L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des Vertiges

Chapitre 31

J'ignore comment j'en suis arrivée là, à courir entre les cryptes pour trouver la sortie de ce maudit labyrinthe. Sous mes pieds, la terre gronde sa fureur d'avoir été profanée. Et, autour de moi, tous les morts du cimetière Saint Louis poussent les portes de leur caveau pour détruire les intrus de leur dernière demeure. Je n'ai pas attendu qu'une soudaine montée de valeurs chevaleresques m'envahisse pour abandonner ma charmante bande aux morts sortant des tombes.

L'ordre d'Ismaël est clair, et celui-ci n'a pas cessé de me donner des indications somme toute assez autoritaires pour me permettre de rester sur mes deux pieds. Je ne mourrais pas sous la dent des Goules, mais je sais combien ces saloperies ne se laceront pas facilement de mon cadavre. Et j'ignore si je suis capable de survivre à des démembrements à répétition, ainsi que d'une scission assez nette de mon cou. Sachant que l'individu derrière ses éveils a une grande dent contre nous, et moi visiblement, je suis persuadée qu'il en viendra à ces extrémités. Du moins, s'il me souhaite refroidi. Dans le cas contraire, je ne préfère pas imaginer ce qu'il a en tête.

Ceylan va venir te chercher, mais il faut que tu grimpes sur l'une des stèles.

Quelle bonne idée ! grogné-je sans m'arrêter. Marcher sur le tombeau de cadavres en colère !

Satine, obéis.

La voix grondante de Daegan calme mon humeur, et je tourne à un angle. Manquant de peu de percuter un mort, je l'évite lestement et repars en courant, me sachant poursuivi par quelques-uns de ses petits camarades.

Où êtes-vous ?

En train de nous battre, plus au sud du cimetière, m'annonce Daegan, aux prises d'un cadavre particulièrement retors.

Pourquoi n'utilises-tu pas ta super-puissance pour cramer tout ce petit monde ?

Et pulvériser un cimetière en plein territoire Humain ? J'ai des ordres, et il est hors de questions que je sorte des limites données par les Onze Anciens. Cela nous causera trop de problèmes avec tous les membres du Cicérone voulant notre tête, et, dans le nouveau monde qui nous attend, je compte bien assurer la sécurité totale de mes gens.

C'est bien le moment de faire dans l'humanitaire, marmonne Ismaël en retour.

J'acquiesce dans un grognement, avant de me retourner et puiser dans les liens de l'Efrit. De mes mains s'échappent des flammes, et les macchabées à ma poursuite s'embrasent immédiatement. Seulement, brûler des morts ne les ralentit nullement, et ne les rend que plus dangereux. Jurant tout bas, je m'accroche à une grille encore fermée d'un caveau, et commence mon escalade. Cela ne me prendrait que peu de temps normalement, mais mes ailes me compliquent la tâche.

Finalement, je parviens au sommet avant que les morts n'arrivent à agripper une de mes plumes. Pour plus de sécurité, je fais fondre le sommet de la grille, et les macchabées retombent, des moignons à la place des mains. Mon cœur battant follement la mesure sous ma poitrine, je dévie mon attention de mes poursuivants et lève les yeux pour avoir une vue d'ensemble. Ce que je découvre me fait légèrement reculer sur le toit de la crypte.

Et ça, ça va satisfaire les Onze Anciens et le Cicérone, peut-être ? grommelle Ismaël en observant ce triste spectacle en même temps que moi.

Daegan ne répond pas, trop occupé qu'il est à renvoyer les morts de la partie sud du cimetière dans leur dernière demeure. Pour l'instant, les macchabées ne sont pas encore sortis de Saint Louis, mais cela ne serait tarder. Sauf si nous obtenons une aide de l'extérieur. Pour l'heure, la puissance de l'Efrit ne m'est d'aucune utilité, car enflammer des morts... n'apporte rien, si ce n'est des torches vivantes, courant dans les allées et embrasant la végétation. Et c'est bien ce que j'ai sous le nez qui m'horrifie autant. Partout, dans tous les sentiers, des cadavres déambulent, trottinent en laissant traîner des morceaux derrière eux. Certains, grâce à mes bons soins, crament leurs petits camarades, et illuminent le cimetière de milliers de torches vivantes.