La famille Latour II

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NOVEMBRE 2017


J'ai réussi à me plonger pleinement dans le film à partir du milieu de celui-ci. La raison est que Jules bougeait sans cesse, nous étions trop serrés et Anaïs posait des tas de questions à Maxence qui ne répondait que par un hochement de tête. Camille s'est endormie avec un plaid sur les genoux, la tête posée contre l'épaule de Gaëlle. Elle est mignonne. Son amie la réveille doucement, comme si elle en avait l'habitude.

- Tes parents doivent nous attendre...

- J'ai trop la dalle, s'exclame Maxence en s'étirant.

- Mmmh, je suis fatiguée, allez-y sans moi, soupire Camille.

- Nooooon, râle Ana en faisant la moue. Tes parents sont des tyrans, ne nous laisse pas seuls avec eux !

- Ana !

- Laisse-la se reposer, intervient Jules en se relevant.

Les autres l'imitent alors je suis le mouvement. Gaëlle attend que son amie se couche pour lui déposer le plaid convenablement sur le corps et Camille la remercie en souriant.

- Désolée, dit-elle en nous regardant, spécialement moi en tout dernier.

Elle a raison de l'être, je vais me taper le dîner avec ses parents et si son père a le même caractère que sa femme, je suis dans la merde. Clairement.

- Julian ?

Mes amis quittent la pièce lorsque Camille m'interpelle, légèrement redressée sur son coude pour me regarder.

- Est-ce que ça va ? lui demandé-je en m'approchant doucement.

- Oui... Oui, je voulais simplement te dire de ne pas faire attention à ma mère. Elle est sympa, tu sais mais... elle n'accepte pas facilement que je fasse venir de nouvelles personnes à la maison.

- Je ne pense pas rester, avoué-je en haussant les épaules. À part foutre une mauvaise ambiance, ça n'apportera rien de plus.

- Max sera là pour t'aider mais, s'il te plaît, reste. Je ne veux pas que tu te sentes à part...

- C'est pourtant ce que tu fais depuis le début.

Mon ton est plus dur que je ne le pensais mais je trouve ça plutôt légitime. Camille grimace sans me répondre, les secondes défilent lentement et nos yeux ne se quittent plus. Mon amie pâlit puis se recouche en s'excusant à nouveau.

- Tu es sûre que ça va ? Est-ce que tu veux un médicament ? Un verre d'eau ?

- Non, j'ai seulement la tête qui tourne, je ne me sens pas très bien, souffle la blonde.

Je m'assieds de manière à être près de son visage au cas où ça tournerait mal puis prends le temps d'amener plusieurs coussins près d'elle pour qu'elle soit confortablement installée. Elle tousse dans son coude en fermant les yeux puis soupire fortement.

- Je pense que je couve quelque chose, tu ferais bien de rester loin de moi.

- J'ai un bon système immunitaire, ne t'en fais pas, je souris.

Elle lève sa main vers moi puis me pousse doucement la jambe en me rendant mon sourire. Elle me taquine et, malgré ça, je sens qu'elle est sincère quand elle me demande de m'éloigner.

- Arrête de toujours me repousser.

- Je suis malade.

- Un bête rhume ne me fait pas peur.

- Julian, soupire-t-elle.

- Réponds-moi sincèrement Camille, est-ce que tu veux que je m'en aille ?

- Oui.

Les battements soudain rapides de ses longs cils me font douter, son regard parcoure mon visage et je suis persuadé que nous n'avons jamais été aussi proches physiquement. J'aime penser qu'elle me ment et qu'elle a une bonne raison de le faire mais j'en doute. Au fond de moi, je crois avoir peur qu'elle soit sincère.

La porte de sa chambre grince, notre échange se termine et je remarque maintenant que Madame Latour nous observe, les bras croisés, entre l'encadrement de la porte.

- Je pense que vous devriez laisser ma fille se reposer, vous ne pensez pas ?

- Oui, Madame Latour.

Je suis poli pour Camille, simplement pour elle. Autrement, je pense que je ne me gênerais pas pour lui balancer toutes sortes d'injures à la figure.

- Maman ! Propose-lui de rester manger au moins !

- Ça ira, dis-je en me relevant. Je comptais m'en aller de toute façon.

Sans un regard pour elles, je quitte la chambre dans le seul but de partir d'ici, cette maison dans laquelle je ne mettrai plus un pied. Lorsque j'arrive devant la porte d'entrée, j'entends les rires de mes amis, la voix portante de ce que je présume être le papa de Camille et le bruit des couverts contre les assiettes. J'aurais aimé faire partie d'eux, être à leurs côtés, m'intégrer.

Je sors, traverse l'allée et referme convenablement la clôture derrière moi, n'y laissant qu'une trainée de poussière.

Le froid me frappe en plein visage, je me rends compte que j'ai oublié ma veste dans la chambre de Camille mais je ne retournerai pas la chercher. Non, je préfère largement souffrir pendant vingt bonnes minutes et mourir de froid jusqu'à enfin rentrer chez moi.


***


- C'est moi, annoncé-je en baissant la capuche de mon gilet.

- Trésor ! Je me suis inquiétée !

Je vois débarquer ma mère dans le salon, un simple peignoir beige sur le dos et sa brosse à dents dans sa main droite.

- Où étais-tu ? demande-t-elle en m'analysant, à la recherche d'indices.

- Chez une amie. Désolé, j'ai oublié de te prévenir.

Elle semble se méfier, me regarde attraper une barre chocolatée puis m'affaler sur le canapé. J'ai l'impression qu'elle veut me gronder ; premièrement, je n'ai pas enlevé mes chaussures, deuxièmement, elle s'inquiète pour moi et je ne peux pas la blâmer pour ça. Cependant, je n'ai pas envie de parler.

- Tu n'as pas faim ?

Je lève mon biscuit en l'air pour simple réponse, ce qui me vaut un soupir de sa part.

- Je parle d'un vrai repas, Julian. Tu sais, de la viande, des légumes ou des féculents... Ça fait bien longtemps que nous n'avons pas souper tous les deux.

- J'ai déjà mangé, je mens en allumant la télévision.

- Tu n'es pas beaucoup présent ces derniers temps, mon chéri. Est-ce que tout va bien ?

- Tout va bien, maman.

Elle s'assoit près de moi puis viens me prendre la main en me souriant tendrement.

- Promis, insisté-je en la regardant.

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