Mademoiselle Latour

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JANVIER 2018


Le dimanche est, sans aucun doute, le jour de la semaine le plus redoutable pour un adolescent. Alors imaginez ce qu'il ressent un dimanche soir après avoir passé deux semaines à rien foutre, à se coucher à pas d'heure pour se réveiller le même jour très tard dans l'après-midi... c'est la merde ! Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient étant donné que je suis actuellement en sa compagnie, en pleine bataille de boules de neige. Le lundi et tous les autres jours de la semaine peuvent bien arriver, tant que je la vois. Ça tombe d'ailleurs très bien que les cours reprennent étant donné que nous avons interdiction de nous voir, ils nous permettront de passer du temps ensemble sans avoir ses parents sur le dos.

- T'as la trouille ? je ris.

- Julian ! Arrête, tu lances fort et jamais en dessous de la ceinture !

- Ohhh, ça va, ce n'est rien que de la neige.

J'avance à petits pas vers le buisson derrière lequel elle se cache tout en me retenant de rire. D'ici, j'aperçois le bout de ses Timberland blanches mais je n'en fais rien, préférant la laisser tranquille pour l'instant.

- Julian ! s'excite Camille en se redressant derrière l'arbuste.

- Je n'ai rien dans les mains, l'avertis-je.

- Je ne te crois pas, soupire la blonde en contournant l'objet qui nous sépare.

Je me glisse avec agilité près d'elle, ce qui lui vaut un sursaut et j'écrase d'un coup sec la boule, qui fondait entre mes mains, sur son crâne tel un œuf à cuire.

- Julian ! s'écrie-t-elle d'une voix aigüe.

Elle se lève, prend la fuite tout en m'insultant de tous les noms et c'est bien la première fois que j'entends de telles injures sortir de sa bouche. Élégant.

- Je te jure que je vais...

Ses mots restent en suspens quand j'arrive à passer mes bras autour de sa taille, l'attrapant par surprise, et ses mains emmitouflés dans deux gants épais me frappent pour que je la lâche. Mais je n'écoute pas.

- Pardon, pardon, pardon, rigolé-je en la serrant contre mon torse sous ses débats.

- Lâche-moi, me dit-elle doucement, ne forçant plus autant sur ses bras.

- Je ne recommencerai plus mais c'était trop tentant, je ris toujours.

Elle souffle, baisse les bras puis les croise près des miens dans le but que je les réchauffe, je m'exécute, liant nos mains entre elles. Ce que j'aime chez elle est définitivement sa petite taille, son visage se cale parfaitement dans le creux de mon cou tandis qu'elle relève ce dernier pour me regarder et je ne peux m'empêcher de lui sourire. Elle aussi me sourit, sa fossette tremble légèrement, ses yeux me font perdre toute mon assurance par leur brillance et je ne fais plus attention à rien lorsque je la regarde. Pas même sa main qui a quitté la mienne pour aller prendre un tas de neige sur le muret à proximité et de me l'envoyer en pleine figure. Mes yeux se ferment tout seul, je grimace et recrache la neige qui s'est infiltrée dans ma bouche.

- Oh mais... ça va, ce n'est rien que de la neige, ricane Camille qui s'écarte de moi.

Une fois mon visage débarrassé de toute cette crasse, je rattrape ma petite amie qui s'encourt mais, malheureusement pour elle, pas assez vite. Elle me bouscule pour ne pas que je la touche, me frappe le torse et nos jambes s'emmêlent dans notre bagarre amusante, ce qui nous entraîne tous les deux dans une chute inoubliable mais l'atterrissage dans cette montagne de neige est supportable, peut-être grâce au gardien de l'immeuble qui semble avoir déblayé les trottoirs et regroupé la poudreuse de ce matin en gros tas de neige près du local à poubelles.

- Aoutch... rit Camille en passant ses mains sur son visage pour se débarrasser de ses cheveux parasites.

- Ça va ? lui demandé-je en riant également.

- Oui, c'est confortable en fait. Même si c'est de ta faute tout ça...

- Ah ouais ? Bah je ne suis vraiment pas désolé.

Nous rions pendant que je me redresse sur mon coude pour me tourner vers Camille qui semble vouloir rester couchée sur le dos, les bras et les jambes écartées à fixer le ciel qui est déjà bien sombre.

- Elles sont jolies les étoiles.

- Très, marmonné-je en ne la quittant pas des yeux.

J'espère qu'elle ne prendra pas froid, je veille toujours à ce qu'elle soit bien couverte, que la neige ne rentre pas directement en contact avec sa peau sous ses vêtements parce que je sais, depuis le temps, qu'elle tombe rapidement malade. D'ailleurs, j'abaisse à l'instant son bonnet qui commence à se faire la malle et je ne souhaite pas qu'elle le perde, il est précieux à ses yeux et même si nous sommes dans l'arrière-cour de mon immeuble, je ne veux pas prendre le risque de ne plus le retrouver.

- Dis-moi, tu ne m'as jamais expliqué pourquoi tu tenais tant à ce bonnet, chuchoté-je en touchant les petites floches qui dépassent de celui-ci.

- Mes parents me l'ont offert il y a quelques mois. Je ne sais pas, je... je l'adore. Tu sais, mes parents ne sont pas démonstratifs alors quand ils me montrent qu'ils m'aiment, qu'ils sont fiers de moi... je tiens à m'en souvenir.

- Ils tiennent à toi, personne ne peut dire le contraire.

- Parfois j'en doute, tu sais. Comme ces derniers temps d'ailleurs...

- Ils te protègent.

- Ils n'ont pas besoin de me protéger de toi. Le jour où ils comprendront que tu m'apaises, que je t... que je t'admire et que j'ai besoin de toi, ce sera trop tard.

- Trop tard ?

- Façon de parler, Julian, me sourit la blonde.

Nous sommes bien, allongés sur une montagne de neige, le vent n'est pas si froid -ou alors nous sommes très bien couverts-. Je pourrais rester là pendant des heures si elle le voulait.

- Dites-moi, Mademoiselle Latour, où est-ce que vous aimeriez voyager prochainement ?

Elle rit, ses joues virent au rouge.

- Pourquoi cette question, Monsieur Mercier ?

- Je n'en sais rien, j'aime penser au futur, aux prochaines vacances d'été... On pourrait partir loin, au soleil, sur une île paradisiaque...

Elle clape des mains devant mes yeux et je me saisis.

- Eh oh, redescends ! rit Camille. Tu as l'argent pour ça ? Puis tu sais... le soleil, ce n'est pas mon tripe. J'aime beaucoup mais je préfère les pays froids. Faire la crêpe au soleil toute la journée... non merci, rit toujours ma petite amie. Attention, j'adore visiter un pays mais j'évite le soleil à tout prix, je ne le supporte pas.

Bien.

Très bien.

Je suis tout le contraire mais ça va aller, on va gérer.

- Je te suivrais n'importe où.

- Quel romantique... me dit tendrement Camille.

Sa main vient caresser ma joue pendant que son regard me fait passer un nombre de messages incalculables. Est-ce qu'il s'agit d'amour ? D'envie ? Parce que, moi, je crois que je l'aime.

- Je commence à avoir froid Julian, murmure la jeune blonde.

- Viens, on rentre.

- Tu es sûr que ça ne dérange pas ta maman que je passe la nuit chez toi ?

- Certain. Tu es sûre que tes parents ne se doutent de rien ?

- Certaine. J'ai briefé Anaïs qui a parlé à sa mère et je pense qu'elle acceptera de me couvrir.

- Allons-y.

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