Le marché de Noël II

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DÉCEMBRE 2017


- Tire ! Maintenant, go !

- Putain, Ana, ferme-la, tu me déconcentres, crie Maxence, penché sur le comptoir du stand à carabines.

- Un conseil, si tu veux ta peluche, laisse-le faire, marmonne Gaëlle à son amie.

Assis sur le rebord du comptoir, je regarde Camille déguster la fin de sa pomme d'amour, un sourire constant sur les lèvres. Du coin de l'œil, elle me jette un regard puis le détourne lorsqu'elle ne tient plus, ses fossettes se creusent, son petit nez devient rouge au contact du froid et je la trouve si belle. Si naturelle.

« Jingle Bell » passe en boucle dans les haut-parleurs du marché de Noël, le monde n'est pas si gênant puisque l'ambiance est bonne, pas de disputes, pas de désaccords, juste une bonne soirée en perspective.

- Seulement ? s'étonne Maxence lorsque le vendeur lui montre la petite rangée de jouets auxquels il a droit.

- T'as été nul, faut dire...

- Ana ! s'écrie Jules et Gaëlle.

- C'est la vérité, se défend la petite brune.

Maxence ronchonne, choisit une bête petite peluche en porte-clés qu'il donne à Anaïs d'un air boudeur.

- On monte dans la grande roue ? s'impatiente Camille.

- Attends... j'aimerais acheter un cadeau à mes parents juste avant, ça ne vous dérange pas ? demande Gaëlle, embêtée.

- Pas du tout, sourit la blonde. Besoin d'aide ?

S'ensuit une recherche intensive de présents pour Noël et j'en profite, moi aussi, pour acheter un collier à ma mère avec un joli pendentif en forme d'étoile. Camille s'arrête derrière un stand de boules à neige, ses yeux se baladent sur chacune d'entre elles mais je reste en retrait, les mains dans les poches, pour ne pas la déranger.

- Un chocolat ? m'interrompt Jules en me tendant une boîte en carton remplie de pralines.

- Non merci, grimacé-je.

- Il y a de l'alcool, crache Ana en grimaçant. Tu aurais pu prévenir.

- Ne fais pas comme si ça te dérangeait, réplique Maxence.

- Le chocolat c'est délicieux, l'alcool encore plus mais... le mélange des deux ? Il faut m'expliquer, c'est horrible, soupire la brune en buvant ensuite une énorme gorgée d'eau.

Pour une fois, je suis d'accord avec elle.

- On peut y aller, sourit Camille qui revient vers nous en fermant son sac à dos beige.

- Enfin !

- J'ai grave le vertige, murmure Gaëlle en se frottant les mains.

- Moi aussi, je n'aime vraiment pas ça, je lui avoue tout bas. On se soutiendra.

Je lève mon poing en hauteur, elle cogne le sien contre celui-ci puis me sourit.

- Tu penses qu'on rentre tous dans une seule cabine ?

- On devra se séparer en deux groupes, intervient Jules, la bouche pleine de chocolat.

Les quelques mètres qui nous séparent de la grande roue me donnent les mains moites, je les camoufle alors toujours dans les poches de mon jean, ne laissant rien paraître sur mon visage. Non pas que j'essaie de jouer au dur devant mes amis, j'aimerais seulement profiter de ces moments avec eux. Notamment Camille. Et puis, c'est vrai, de quel œil me regardera-t-elle si elle apprenait que j'étais trop peureux pour monter dans cette bête attraction ? À l'entrée, une pancarte reprenant la taille minimale autorisée me rend honteux, plusieurs enfants font la queue devant nous et sont excités comme des puces.

Aaaah... l'insouciance.

- Ça va ? me demande Camille en souriant.

- Oui, je réponds, un peu trop vite. Oui, pourquoi ?

Elle hausse les épaules, amusée.

Une fois notre tour, Maxence prend les devants, paie la tournée et nous sommes à présents sur la plateforme métallique, prêts à monter dans les premières cabines qui nous passent sous le nez. Mon cœur s'emballe, j'ai soudainement plus chaud mais, encore une fois, j'essaie de ne rien montrer. Je me focalise sur Camille, observe sa bonne humeur ainsi que l'excitation qu'elle dégage mais ça n'arrange pas les choses, elle a la bougeotte et ça me stresse.

- Ce n'est que quatre personnes maximum, déclare Maxence. Désolé les amis mais on vous abandonne pour ce tour.

Une fois que Maxence referme les portes de la cabine derrière lui, je fronce les sourcils en les regardant, tous les quatre, fiers d'eux. Anaïs envoie un baiser à Camille tandis que Gaëlle nous sourit de manière sincère. Jules, lui, écrase la boîte cartonnée entre ses mains puis se les lèches gracieusement.

- Bon, et bien... on a pas le choix, sourit la blonde en montant dans la prochaine cabine, sous l'œil attentif du garde de sécurité.

Ce dernier referme la barrière derrière nous et je ne peux m'empêcher de vérifier, une fois parti, qu'elle soit bien verrouillée.

- Arrête de stresser.

Camille est déjà assise, la grande roue reprend marche et, avant de perdre l'équilibre, je m'assois à ses côtés en lui souriant le plus normalement possible.

- Je ne stresse pas.

- Pas du tout, me dit-elle ironiquement. Tu ne parles quasiment plus, tu observes les gens autour de toi et tu vérifies que ce gars fait bien son travail, me dit-elle en me le montrant d'un coup de menton.

- Ouais bon... j'ai peut-être un peu le vertige, avoué-je. Et pas du tout confiance en cette machine.

Elle incline légèrement son petit corps vers moi puis me tend les mains, les paumes ouvertes. Ses dix petits doigts couverts de laine gigotent en attendant les miens. Je me focalise sur elle, sors mes mains de ma poche et les plonge dans les siennes pour m'imprégner de leur chaleur.

- Alors fais-moi confiance. À moi... murmure-t-elle.

Comment ne pas pouvoir ? Avec le froid, le bleu de ses yeux se fait plus intense, le bout de son nez est de plus en plus rouge et ses joues sont de la même couleur. Je fonds complètement sous son air innocent, le petit sourire qu'elle essaie de retenir ne fait que me rendre encore plus dingue. Dingue d'elle.

Etonnamment, je ne pense plus à rien, je n'ai même plus conscience d'être à presque cent mètres de hauteur. Sa langue humidifie ses lèvres, ce geste n'est pas anodin, surtout lorsque ses deux billes bleues descendent pour observer ma bouche, mes lèvres, leurs mouvements. Je les entrouvre, paralysé, le froid ne m'atteint plus, la peur non plus, le désir et l'envie qu'elle soit à moi sont les deux seuls sentiments qu'il me reste.

Nos visages se sont rapprochés sans que je ne le remarque, elle me dévore du regard malgré une pointe de réticence. Ma main se pose délicatement sur sa joue, prêt à faire le premier pas, ses yeux prennent peur et je sens qu'elle retient sa respiration depuis quelques secondes maintenant.

- Ne me repousse pas, soufflé-je près de ses lèvres.

- Julian...

- Je sais que tu en as envie.

- Tu ne seras pas heureux avec moi, je ne veux pas que... ne complique pas les choses, je t'en supplie.

- Alors que dois-je faire ? Arrêter d'espérer ? Mais comment ? Tu es sans cesse près de moi, tu me câlines, me souris et me regardes avec ses yeux si..., murmuré-je en les contemplant l'un après l'autre.

Je caresse sa joue du bout des doigts tout en fixant ses lèvres qui ne cessent de m'appeler, je jurerais qu'elle en meurt d'envie, elle aussi. Elle les entrouvre, les referme. Elle hésite. Finalement, elle recommence mais ce n'est que pour parler et me sortir ces quelques mots qui blessent mon égo.

- Julian, nous deux ça ne peut pas marcher.

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