Joyeux Noël III

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DÉCEMBRE 2017


- Un chat ? Nan ! Un chien ! Attends...

L'éclat de rire qu'elle ne s'empêche pas de retenir me donne toujours autant de frissons, un vrai bonheur à écouter.

- Toi qui te disais forte... Je n'aurais pas dit ça comme ça, je ris.

Assis en tailleur sur mon lit, Camille est dos à moi avec pour but de deviner le plus de dessins possibles que je trace dans son dos à l'aide de mon doigt.

- C'est un animal, j'en suis sûre !

- Tout de même...

- Une souris ! s'exclame Camille en frappant des mains.

- C'est pas trop tôt, soupiré-je en m'affalant sur le dos, les yeux rivés au plafond.

Le film de Noël n'était pas si mal bien que je n'en regarderais pas tous les jours, je suis étonné d'avoir autant accroché.

Je jette un coup d'œil à mon réveil ; deux heures du matin, ma mère ne devrait pas tarder. Je serai bien obligé de lui demander de ramener Camille chez elle, pour qui est-ce que je passerais de la laisser rentrer seule ?

Le portable de cette dernière se met à sonner, ce qui la rend nerveuse tout à coup. Elle le prend entre ses mains sans savoir quoi faire et je me redresse sur mes coudes pour l'observer.

- Réponds.

- Non, elle saura...

- Tu ne penses pas qu'elle sait déjà ?

Le haussement de mes sourcils lui fait comprendre la bêtise de la chose. Cependant, Camille ne répond toujours pas au deuxième appel de sa mère, je soupire.

- Cam'...

- Elle vient de m'envoyer un message, souffle-t-elle en rongeant nerveusement son ongle. Elle se doute que je suis ici, Julian, je...

- Écoute-moi, dis-je en me redressant pour lui caresser le bras. Ne t'en fais pas, ma mère va bientôt rentrer, on te reconduira chez toi et je m'excuserai auprès d'elle, je dirai que c'est moi qui ai insisté pour que tu viennes, je ne veux pas que tu aies de problèmes...

- Non, je veux rester ici Julian...

- Comment ça ?

- Je ne veux pas rentrer chez moi, je veux dormir ici, avec toi.

- Camille, je-

- S'il te plaît, me supplie la blonde, les yeux embués de larmes.

- D'accord, déclaré-je en l'observant. On arrangera tout ça demain.

Elle se jette littéralement dans mes bras en soupirant de bien-être, ses lèvres se posent sur ma joue tandis que je nous fais tomber dos contre le matelas, la moitié de son corps sur le mien m'empêche de penser correctement. Je ne sais pas ce qu'il se passe mais ça devient sérieux et j'ai peur de ne pas savoir gérer la situation. Je sens les lèvres de Camille insister, sans bouger. Elle semble si proche mais si loin, je n'en reviens pas.

- Amis, murmuré-je en fermant les yeux.

- Mh ?

- On est amis, répété-je en tournant le visage pour la regarder.

Ses lèvres s'éloignent, elle plonge son regard dans le mien, l'air frustré, pendant que je me pince doucement les lèvres. Je guette sa réaction pour ne pas foirer, c'est déjà arrivé trop de fois pour que, à l'approche de la ligne d'arrivée, j'abandonne. D'ailleurs, je ne dois surtout pas le faire, seulement observer, agir le mieux possible sans qu'elle ne parte en courant. Je doute qu'elle le fasse vu la façon dont elle est proche de moi, mes sens sont en alertes, je crois rêver lorsqu'elle passe doucement sa main dans mes boucles brunes.

- Tu as raison, on ne devrait pas...

Merde.

Non, ce n'est pas ça que je voulais dire. Enfin, ce n'est pas ça qu'ELLE devait dire.

- Je suis fatiguée, murmure Camille en se laissant tomber à mes côtés.

Et moi énervé. Frustré. J'aurais dû me lancer, c'est trop tard maintenant.

- Est-ce que tu veux un t-shirt pour dormir ? Ou alors un pyjama à ma mère ?

- Ça ira, me sourit-elle.

Comment a-t-on pu en arriver là ? On était si proches, rien n'aurait pu nous empêcher de franchir le pas, hormis nos fiertés respectives. Il faut me comprendre, j'ai déjà tenté tellement d'approches que je ne sais plus comment penser.

Le matelas s'affaisse sous le poids de mon amie, elle se tourne pour me faire face, à présent sous la couverture. Lorsque je reprends enfin mes esprits, je me glisse sous les draps afin de l'imiter et j'éteins ma lampe de chevet, en silence.

- J'ai besoin de savoir une chose, murmuré-je.

- Quoi ? me demande-t-elle doucement.

- Pourquoi est-ce que tu te mets autant de bâtons dans les roues ? Pourquoi est-ce que tu t'infliges ça ?

- Je ne comprends pas...

- Tu ne laisses pas la chance aux nouvelles personnes de te connaître, encore moins de t'approcher. Si je n'avais pas insisté, on n'en serait pas là.

- Si, je revenais vers toi, Julian, c'est juste que... c'est compliqué.

Maintenant, je décide d'attendre, attendre qu'elle développe sans que je ne doive insister pour comprendre le sens de sa phrase.

- Compliqué parce que je n'aime pas laisser les gens entrer dans ma vie. J'ai beaucoup de mal.

- J'ai remarqué, oui.

- Je me suis vite rendue compte que tu étais différent, Julian. Tu m'énervais, tu cherchais absolument à ce que je m'ouvre à toi mais c'était impossible, je ne suis pas comme ça. J'évite les relations, je-

- Alors on parle de relation, maintenant ?

- Tu as très bien compris... me dit-elle dans un murmure.

- Tu n'as pas à te cacher de moi.

Grâce aux faibles néons extérieurs qui illuminent une partie de ma chambre, j'arrive à capter le regard de mon amie qui semble triste. Elle ne parle plus, seules ses lèvres sont affreusement attaquées par ses deux dents supérieures, ce qui me fait soupirer.

- Viens là, lui dis-je en ouvrant mes bras.

Elle vient s'y réfugier sans attente, ses petites mains accrochent le léger tissu de mon haut tandis que son visage vient prendre place dans le creux de mon cou. Si l'on m'avait dit qu'une simple accolade, après l'avoir déjà plusieurs fois serrée dans mes bras, pouvait me faire ressentir ce même et unique sentiment, j'aurais commencé bien plus tôt. Je n'ose pas imaginer si l'on avait dérapé il y a quelques minutes, aurait-elle accepté d'être avec moi ? Ou aurait-elle regretté ?

Des tas de questions sans réponses.

- J'ai peur, Julian.

Ces mots me brisent le cœur.

Je la rassure du mieux que je peux, nos corps sont collés, nos jambes entrelacées et mon doigt trace de petits cercles invisibles sur sa nuque, ce qui l'apaise de plus en plus.

Plus tard, nous nous endormons dans les bras l'un de l'autre sans avoir entendu ma mère rentrer la nuit, sans réveil inutile et sans cauchemar. Nous passons simplement une bonne nuit, tous les deux, accroché l'un à l'autre comme deux bons accros.

Près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant