Complications II

575 64 6
                                    

JANVIER 2018


Ce soir-là, Camille est rentrée chez elle afin de ne pas inquiéter ses parents même si, je pense, ceux-ci ne manqueront pas de remarquer que l'état physique de la jeune fille se détériore. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas l'avoir aperçu mais qui sommes-nous pour lui faire la remarque ? Je vois bien que Camille ne se nourrit plus autant –déjà qu'elle ne le faisait pas beaucoup–, elle remet quand elle le peut sans réellement d'explications. Mais que faire ? L'obliger à se rendre chez le médecin ? Aller voir Monsieur et Madame Latour pour qu'ils jouent leur rôle de parents ? Ils vont m'envoyer chier. Pire, ils comprendront que l'on continue à se fréquenter et je n'ose pas imaginer l'état de Camille ensuite. Est-ce vraiment dû à sa confrontation avec eux ? Elle a beau me le répéter, il ne peut pas y avoir que ça, ce n'est pas possible, c'est beaucoup plus profond. Voire grave.

- Monsieur Mercier !

- Mh ?

- Pouvez-vous cesser avec votre stylo ? C'est agaçant !

Bien. Je dépose le Bic sur mon banc avec le plus de délicatesse possible, n'ayant pas conscience d'avoir énervé mon professeur de littérature en ouvrant et refermant mon stylo toutes les cinq secondes.

- D'ailleurs, Monsieur Mercier, où en êtes-vous ? Votre rédaction a-t-elle avancée depuis la dernière fois ?

Non.

- Oui Monsieur, déclaré-je sans conviction.

- Vous ne verriez donc pas d'inconvénient à me faire part d'un extrait ?

- Si, quand même.

Surpris, mon professeur hausse les sourcils tout en abaissant ses lunettes sous ses yeux, sans un mot. Je fuis son regard, énervé, stressé, un tas d'émotions s'empare de moi sans que je ne puisse les contrôler. Fichus sentiments. Les regards étonnés de mes camarades de classe se tournent vers moi, je crois celui de Maxence puis les yeux bruns de Pauline qui prennent un air amusé, elle aime ce côté rebelle. Je le déteste.


***


C'est enfin l'heure de la pause déjeuner, Camille et moi avons décidé de nous installer tous les deux près de l'entrée de la cafeteria, à l'abris des regards mais surtout de nos amis. C'est plus son choix que le mien mais il me convient parfaitement, sa présence me suffit.

- Je t'ai apporté quelque chose, lui dis-je avec un énorme sourire.

Elle me le rend et, curieuse, se penche vers moi pour observer ma main qui fouille le fond de mon sac à dos, j'en ressors un énorme paquet de Tagada sous ses yeux émerveillés et ronds comme des soucoupes.

- T'es un amour, rit Camille en me l'arrachant des mains.

- Eh ! On partage, quand même ?

- Mmmh... je vais réfléchir, déclare-t-elle la bouche pleine de deux bonbons roses, déjà.

Je suis rassuré qu'elle ait retrouvé l'appétit, sa mine semble meilleure que ces derniers jours également, peut-être a-t-elle eu une conversation avec ses parents qui la remet, petit à petit, sur pieds.

- Bon, c'est bien parce que c'est toi, murmuré-je en souriant.

- Tu m'aimes trop, mh ?

Comment ne pas l'aimer avec ce sourire ravageur ? Ses longs cheveux blonds qui ne cessent d'envahir son visage et ses petites taches de rousseur sur le nez ? Elle semble regretter ses paroles, gênée, Camille toussote légèrement sans me regarder.

Près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant