L'Enfer est un Paradis, TOME 2 : La Rage des Vertiges

Epilogue

Il sera une fois...

Il attend, dans l'obscurité et le silence. Parfois, celui-ci est brisé par des hurlements de colère. Ou des cris de souffrance. Dans ces instants, il se redresse, faisant teinter ses chaînes dans de longs étirements, d'où s'écoule un sang noir. Il ne reflète aucune lumière, si ce n'est celle que voient tous les infortunés, tous les malheureux, avant de choisir le sentier de l'obscur. L'opacité des lieux n'est pas un problème pour lui, patientant calmement. Il attend son heure.

Les hurlements de ses disciples et de ses fidèles le stimulent, alimentent cette rage qui le ronge, et le dévore. Les profondes lacérations laissées par la foudre de son ennemi ont, depuis longtemps, été gangrénées par la folie, ne lui offrant plus aucun retour en arrière. Il n'a plus rien, de toute manière, depuis qu'on lui a imposé ses bracelets de fer, le réduisant en esclave. Qu'il est heureux que sa femme n'ait pu voir sa déchéance. Il sent encore le goût de ses lèvres, lors de leur dernier baiser. Leur dernier adieu, avant qu'il ne lui vole ses ultimes larmes.

Certains disent que ces mêmes gouttes auraient créé les océans, noyant les premières formes de vie sous un torrent de larmes, salant un territoire trop pur pour être occupé. Lui-même ignore la part de vérité résidant dans cette histoire. Il y en a toujours une, cependant. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, chaque légende est composée de faits réels, et bien tangibles. Il existe bien des contes racontés aux enfants, mais l'un des plus connus dans ces bas quartiers de l'horrible est sans nul doute la Prophétie, orchestrée par Shamash. Celle-ci invoque l'arrivée de deux hybrides de grande naissance, à même de mettre fin aux guerres et aux conflits et promettant à un peuple sa révérence. Le détenteur de ces deux hybrides pourrait alors jouir du contrôle de toute destinée. Dans toute histoire, un fond de vérité réside, et cela, même si l'auteur l'ignore. Car l'auteur n'est rien d'autre qu'un script, écrivant pour le Divin.

Et ce script... a fait échos au plus sombre de la nuit. Les paroles sont devenues des mélodies dans la voix des Géants, des mantras dans celles des Titanides. Ἔρεβος a commencé à entrapercevoir la fin du règne de son ennemi, en retrouvant au fond du ventre d'Atlas quelques traces du passage de l'éternel. Car rien ne meurt vraiment. Là où les Déchus se sont enfouis, au plus près des artères de la seule vraie âme d'Atlas, un cœur s'est mis à battre lorsque le Destructeur a entrepris de répandre la vérité.

La seule, celle inspirée de la Prophétie, celle appuyée par Shamash. La libération, la fin des guerres, l'avènement des conflits par la disparition d'un tout et le remplacement d'un rien. Les Ténèbres l'ont vu, l'ont perçu, alors que les Titans hurlaient les paroles de cette étrange Prophétie. Et l'époux de Nyx n'a eu qu'à propager ses graines pour retrouver la chair de sa chair, perdue au fin fond du monde. L'Atlas l'a aidé, car même aux tréfonds de l'absolu silence, Ἔρεβος demeure l'un de ses créateurs. Et Erebe attend que les machinations se fixent les unes aux autres, s'emboitent avant que ne s'emballe un mécanisme parfaitement huilé. L'art de la guerre ne s'apprend pas, il se transmet. Mais celui de la vengeance est inné pour ceux ayant grandi au plus près de la nébuleuse.

Quand les portes du Tartare s'ouvrent, le Destructeur sourit et ses dents blanches sont les seuls signes de sa présence dans l'obscurité. Pour autant, son interlocuteur ne pourrait être moins effrayé. Le Tartare, demeurant fermé sous ordre du dernier gardien, s'entrouvre pour que son second maître passe le pas de la porte. Le Divin marque un temps devant les deux hautes statues disposées à l'entrée, et une main s'élève pour en effleurer la surface. Ses doigts s'enfoncent dans la pierre, y créant de profondes lacérations. Ce ne sont pas des marques de colère, pourtant. Elles ne sont là que pour témoigner de son réveil. Lentement, la Divinité descend les marches menant aux prisonniers, et plonge toujours plus profondément entre des murs qu'elle connaît par cœur. Et plus ses pas la guident vers le bas, plus ses humeurs changent, s'approchant de ce qui l'a conduit jusqu'ici.