La rencontre II

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OCTOBRE 2017

Durant les deux dernières heures de la matinée, nous avons cours d'éducation physique et sportive en commun avec d'autres classes. Maxence et moi sommes concentrés pour garder un rythme constant dans notre course tandis que Jules s'éloigne petit à petit derrière nous en nous mimant par la main qu'on ne devait pas faire attention à lui et que tout allait bien. Je suis à moitié convaincu, son pouce qu'il nous a précédemment levé vers le haut retombe instantanément quand il pose sa main sur son ventre pour contrôler son rythme cardiaque. Mon voisin ricane en courant à reculons et en motivant son ami, lui mimant une respiration correcte.

- Si seulement il passait moins de temps devant son écran, soupire une grande blonde qui me rejoint en trottinant.

Maxence accélère la cadence lorsque Pauline nous rattrape, on dirait bien qu'il ne la supporte pas. Vêtue d'un débardeur assez court et d'un short moulant, ma camarade de classe me sourit en continuant de courir à mes côtés. Je ne sais pas si elle est sportive ou si c'est un côté qu'elle laisse paraître mais elle n'a pas l'air essoufflée. Sa queue de cheval se balance sur le rythme de ses pas et je m'empêche de regarder dans son décolleté.

- Je ne te savais pas si musclé, souffle-t-elle en regardant devant elle.

- Je ne te savais pas si... musclée, répondis-je d'un sourire taquin, ne faisant pas du tout allusion aux mêmes muscles que les miens.

Elle rit et s'approche de moi pour me bousculer gentiment, je sens qu'elle s'attarde sur mon avant-bras puis prend appui sur mon épaule pour se reposer. Je ne la repousse pas mais j'ai la folle envie de rejoindre Maxence pour reprendre mon rythme de base. Pauline n'est pas aussi rapide et j'adore le sport. Pour le peu d'heures que nous avons, j'aimerais faire cela correctement. En jetant un coup d'œil sur le côté, j'aperçois mon ami près des filles. Camille court à ses côtés tandis que Gaëlle et Anaïs sont légèrement en retrait.

Un sifflement plus tard, le professeur nous ordonne de faire deux équipes et, je cite : « que l'on devait se débrouiller pour que ce soit équitable ». Il ne s'est pas foulé pour trouver des exercices à nous faire faire puisqu'aujourd'hui, ce sera volley-ball. Comme si cela était logique, les équipes se forment sans problème, ceux qui ne veulent pas se séparer se tiennent par le bras comme si leur vie en dépendait, d'autres se fichent complètement du sport et choisissent une équipe par dépit et moi je suis là, debout près de Maxence et nos coéquipiers, les mains sur mes hanches.

- J'espère que t'es fort, me souffle une petite voix.

- Je me débrouille.

Un sourire prend place sur les lèvres de Gaëlle qui se rapproche de moi, rassuré qu'au moins une fille sur cette Terre ne m'en veuille pas pour une raison que j'ignore. Contrairement à ses copines, l'asiatique ne m'a jamais fait ressentir ma présence comme étant de trop.

- Ça va, tu t'habitues au lycée ?

- Je n'ai pas trop le choix.

Nous restons en retrait au fond du terrain, de toute manière nous sommes trop nombreux pour jouer sur un seul terrain, ce que notre professeur ne risque pas de remarquer puisqu'il est occupé à ranger tous les paniers de basket de la salle.

Je jette un regard à Anaïs qui se bat presque avec une fille de sa classe pour réceptionner le ballon.

- Ça lui passera, tu sais ? soupire Gaëlle en suivant mon regard.

- Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?

- Non. Rien du tout. Tu sais, je ne les connais pas depuis si longtemps que ça. Ils sont amis depuis les primaires, tous les quatre, moi je suis seulement arrivée au collège et j'ai directement voulu être amie avec eux. Seulement, Anaïs a eu du mal à me faire confiance. Ils avaient leur petit cocon, trainaient toujours à quatre et je comprends qu'ils ne voulaient pas forcément d'une personne en plus dans leur petit groupe déjà tout fait. Puis les semaines passaient, je n'insistais pas mais Maxence avait mal au cœur de me laisser seule. Finalement, petit à petit, j'ai réussi à me faire ma place parmi ces petites têtes.

