DÉCEMBRE 2017
Ah, Noël. Cette fête censée être familiale, joyeuse et remplie de gaieté, n'est-ce pas merveilleux ? Je suis d'accord mais qu'en est-il du reste ? Des autres sentiments ? La haine, la guerre, l'amour parfois. J'ai ma dose, je passe le réveillon devant Game of Thrones et, croyez-moi, je passe une très bonne soirée. Pop-corn sur les genoux, coca dans une main, téléphone dans l'autre, mes yeux se révulsent presque de bonheur, ma propre compagnie me rend heureux, et ça, c'est important.
L'absence de Camille me semble toutefois considérable depuis la conversation que nous avons eue quelques heures auparavant. Lorsque mon regard se détourne de la scène de crime qui passe à la télévision, je me mets inconsciemment à fixer le sapin de Noël, coincé entre la petite bibliothèque de ma mère et la porte d'entrée. Il s'agit de tout autre chose, contrairement au sang qui gicle, le bruit des épées ou les meurtres à répétition, je me retrouve à réfléchir, à me remémorer mon enfance, les fêtes que nous passions en famille et ces lumières que j'adorais regarder scintiller.
Comment est-il possible de passer d'une humeur à une autre en si peu de temps ? Je suis nostalgique et c'est bien la première fois depuis notre emménagement. Maintenant, me voilà seul face à moi-même, occupé à me convaincre que tout ira bien.
Mon portable vibre, il me sauve, me sort de mes pensées.
Camille : Mes parents ne veulent pas que je sorte...
Sans blague, pensait-elle vraiment le contraire ?
Julian : Passe un bon réveillon, Camille.
***
Quatre épisodes plus tard, j'en suis à déguster les bonnes boulettes de ma maman, préparées avec amour. Il est bientôt minuit, l'heure à laquelle la plupart des familles se souhaiteront un joyeux Noël, s'offriront leurs cadeaux ou boiront à leur santé. Le point positif est que nous n'entendrons plus parler de cette fête avant l'année prochaine, je me demande comment est-ce que des gens arrivent à mettre trois heures à préparer un plat, décorer une maison et se pomponner pour finalement n'être présent que quelques heures auprès des invités, aller se coucher et tout oublier.
Noël est un jour comme un autre.
On sonne à l'interphone, je suis surpris puisque je n'attends personne, ma mère bosse encore et, quand bien même, elle ne prendrait jamais le temps d'attendre que je lui ouvre la porte, elle n'est pas patiente. Curieux, je saute par-dessus le canapé, m'encours jusqu'à la fenêtre afin de tirer les rideaux et observer les alentours. Rien, pas de nouvelle voiture ni un détail qui me mettrait la puce à l'oreille.
La personne sonne à nouveau, plus longtemps à présent.
Je décide d'ouvrir avant de mettre ma série sur pause. J'enfile un t-shirt convenable tout en gardant ce bas de jogging reçu en pré-cadeau de Noël, ce matin, de la part de ma mère.
Je secoue mes cheveux bruns tout en me dirigeant vers la porte d'entrée quand, au même moment, j'entends de timides petits coups contre le bois de celle-ci.
Je suis prudent lorsque je décide d'ouvrir la porte et reste stupéfait quand j'aperçois Camille devant le pas de la porte. Ses joues et le bout de son nez sont si rouges, son bonnet est rempli de neige ainsi que le bas de ses cheveux qui en ressort, qu'est-ce qu'elle fait là ?
- Camille ? demandé-je, sans voix.
- Joyeux Noël, souffle-t-elle en souriant.
Mes sourcils se froncent, elle remarque mon incompréhension et se permet ensuite de rire en enlevant son chapeau. Il doit être minuit, Camille devrait être chez elle, près de ses parents et non chez moi, à m'assister tel un enfant six ans.
- Je peux entrer ?
- Oh... je... Oui, bien sûr. Viens.
Je me décale, lui laisse le champs libre et referme délicatement la porte derrière elle. OK, je ne comprends pas bien ce qu'il se passe mais je dois absolument me reprendre, elle est venue, ici, pour moi. Pour me voir.
