DÉCEMBRE 2017
L'hiver s'est installé depuis ce jour-là. Ce jour où elle m'a tout avoué.
La dernière semaine avant les vacances est la plus longue, sans doute que la plupart des étudiants sont excités à l'approche des fêtes, d'autant plus que le dernier jour de cours tombe le vendredi vingt-deux décembre. Moi, je ne ressens aucune différence avec les autres jours. Certes, ces semaines de repos me feront du bien mais aucune excitation ne s'empare de moi quand je pense à Noël.
Auparavant, mes parents et moi partions dans le sud de la France, ce qui arrangeait mon père pour deux raisons. L'une est qu'il pouvait enfin souffler, loin du travail, des femmes qu'il côtoyait sans que ma mère le sache, il n'avait plus de raison d'avoir peur qu'on puisse le découvrir. L'autre, c'est qu'il fait tout de même beaucoup plus chaud dans le sud qu'à Paris, il est frileux. Je crois que je tiens de lui.
Cette année, nous n'avons pas l'argent pour partir, d'autant plus que ma mère travaille la plupart du temps et que mes amis ont prévu de se voir assez souvent. Seule Gaëlle n'a pas le choix que d'aller passer les vacances chez ses grands-parents.
- Bon, les gars, moi je dois filer, j'ai des choses à faire.
- Qu'est-ce que tu dois faire ? demande Anaïs en fronçant les sourcils.
Depuis quelques jours, Maxence est ailleurs, tout le temps scotché à son portable même pendant le cours de littérature. Son préféré. Il part comme un voleur à chaque fois que nous passons la journée ensemble, parfois très tôt. Je n'ai jamais rien dis, Max a le droit d'avoir des amis, d'être occupé même s'il s'agit d'avoir rencontré une fille. Anaïs, par contre, ça ne lui plaît pas.
- Ça te regarde ?
- Tu es de moins en moins là alors, oui, ça nous regarde Max.
- Moi j'pense pas, nan, sourit le brun en lui faisant un clin d'œil. Passez un bon réveillon les amis.
Je lui offre un sourire compatissant tout en observant Anaïs serrer les poings, s'ensuit une petite tornade quand elle se lève pour rejoindre Maxence qui a déjà passé le seuil de la porte de la sandwicherie.
- Vous pensez qu'il voit quelqu'un ?
- Possible, déclaré-je.
- Impossible, me contredit Jules au même moment.
Les filles rigolent.
- Ça m'en a tout l'air, continué-je en haussant les épaules.
- Il t'a dit quelque chose ?
- Rien du tout, j'observe simplement.
- Aaaah, les secrets..., soupire Jules en déballant le sachet de son goûter. Vous connaissez ça, pas vrai ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ? s'étonne Gaëlle.
- Rien, j'ai l'impression d'en découvrir tous les jours avec vous. Pourtant, je pensais qu'on se disait tout.
Flippant.
La manière dont parle Jules m'inquiète, je ne l'avais jamais vu aussi énervé mais calme en même temps. Il dévore son Snickers en nous regardant l'un après l'autre avant de remonter la monture de ses lunettes sur son nez.
Personne ne réplique.
- Non mais c'est n'importe quoi, enrage la petite brune.
La tornade est de retour.
- Et vous, vous ne dites rien ?
- Ana, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?
- Je n'en sais rien, je... j'essaie de sauver notre amitié, simplement, marmonne la brune en serrant le haut de ses cheveux entre ses mains.
- Tu essaies plutôt de l'empêcher de rencontrer d'autres personnes. Un conseil : arrête.
Sans un mot de plus, je me lève, jette mes déchets à la poubelle et quitte l'établissement. Ma semelle craque à chaque pas que je fais, le bruit de mes bottines en daim dans la neige m'est familier, j'adorais y jouer dans le jardin quand j'étais petit. Sans que je m'en rende compte, mon écharpe s'est déroulée de mon cou, celle-ci traîne presque au sol quand je la rattrape afin de la réajuster au col de ma veste pour ne plus avoir froid.
C'est vendredi Julian, tiens bon, plus que quelques heures avant la fin des cours.