Je suis content qu'elle m'en parle, au fond je ne connais rien d'eux et j'avoue être rassuré face à ses confidences.

- Ce sont donc des amis de longues dates, ça explique beaucoup de choses, songé-je.

- Anaïs et Camille sont quasiment nées dans la même maison. Leurs parents étaient comme cul et chemise. Ils le sont toujours, d'ailleurs.

Je souris.

- Max et Ju' sont devenus rapidement amis avec elles dès leur entrée en primaire. Ils se connaissent vraiment très bien.

- Le problème est que j'ai l'impression d'avoir un mur en face de moi. Voire deux, murmuré-je en regardant Camille.

- Elles sont têtues. Ça m'étonne tout de même de Camille, je t'avoue... mais je pense qu'Ana n'y est pas pour rien. Elle a dû lui mettre des tas de bêtises dans la tête te concernant. T'en fais pas, je règlerai ça.

- Gaëlle ! Depuis quand sympathises-tu avec l'ennemi ? crie Anaïs en s'approchant de nous, les mains sur les hanches.

- Nous sommes dans la même équipe, tu sais ?

- Je ne parle pas de volley-ball, tu sais ? réplique durement la brune, l'air furieux.

Mes yeux ne peuvent s'empêcher de contempler le ciel, fatigué de déjà l'entendre se plaindre. Le problème, c'est qu'ils croisent le ballon de volley qui s'est envolé depuis quelques secondes déjà et qui ne va pas tarder à s'écraser sur l'un de nous. Au fur et à mesure que la balle redescend, je devine que la cible principale n'est autre que mademoiselle-je-râle-pour-un-rien, c'est alors qu'un énorme dilemme se présente face à moi ; dois-je la prévenir ? Bon, ça, je l'avoue, ses copines s'en chargent déjà depuis le début, à crier son prénom pour l'avertir. La seule chose que je pourrais faire est de l'éloigner de là. Et comme je suis un mec ultra gentil, j'attrape son bras avec force pour la tirer vers moi, ce qui fait qu'elle se retrouve dans mes bras la seconde qui suit. Un ange passe. Le ballon qui rebondit contre le sol émet un bruit assez fort dans la salle, ce qui prouve qu'elle aurait pu avoir mal. Très mal.

Lorsqu'Anaïs se rend compte qu'elle se trouve contre mon torse, elle me frappe pour que je la lâche et ça me fait rire.

- Mais t'es dingue ? crie-t-elle en me poussant.

- Tu voulais peut-être que je regarde tranquillement ce ballon te défoncer le nez ?

- Je n'ai pas besoin de toi !

Je ricane et Camille s'approche de nous, le nez retroussé et les lèvres pincées.

- Ana, n'abuse pas, tu aurais pu te faire mal.

Le ballon rebondit près de moi, je me penche pour le ramasser et Miss Râleuse me tend les bras pour que je le lui passe.

- Donne-le-moi !

- Qu'est-ce qu'on dit ?

- Julian, soupire Gaëlle en croisant les bras.

- De un, je veux des remerciements. De deux, j'exige un « s'il te plaît ». À moins que tu ne connaisses pas c-

- Va. Te. Faire. Voir. Ça je connais ! sourit Anaïs en tournant les talons.

Classe.

Ses amies restent plantées là jusqu'à ce que l'asiatique prenne l'initiative de suivre Anaïs, près des garçons. Il ne reste plus que Camille qui semble mal à l'aise.

Ne défends pas ton amie.

Ne me déçois pas.

Nerveusement, j'observe la jambe de la jeune femme sautiller tandis qu'elle inspecte silencieusement ses ongles, comme si elle n'osait pas bouger.

- J'essaie vraiment de faire des efforts, mais ton amie est insupportable.

Mes mots ont le pouvoir qu'elle pose enfin ses yeux sur moi. Et quel bonheur de pouvoir les croiser. Cependant, rien ne sort, même pas une excuse pour son amie, encore moins un signe de paix. Ses pieds l'entraînent jusqu'à moi et me tend les mains pour récupérer le ballon. Et, bêtement, j'obéis en le laissant glisser de mes mains jusqu'aux siennes, sans que nos regards se lâchent.

Près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant