Près de toi

Docteur Lecomte

FÉVRIER 2018

- Je te dis que je veux t'accompagner, Cam !

- Et moi je ne veux pas te faire subir ça, d'accord ? Attends-moi, ce ne sera pas long.

- S'il te plaît, tenté-je en lui prenant les mains. Laisse-moi venir avec vous, Cam', je... s'il te plaît.

Je suis à court d'arguments, la seule chose qui me ferait plaisir est qu'elle accepte de me faire entrer dans sa vie. Ses problèmes sont mes problèmes. Elle n'a plus eu de rendez-vous depuis le mois passé, son état reste stable malgré qu'elle ne mange plus beaucoup, même lorsqu'on la force.

- D'accord, finit-elle par dire tout bas.

***

Je n'ai jamais aimé les hôpitaux, la seule fois où j'ai dû m'y rendre était pour mon problème de coccyx. Je n'en garde pas de très bons souvenirs, alors je n'ose pas imaginer Camille qui doit se farcir cet endroit toutes les deux voire trois semaines.

Plusieurs patients sont assis autour d'une petite table en bois, certains lisent un magazine pour faire passer le temps, d'autres manipulent leur portable pendant que deux enfants jouent près d'une fenêtre teintée de rouge. Une musique d'ambiance détend l'atmosphère, personne ne parle, Camille, sa maman et moi nous asseyons côte à côte. Peut-être ne comprenez-vous pas comment sa mère ait accepté ma présence, moi non plus. Enfin, je l'avoue, depuis qu'ils savent que je sais, la communication entre moi et ma belle-mère est devenue plus simple.

C'est au tour de Camille d'entrer dans le cabinet et je n'ose pas demander de les suivre, jusqu'à ce que la main de ma blonde préférée se hisse dans la mienne, me faisant comprendre de suite qu'elle a besoin de moi, de ma présence.

- Bonjour Camille, comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

L'homme aux cheveux poivre et sel se frotte les mains entre elles quand il contourne son bureau afin de s'asseoir derrière celui-ci. Ses grosses lunettes aux montures carrées tombent le long de son nez, ce qui ne semble pas le déranger, cela dit, il regarde par-dessus ces dernières en arborant une mine plutôt... je ne sais pas, en fait. Il a l'air mitigé mais confiant en même temps, c'est très bizarre, comme s'il savait mais qu'il ne disait rien.

- C'est compliqué, il y a des moments où tout va bien et puis... et puis plus rien ne va, j'ai des nausées, mes vomissements sont de plus en plus fréquents et mon appétit, n'en parlons pas, je ne sais plus rien avaler sans être dégoutée...

Docteur Lecomte, d'après son badge, se gratte le menton tout en tournant plusieurs feuilles d'un dossier sous son nez, les sourcils froncés. Il écoute Camille attentivement bien qu'il n'en dise rien, je ne sais pas comment est-ce qu'elle tient le coup mais je ne lâche pas sa main.

- J'ai le dossier sous mon nez et...

Silence. Ses yeux lisent rapidement les dernières lignes avant qu'il ne soupire et remonte ses lunettes sur le début de son crâne chauve.

- Votre état ne semble pas s'améliorer Mademoiselle Latour. Les résultats ne sont pas bons, la chirurgie ne sera malheureusement pas praticable étant donné que la tumeur s'est propagée vers des vaisseaux sanguins importants à proximité du pancréas, il y a donc un risque d'hémorragie ou d'endommagement envers l'un de ses vaisseaux. Ce n'est pas l'idéal, vous le savez. Nous allons donc devoir nous tourner vers la chimiothérapie.

La teinte de Camille vire au blanc, voire transparente, ses yeux se mettent à papillonner tellement vite qu'elle se force à les garder ouverts.

- Je... d'accord, comment est-ce que... comment est-ce que ça se passe ?