Camille + Julian

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AVRIL 2018


Le son de la télévision augmente peu à peu, ce qui me tire de mon sommeil. Camille, allongée à mes côtés, semble réveillée, Nathan et Lucas se disputent le ballon à travers l'écran, sa série préférée passe en boucle depuis quelques jours, Camille s'est promis de la finir avant de partir. J'ai ma dose, je l'avoue, mais je ne dis rien, il s'agit de sa décision, je ne peux que la suivre, surtout que les deux frères jouent à mon sport préféré, il s'agit d'en tirer les avantages quand c'est nécessaire.

- Tu es à quelle saison ? demandé-je en m'étirant.

Elle me mime cinq avec ses doigts, les cinq restants piochent au hasard dans le paquet de pop-corn, sachant très bien que tout va ressortir dans quelques heures. Camille ne se prive de rien, quitte à se rendre malade, je sais qu'elle n'a pas particulièrement faim, elle souhaite simplement vivre ces derniers instants avec ce qu'elle aime. Nourriture, film, série, tout y passe. C'est moins gai la nuit, par contre. Il est rare qu'elle dorme complètement, ses membres du corps, eux, sont souvent endormis, elle ne sent quasiment plus beaucoup ses bras, ni ses jambes. Nuit après nuit, nous nous alternons avec les parents de Cam', quand ce n'est pas mon tour, je dors dans le canapé, ils souhaitent profiter de leur fille également. Nos amis passent la journée chez elle, même s'ils ne font rien, leur présence est bénéfique à ma petite amie, elle semble moins stressée, les câlins d'Ana et Gaëlle la rassure également.

Il doit être vingt heures quand son épisode se finit, de moi-même, je décide de couper la télévision en me tournant vers elle, un sourire bête sur les lèvres.

- Je veux passer du temps avec toi.

Elle sourit faiblement, se redresse difficilement pour que l'on se retrouve face à face.

- Parle-moi, chuchote-t-elle en fermant les yeux.

J'approche ma main de son visage, lui enlève une mèche blonde qui glisse vers sa joue puis caresse cette dernière, surpris par sa froideur.

- Tu es belle.

- N'importe quoi...

- Je te le jure. Je te trouve tellement... tellement belle, il n'y a pas d'autres mots.

- Je ne sais pas si je te l'ai déjà dit mais toi aussi Julian, tu es beau. Naturellement beau avec tes boucles qui me rendent dingue. Ton nez parfait et les petites taches de rousseur qu'il laisse voir quand tu prends le soleil.

Elle ouvre ses yeux, des larmes au coin de ceux-ci.

- Ton visage va me manquer, j'espère qu'on n'oublie pas ces choses-là de l'autre côté...

Ses paroles me brisent le cœur. Pire, j'ai envie de fondre en larmes, mais je ne le ferai pas.

- Je veux me souvenir de tes sweats que tu mets pour toutes les occasions parce que tu es un grand frileux, je veux me souvenir des regards que tu me faisais quand tu essayais de m'avoir, de tes mains sur ma peau, ton souffle contre ma nuque... Je suis tellement... tellement heureuse de t'avoir connu, je suis certaine que ce n'est pas un hasard, comme un cadeau du ciel avant que je quitte cette Terre...

- Cam... soufflé-je en approchant mon visage du sien.

- Non Julian, je... j'ai besoin de te confier tout ça. J'ai besoin que tu saches à quel point tu m'as rendu heureuse, tu n'as jamais abandonné malgré que je te repousse, malgré mes amis ingrats et détestables qui ne voulaient pas de toi... C'est comme si tu avais su que j'avais besoin de toi, ma vie aurait été bien différente sans toi, tu vas me manquer, sanglote Camille.

- Mon amour, continue de faire vivre notre amour là où tu iras, d'accord ? Je suis certain que de belles choses t'attendent, tu ne seras pas bien loin de moi, tu veilleras sur nous, sur ta famille, tes amis-

- Julian, j'ai besoin que tu me promettes une chose, me coupe-t-elle en laissant couler ses larmes.

- Tout ce que tu voudras.

- Promets-moi de prendre soin d'eux. De mes parents. Promets-moi aussi de pardonner Max, de comprendre Ana, de soutenir Gaëlle et de ne pas abandonner Jules.

- Je... je ne comptais pas couper les liens mais...

- Non, je ne veux pas que tu le fasses. Pas même t'éloigner d'eux, ils auront besoin de toi tout comme tu auras besoin d'eux. Fais-en moi la promesse.

Comment puis-je savoir quel chemin j'emprunterai après le lycée ? Avec quels amis je resterai en contact ou encore dans quelle ville irai-je habiter ? Je ne peux pas promettre une telle chose sans être sûr de ne pas pouvoir la tenir, cette promesse. La seule personne qui me lie à eux sont Camille, comment vais-je faire quand elle sera plus là ? Je n'aurai plus rien à leur dire, j'aurai même sûrement du mal à les voir sans me souvenir que Camille n'est plus là et qu'elle n'a plus la chance d'être à leurs côtés. Cela dit, si Camille me demande de lui faire la promesse, ce n'est pas pour rien.

- Je peux essayer de la tenir. Pour toi.

- Ce sont tes amis à toi aussi, Julian. Pas seulement les miens.

J'acquiesce en essuyant ses larmes.

- Une dernière chose, murmure-t-elle en fronçant tristement les sourcils.

Sa voix déraille, elle déglutit difficilement et je sens que cette dernière demande sera fatale. Ses joues sont inondées de larmes, elle ne se retient même plus, ce qui provoque en moi une douleur intense.

- Ne refuse pas de rencontrer de nouvelles personnes. Ne te renferme pas, ne sois pas désagréable, vis comme si rien ne s'était passé, d'accord ?

- Tu ne peux p-

- Julian, nous n'étions ensemble que depuis quelques mois, tu surmonteras ça facilement.

- Arrête Camille, tu n'as pas le droit.

Mes yeux me brûlent, des larmes menacent de couler.

- Ce que nous avons vécu est très fort, je n'ai même pas de mot... tu as été mon vrai premier amour et on me l'enlève, comme ça, du jour au lendemain...

- Ce que j'essaie de te faire comprendre, c'est que... c'est surmontable. Nous avons vécus des moments intenses, tu as raison, je veux simplement que tu vois ça comme... comme une belle passe que tu auras eu la chance d'avoir vécue. Je ne veux pas que tu sois triste, encore moins que tu te forges une carapace. Tu es si gentil, si avenant... tu es un pansement pour le cœur des gens.

- Personne ne pourra soigner le mien.

- Tu trouveras quelqu'un qui te comblera tout autant que moi.

- Tu n'en sais rien...

- Tu es têtu. Je sais que tu risques d'être fermé comme une huître et ce n'est pas ce que je veux. N'attends pas pour refaire ta vie, tu es jeune, ce que nous avons vécu, ce n'est rien à côté de ce que tu vivras avec l'élue, crois-moi.

- Je ne veux plus en parler, Cam', s'te plaît.

- Promets-moi de ne pas t'empêcher de rencontrer cette autre fille.

- Cam'...

- Julian, s'il te plaît, promets-moi de ne pas te bloquer à cause de moi.

- Promis, soufflé-je à contrecœur.

- Prends-moi dans tes bras. J'ai froid.

J'obéis, encercle mes grands bras autour de son petit corps, dépose mon menton contre son front et ferme les yeux en la berçant de gauche à droite.

- Ton odeur... murmure Camille. Elle va me manquer, elle aussi.

Une larme silencieuse coule le long de ma joue.

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