- Camille, attends, qu'est-ce que tu fais ? demandé-je embêté.
Elle se retourne vers moi, son manteau à moitié enlevé de son dos, elle semble hésiter.
- Tu es occupé ? Je...
- Non.
Je lui cache, du mieux que je peux, la table basse remplie de bouteilles de bières, d'une assiette sale et de boîtes de bonbons à moitié entamées. Quelle honte, pour qui est-ce que je vais passer moi, maintenant ?
- Non, pas du tout mais... et tes parents ?
- Ils ne se doutent de rien, me sourit la blonde.
- Quoi ? Tu as fugué ?
Elle me sourit encore plus. Je vais mourir, clairement.
- Non, non, non. Camille, pourquoi tu as fait ça ?
Je m'approche d'elle, nerveux, lorsque son sourire s'efface subitement, je m'en veux de ne pas réagir de la bonne façon. Ou alors est-ce la bonne.
- Cam', s'ils se rendent compte de quelque chose, tu-
- Ils pensent que je suis malade, que je dors profondément telle leur gentille petite fille adorée.
- S'ils le découvrent, tu auras des problèmes. Et moi aussi.
- Peut-être. Mais j'aimerais, pour une fois, faire ce que je veux réellement.
Elle me cloue le bec. Pourtant, je ne suis pas rassuré qu'elle désobéisse à ses parents, s'il lui arrive quelque chose, si leur entente n'est plus la même, je m'en voudrai énormément.
- Viens, lui dis-je finalement en lui tendant ma main.
Je l'emmène avec moi jusqu'au canapé, remarque à cet instant qu'elle porte une belle et scintillante robe noire qui lui arrive au-dessus des genoux. Ses yeux sont maquillés, ses cheveux ondulés alors que d'énormes boucles d'oreilles rondes s'accrochent entre quelques mèches blondes. Et moi je suis en jogging, le jour de Noël.
- Game of Thrones, murmure Camille en regardant l'écran.
- Oh heu... ouais. Je vais changer, c'était pour passer le temps, je ris, nerveux.
- Tu m'avais l'air de passer une bonne soirée, tout compte fait, remarque-t-elle au désordre.
- Ouais... désolé, je vais ranger tout ça, fis-je en me redressant.
Elle me retient par le bras, tire pour que j'atterrisse un peu plus près d'elle et, cette fois-ci, nos coudes entrent un peu trop fort en collision. Elle grimace, je m'excuse et c'en est déjà fini. Je suis gêné, je ne comprends pas Camille, je n'ose rien faire malgré ses actes qui me semblent être des appels de phare.
Qu'attends-tu de moi ?
- Tu désobéis à tes parents, tu fais le mur, tu marches jusqu'à chez moi... compté-je en la regardant. Il y a bien une raison à tout ça.
- Bonne déduction, murmure-t-elle timidement. J'avais de la peine de te savoir seul, tu es mon ami et-
- De la peine ?
- J'avais envie d'être avec toi, Julian.
Plus claire, elle ne sait pas être. Mais est-ce réel ? Ou a-t-elle seulement de la pitié pour moi ? Elle me voit encore comme un ami. Je t'en foutrais des amis, moi.
- Prends-moi dans tes bras, chuchote la blonde en posant sa main sur mon torse.
Je succombe, passe mes mains autour de sa taille et me rapproche prudemment d'elle, le cœur battant. J'attrape la télécommande derrière elle, quitte ma série préférée à contrecœur et change pour un film de Noël, comme elle les aime.
Si personne ne souhaite lui offrir le meilleur des Noël, alors je le ferai.
J'avais tort, Noël n'est pas un jour comme un autre.
VOUS LISEZ
Près de toi
Teen FictionCroyez-vous au destin ? Pensez-vous que tout est déjà écrit ? Et si nous avions agi autrement, la fin aurait-elle été la même ? Julian Mercier ne le saura jamais. Suite au divorce de ses parents, Julian, 18 ans, décide de suivre sa mère et s...