ma peau, comme pour me soutenir face à l'attitude changeante d'Atoum. Celui-ci, s'étant penché vers moi, se redresse tout en souriant rêveusement, comme si nous ne nous trouvions pas au cœur d'un volcan en fusion, sans fond, sans fin, avec la prison la plus dangereuse de ce système solaire.

-        Tout va très bien se passer, badine-t-il tranquillement en observant les alentours sans souffrir de la chaleur environnante. Tu vas t'occuper d'elle, faire ton petit tour habituel, tandis que je me ferais une joie de rendre visite à mon vieil ami.

L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des VertigesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant