Appels improbables

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AVRIL 2018


Aujourd'hui, je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps à consacrer à Camille, entre les devoirs à rendre aux professeurs, les leçons à réviser, étant proche du BAC, je n'ai pas le droit de me planter malgré la situation. Les professeurs sont compréhensifs, je n'ai pas de quoi me plaindre, seulement, l'envie de mettre mon nez dans mes révisions et ne plus penser à Camille me semble impossible, elle est dans chacune de mes pensées.

Ces derniers jours, je dois dire que son état m'inquiète pas mal, tout ce qu'elle mange, elle le remet. Pareil pour la boisson, ça rentre aussi vite que ça sort. Ce qui me soulage est que nous avons l'habitude, dans quelques jours, elle s'en remettra et mangera tout ce qu'elle trouvera sur son chemin. C'est la chimio, son corps n'a pas l'air de s'y adapter. Je sais qu'elle est entre de bonnes mains, ses amis vont la voir tous les jours après les cours, ses parents se relaient et les infirmières sont au petit soin.

- Julian, chéri, tu veux une salade ?

- Je veux bien m'man, merci !

Il fait très chaud, ma mère adore cuisiner ses fameuses salades tomate-mozza que je déguste avec toujours autant d'envie et ce depuis tout petit. Elle me permettra de faire une pause dans mon travail, je suis occupé sur un putain d'exercice depuis quarante minutes et ça ne rentre toujours pas.

- Tu as des nouvelles de Camille ? me demande-t-elle en déposant mon assiette sur le coin de mon bureau.

Je vérifie mon portable, un selfie de moi et Camille sous la neige me fait sourire, cette journée était l'une des plus belles. Son bonnet tombe légèrement sur ses sourcils du fait que ma main soit posée sur ce dernier, mon écharpe, que j'avais préalablement remontée jusqu'à mon menton, est mêlée à la sienne tandis que nos manteaux, de couleur identique, s'unissent lors de notre accolade.

- Non, aucune. Je pense que son père est avec elle, puis ses amis la rejoignent.

- Combien de temps dure la chimio ?

- Entre trois et quatre mois. Seulement, Docteur Lecomte dit que si son corps continue à mal agir, il faudra un peu plus de temps, histoire de faire une pause entre chaque cure pour qu'elle se remette.

Maman hoche son visage, le bas de son corps est appuyé contre mon bureau. Je me contente de manger son plat divin tout en tournant ma chaise à roulettes pour décompresser.

- Ton père m'a demandé de tes nouvelles, il souhaite dîner avec toi un de ces jours.

- Pourquoi ne compose-t-il pas MON numéro de téléphone ? Ça irait sans doute plus vite.

- Il n'ose pas. Je pense...

- Il a bien raison, je l'enverrai chier.

Après un rapide sourire dans ma direction, ma mère se redresse, me masse délicatement les épaules avant de quitter ma chambre pour me laisser tranquille.

Alors je bosse, sans relâche, termine mes leçons que j'ai eu du mal à rattraper tout en essayant de retenir un maximum d'informations pour ne plus devoir réviser certaines matières lors du BAC. Je me souviens avoir promis d'avoir la meilleure des mentions à ma mère, je n'avais seulement pas prévu tout ce qui m'est arrivé, alors je me contenterai de faire le minimum, le principal est que je l'obtiens et que je quitte enfin le lycée.

Un message attire mon attention quand mon portable s'illumine.

Pauline : Salut Julian. J'espère que tu vas bien et que tu t'en sors. N'hésite pas à m'appeler si tu as besoin d'aide.

Ouais, c'est ça. Message supprimé.

Seulement, elle insiste en faisant, cette fois-ci, sonner mon portable. Je ne réponds pas, épuisé, je tente de rester concentrer sur mon brouillon mais ce n'est pas possible, Pauline continue.

- Qu'est-ce que tu veux ? soufflé-je en décrochant.

- Bonjour à toi aussi, je l'entends sourire.

- Bonjour Pauline, j'ai bien reçu ton message mais je n'ai pas besoin d'aide, merci.

- Tu en es sûr ? Tu comprends toutes mes notes ?

- Tu me prends pour un imbécile ou quoi ? Bien sûr que oui !

Elle soupire à travers le combiné, qu'elle ne s'imagine pas que je vais avoir de la peine pour elle.

- Julian ?

- Quoi ?

- Arrête d'être si...

- Si quoi ? m'impatienté-je.

- Ça ! Là ! Tu es sur la défensive en permanence avec moi, pourquoi ?

- Écoute, ce n'est pas vraiment le moment...

- Ce n'est jamais le moment ! Pourquoi n'acceptes-tu pas de me parler ?

- On parle là, non ?

- Tu as très bien compris. J'aimerais que l'on se voit, tu es d'accord ?

Non, pas vraiment. Mais, finalement, elle me fait quand même de la peine. Je n'ai eu que la version de Maxence, après tout, pourquoi ne pas l'écouter elle aussi ?

Peut-être parce que Camille ne l'acceptera pas ?

- Écoute, je veux bien que l'on se voit mais je t'assure que ce n'est pas le moment.

- Tu me promets de m'accorder une journée ? Même une soirée, peu importe...

- Promis Pauline.

Elle rit doucement dans mon oreille, je me surprends à sourire bêtement à l'entente de sa bonne humeur.

- Merci beau gosse. Ne m'oublie surtout pas.

Je sursaute quand mon portable vibre en même temps que l'appel de Pauline, un second appel s'affiche sur mon écran alors je prends le temps de l'observer. C'est Gaëlle. Mince, elle ne me contacte pratiquement jamais, pourquoi maintenant ?

- Pauline, je dois te laisser. À plus tard, d'accord ?

- Attends, je-

Pas le temps de l'écouter, je raccroche pour prendre immédiatement l'appel de mon amie, mon instinct n'est pas très optimiste et, le plus dingue, c'est qu'il ne se trompe jamais.

- Allô ?

- Julian ?

- Oui Gaëlle ? je ris nerveusement.

- Julian... je...

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Gaëlle, parle !

Mes jambes ont la force de me mettre debout, j'enfile une tenue correcte tout en restant au téléphone avec Gaëlle qui ne trouve pas la force de parler, alors Maxence prend le relais et je sens que la tension est palpable.

- Julian, il faut que tu viennes à l'hôpital. Maintenant.

Près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant