Jusque dans la peau

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JANVIER 2018


- Merde, râlé-je quand ma pâte remplie de sauce tomate tombe sur mon t-shirt blanc.

- Besoin d'aide ? me demande une voix familière.

- Ça ira, merci.

Malgré le refus pourtant clair que je viens de faire, Pauline s'installe en face de moi tout en liant ses deux mains ensemble.

- Julian.

- Quoi ? soupiré-je en m'acharnant sur cette tâche orange.

Elle arrête mon geste en se penchant par-dessus la table, un sourire sur les lèvres. Depuis les révélations de Maxence, je n'ai jamais cherché à demander des explications à Pauline. De un, cela ne me regarde pas, de deux, Camille occupait toutes mes pensées. C'est d'ailleurs toujours le cas.

- Je ne sais pas ce que Max t'a dit mais-

- Pauline, franchement, vos histoires ne me concernent pas, c'est d'ailleurs le cadet de mes soucis.

- Arrête de m'ignorer.

De ses longs doigts, elle me prend la main, me caresse la paume de celle-ci puis remet une de mes mèches brunes en place parmi toutes celles qui se font la malle.

- Et arrête d'ignorer ce qu'il se passait entre nous, je sais que tu l'as senti, toi aussi.

Ses grands yeux bruns ne me font aucun effet, du moins, pas le même que ceux de Camille. Je ne reconnais pas le parfum de ma blonde préféré, ni sa voix qui a le don de me faire craquer à chaque mot qu'elle prononce. J'ai besoin d'elle, de savoir comment elle va malgré tout. Pauline a beau essayé de me soudoyer en me mettant sa poitrine sous les yeux, rien n'y fait, ils partent à la recherche de Camille dans tout le réfectoire mais la déception me rattrape, elle n'est pas là. À notre table habituelle, seuls Jules, Anaïs et Gaëlle mangent en silence et je me dis que les choses ont bien changées en si peu de temps.

- Excuse-moi, je dois y aller.

Je me lève, recherche encore une fois Camille parmi tous les étudiants, jusqu'à ce que je capte le regard de Maxence, assis aux côtés d'une fille que je n'ai jamais vue auparavant. Ce n'est pas le moment de me poser des questions mais bordel, qu'est-ce que j'ai raté ? Son regard ne me lâche pas, doucement, il bouge la tête de droite à gauche pour me faire comprendre que je ne la trouverai pas ici.


***


La journée a été longue, Pauline insistait, si ce n'était pas aux intercours, c'était pendant les cours même, prétextant ne pas comprendre les énoncés de notre professeur de mathématiques. Mon cul, elle est la plus forte dans ce domaine. Quant à Max, il semble ne pas avoir jugé utile d'assister aux cours de l'après-midi, sans doute pour pouvoir rester avec sa nouvelle amie –ou qui qu'elle soit–. La mauvaise humeur d'Anaïs doit sûrement avoir un lien avec ce rapprochement.

J'ai beaucoup réfléchi, je ne sais pas si ce que je pense vouloir faire est une bonne idée mais elle est sûrement la seule afin d'obtenir des réponses à mes questions.

Je n'ai plus aucun contrôle sur mes jambes, elles m'emmènent, par tous les chemins, vers chez elle. J'aimerais tenter de trouver une solution pour ensuite pouvoir vivre l'histoire, déjà toute faite dans ma tête, que nous méritons tous les deux. Le risque est minime, elle m'aime, elle me l'a dit, alors pourquoi est-ce qu'elle ne me contacte pas ? Pourquoi notre relation est mise en silence radio alors que nous entamons seulement nos premiers mois de couple ? Qu'ai-je pu faire qui l'a rendue hystérique ? Rien, Julian. Ce n'est pas de ta faute. Pourtant, j'étais certain de la rendre heureuse, elle rayonnait, riait comme jamais je ne l'avais entendue. Elle laissait même ses amis de côté pour passer plus de temps à mes côtés, j'aurais dû me douter que ça devenait compliqué à partir du moment où elle renonçait à eux.

Ce coin de rue sera la décision ultime, si je le passe, je pourrai apercevoir cette petite maison blanche dans laquelle elle doit se reposer en ce moment et je sais que, en la voyant, je n'arriverai pas à faire demi-tour. Si je renonce maintenant, je n'aurai pas de regret. Mais il faut que je m'assure qu'elle soit chez elle avant de prendre une décision.

« - Bonjour, vous êtes bien sur le répondre de Camille, laissez-moi un message et je vous rappellerai dès que possible. »

Évidemment.

- Camille, c'est moi, Julian. Écoute, j'aimerais vraiment que l'on se parle. Tu me manques. Je ne sais pas pourquoi est-ce que je prends le temps de te laisser un message étant donné que tu ne les écoutes jamais.

J'émets un triste rire avant de reprendre.

- Je ne comprends pas comment est-ce qu'on a pu en arriver là. Où est-ce que j'ai foiré ? Je me pose la question, tu n'as pas pu te mettre dans cet état sans raison alors... je suis désolé. Quoi que j'ai pu faire, j'en suis désolé. J'y ai pensé toute la nuit tu sais, j'ai eu du mal à m'endormir sans tes messages du soir, ta petite voix qui me chuchote de faire de beaux rêves. Je t'ai dans la peau Cam', tu comprends ? Je suis près de chez toi, j'aimerais tellement venir te voir. Si tu écoutes ce message, s'il te plaît, fais-moi signe. Je t'aime Camille.

Je raccroche, la voix rauque, je me laisse aller contre le muret qui me sépare de la rue dans laquelle elle habite tout en pesant le pour et le contre. Pour car la chance de la revoir sera plus élevée que de faire marche arrière et déprimer toute la nuit. Contre car je n'ai pas envie de rentrer avec un œil au beurre noir et les flics au cul. Merde, ses parents me font chier, je peux le crier haut et fort. Ils. Me. Font. Chier.

Et puis merde, j'en ai marre de réfléchir, marre de cette sensation de casse-tête à chaque fois que j'ai le malheur de réfléchir.

Oh Camille, mais qu'est-ce que tu me fais faire ?


***


- Bonjour Monsieur Latour, murmuré-je à bout de souffle, le doigt toujours relevé près de la sonnette.

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