Il est rare que nous mangions en dehors du lycée, les sandwicheries ne sont pas exceptionnelles, sauf celle-ci, celle dans laquelle Camille et moi nous étions réfugié il y a de ça quelques semaines. On y mange bien et, je l'avoue, même s'il s'agissait du contraire, j'y serais retourné autant de fois qu'elle le veuille.
- Julian !
Mon amie aux cheveux noirs me court derrière, les bras en hauteur pour être sûre de garder l'équilibre et ne pas tomber. Il me semble qu'elle ait coupé ses cheveux, auparavant, ils touchaient presque le bas de son dos tandis qu'à présent ils sont frisés et les pointes touchent à peine ses épaules.
- Gaëlle, ça va ?
- Ça va, oui. J'ai décidé de te suivre, j'en ai marre de ses caprices, souffle l'étudiante, ce qui provoque une légère fumée dans l'air.
- Elle est jalouse, affirmé-je en haussant les épaules.
- Très. Surtout lorsqu'il s'agit de Camille ou Max.
- Il se passe quelque chose entre eux ?
- Je n'en sais rien, elle n'en a jamais parlé. J'ai toujours soupçonné quelque chose mais...
- Je pensais que vous étiez proches, toutes les trois.
- On l'est. Beaucoup même. Mais Ana n'aime pas parler de ses sentiments, elle déteste montrer qu'elle est faible, qu'une personne pourrait la détruire. Pourtant Max a ce pouvoir sur elle, s'il y a bien une personne qu'Anaïs écoute dans le groupe, c'est lui.
- Et Camille.
- Et Camille, affirme Gaëlle en souriant.
Nous marchons dans un silence agréable, Gaëlle a été l'une des premières du groupe à m'accueillir avec cette douceur que nous lui connaissons si bien, elle semble si fragile mais si forte, mon rapprochement avec Camille m'a rendu aveugle sur mes autres amis et je me dis que je ne prends pas assez de temps pour eux.
- Où est-ce que tu pars pendant les vacances ?
- Chez mes grands-parents, ils habitent près d'Angers.
- Ça va, ce n'est pas si loin.
- Peut-être mais... j'aimerais parfois avoir mon indépendance. J'ai bientôt dix-huit ans, j'aimerais avoir le droit de rester seule, sans mes parents derrière moi, soupire mon amie.
- Ils ne veulent pas ?
- Non. Ils prétendent que la famille est trop importante... Je suis d'accord hein, mais... mes amis le sont aussi. Je rate parfois tellement de choses que j'ai peur qu'ils me mettent à l'écart.
- Jamais ils ne feraient ça, dis-je en fronçant les sourcils.
- Je l'espère, soupire Gaëlle. Cette année, j'ai eu de la chance, nous ne sommes pas partis pendant les vacances de Toussaint, mes grands-parents faisaient des travaux, ils n'avaient pas la place pour nous accueillir mais là maintenant... rebelote. Je suis repartie pour me farcir toutes mes vacances à Angers.
Je grimace en lui offrant un sourire compatissant. Lorsqu'elle se tape le front à l'aide de sa main droite, elle soupire en secouant son visage et je me demande ce qu'elle vit au quotidien.
- Je suis désolée Julian, je... j'ai l'air de quoi ? rit-elle nerveusement. Je ne me plains pas souvent mais... désolée, je n'aurais pas dû te dire tout ça.
- Eh... non, pas du tout. Gaëlle, je pense que nous sommes amis maintenant, tu as le droit de te confier, ce n'est pas un problème pour moi. Vraiment, insisté-je en lui tenant l'épaule.
- Merci. Vraiment Julian, merci. Camille a de la chance de t'avoir.
Je pense qu'il s'agit d'un compliment, bien que je ne suis jamais certain de rien lorsqu'il s'agit de ma blonde préférée. Gaëlle s'en va après m'avoir salué, nous sommes arrivés au lycée lorsque nos chemins se séparent.
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Près de toi
Teen FictionCroyez-vous au destin ? Pensez-vous que tout est déjà écrit ? Et si nous avions agi autrement, la fin aurait-elle été la même ? Julian Mercier ne le saura jamais. Suite au divorce de ses parents, Julian, 18 ans, décide de suivre sa mère et s...