Chapitre 36

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Je vous mets plusieurs avertissements, avant de poursuivre la lecture : ce chapitre est violent, gore, traite de sujets difficiles, et peut être passé, je vous fait un résumé très rapide dans le chapitre suivant si vous ne voulez pas le lire. ❤️

***

Les funérailles se poursuivent, à quelques mètres du bûcher mortuaire. Les chants funèbres laissent place à de nombreux danseurs et chanteurs, caracolant face à l'immense feu pour invoquer les Divinités oubliées et glorifier le départ des Faunes. L'on m'offre plusieurs mets que j'avale sans même m'en rendre compte, tandis que le verre en céramique qu'on m'a donné au début ne se vide jamais.

Assise en tailleur, j'observe les représentations s'enchaîner, créant des tableaux d'une beauté sans pareil devant le brasier étincelant. Calixte s'est niché sur mes jambes, dans sa peau d'ocelot, et regarde l'agitation avec bien moins d'intérêt que moi. Torgan, à ma gauche, palabre à voix basse avec quelques Centaures, tout en gardant un œil sur moi. Sans même avoir besoin de le lui dire, le Troll a perçu mon malaise, cette sensation de ne plus être tout à fait moi.

M'ayant écarté un moment de la foule, il m'a expliqué la raison de mon état. La drogue imposée pour un rituel pareil a agi bien fortement sur moi, car les Anges et les Démons ne sont pas censés consommer ce genre de plantes, offertes en trésor par Gaïa au peuple Centaure. N'être plus tout à fait maître de mon corps est donc une chose normale, bien que relativement terrifiante. Cependant, Torgan m'a assuré veiller sur moi, et je m'en suis remis à lui, ne pouvant trouver une aide plus chevaleresque ici. Plongeant mes doigts dans la fourrure du Métamorphe, et appréciant ô combien ce geste, je souris lentement, grisée par l'énergie m'entourant et ce mélange d'alcool et d'herbes.

-        Tout va bien, madame ?

Je hoche mollement la tête en direction de Torgan, et celui-ci m'observe encore un moment avant de s'en retourner à sa discussion. Parmi les danseuses, je vois Oriope se mêler à la foule et ses pas l'entraînent sur la piste, où elle donne un aperçu de son talent. Malgré mon prochain désir de lui éclater le crâne pour m'avoir drogué à mon insu, je ne peux qu'admirer ses mouvements tout simplement grandioses, qui feront pâlir d'envie n'importe quelle danseuse étoile. Les cabrioles exécutées sont puissantes, et les muscles des danseursroulent sous leur épiderme, pareil à la peau des tambours que l'ont frappe sansinterruption. Ils se cabrent, se meuvent avec une superbe impossible pour desquadrupèdes et pourtant... les enchaînements sont violents, d'une force incroyable et ne prouvent qu'une seule chose : les Centaures n'ont plus rien à faire par ici.

La soirée se poursuit, mêlée de chorégraphies et de chants, dont finit par se lasser Calixte. Dans un bon leste, il abandonne mes jambes pour aller se dégourdir les pattes. Sans lui, j'ai subitement froid, et me lève à mon tour, en quête de chaleur. M'approchant du bûcher, qui n'a plus que quelques branches à réduire en poussières, je plonge mes doigts dans la cendre encore brûlante, et souris en sentant combien ce geste devrait être anormal. Peut-être que l'on me regarde faire, peut-être que je passe inaperçu parmi la foule de danseurs, mais je demeure ainsi un moment, avant de tracer un cercle de cendre au-dessus de ma poitrine. C'est la chose à faire, réalisé-je en me redressant et en abandonnant le dernier lit du Faune. En me retournant, je manque de buter contre un Centaure et lève la tête pour croiser celle d'Oriope, qui m'offre un léger sourire tout en désignant mon torse.

-        Le signe de l'éternité chez les Faunes, note-t-elle, sa voix grave couvrant sans mal les bruits alentour. Ils seront en vous où que vous vous trouviez dorénavant.

-        Vous m'avez drogué, grogné-je, la brume persistant encore suffisamment pour m'empêcher de la menacer plus sévèrement.

-        Un rite mortuaire ne se pratique pas avec notre bon sens et les divers problèmes de la vie retenant notre attention. Nous devons être tout dévoués en cet instant, et c'est une chose de notre culture que vous ne comprenez certainement pas non plus.

L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des VertigesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant