Chapitre 20

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Lorsque je referme la porte de ma chambre, je sais que je ne la rouvrirais plus jamais et une légère mélancolie m'enveloppe et m'enserre le cœur. Cela ne dure guère longtemps, car l'un de mes deux liens entend ma souffrance et la reconnaît.

-        Un nouveau monde nous attend, Satine, et c'est exaltant !

Je me tourne à demi vers l'Efrit et lui offre un petit sourire, accroissant le sien.

-        Je préfère ça. Ne me dis pas que tu t'es attachée à ces lieux, toi qui avais toutes les raisons de le haïr au début.

-        Alors, je ne dirais rien, répliqué-je malicieusement.

Mais mes pensées me trahissent, et le Djinn se retrouve bien vite à mes côtés, ses mains enserrant les miennes dans un geste tendre. Plus que ne pourrait le faire un ami, moins que pourrait offrir un amant. Des frères, voilà ce qu'ils sont devenus. Et voilà ce que je vais quitter, durant l'année qui nous attend.

-        Ah... Satine, si j'avais un cœur, tu le briserais sans aucun doute.

Je lève les yeux au ciel, mais aperçois une lueur, bien loin de ses verbes humoristiques habituels. Cette lueur, qui me pousse à le prendre dans mes bras, moi qui ne suis pourtant pas tactile. Mais depuis... je ne suis plus moi. L'Efrit pose ses mains sur mon corps, apaisant mes maux de ventre avant même qu'ils ne viennent. Ce n'est pas comme Daegan, mais c'est suffisant. Malgré tout, je ne reste pas longtemps contre lui, sachant quelle tentation je représente. Lorsque je m'écarte, Ismaël me laisse le quitter, malgré la faim se lisant sur son visage.

-        Nous sommes les premiers à partir, si j'ai bien compris, lâché-je pour le détourner de ses pensées libidineuses.

-        En... effet. Une fois que Daegan aura relâché sa bestiole dans l'océan, vous partirez vers de plus froides contrées tandis que nous mettrons le cap vers le sud.

Une image de plages paradisiaques, de cocktails et de femmes nues se loge dans nos esprits joints et me fait ricaner.

-        Concentre-toi plutôt sur les révoltes à étouffer.

-        Je ne pense qu'à ça voyons, réplique-t-il, tout sourire avant de reprendre, plus sérieusement. Nous allons commencer par la France. D'après les dernières informations que l'on nous a transmises, les Gobelins sont en train de retourner toute la capitale en passant par les anciens métros. L'image de l'un d'eux, suspendu en haut de la tour Eiffel, fait particulièrement parler de leur cause.

-        Tu m'étonnes, grommelé-je.

L'instant d'après, nous nous téléportons devant l'Arcade ouverte, où m'attend mon équipe.

-        Si vous n'intervenez pas vite, les Gobelins vont passer à l'étape supérieure, annoncé-je sombrement, les yeux tournés vers l'attroupement venu assister à notre départ.

-        Oh, je ne le sais que trop bien, me murmure le Djinn en me laissant prendre de l'avance. Dans peu de temps, l'on ne verra pas un petit corps gris agrippant le sommet de la tour, mais le cadavre flasque d'un Homme. Et là, il sera trop tard pour stopper la rébellion.

J'acquiesce en silence, avant d'enlacer fermement Abby contre moi. Ou, peut-être est-ce elle qui le fait. Lorsque nous nous séparons, le regard que nous échangeons a traversé tous les obstacles nous éloignant et nous nous quittons, en bon terme. En amie, même. Le prononcer est difficile, moi qui ai tant perdu et qui crains trop que l'on me vole le peu qu'on m'ait laissé, mais il est vrai. Et le coup d'œil que je lance à Hector pourrait suffire, même si j'y décide d'ajouter quelques mots.

L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des VertigesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant