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DÉCEMBRE 2017


- Chiche !

Je saute par-dessus le banc sur lequel nous sommes appuyés depuis plus d'une heure, me dirige vers la balançoire pour bébé et installe une jambe, puis l'autre, dans les trous adéquats.

- Tu vas être coincé ! m'avertis Camille en criant au loin.

- Mais non, regarde.

Je grimace lorsque ma cuisse se bloque entre le plastique, ne sachant plus bouger mon autre jambe.

- Merde, murmuré-je en me débattant avec la balançoire. Camille, viens m'aider s'te plaît.

- Je t'avais prévenu, souffle la blonde en enfonçant les pieds dans les petits copeaux de bois sur lesquels les balançoires sont installées.

Pour m'aider à m'en séparer, mon amie tient fermement le bout de plastique d'une main et force avec moi sur mes jambes de l'autre. Quelle bête situation. Après tout, c'est la faute à Camille, elle était convaincue que je n'étais pas capable d'emboîter mes deux jambes dans cette petite balançoire. Elle avait tort. Mais maintenant, je ne sais plus les enlever.

- Tu sais ce que ça signifie ? rit la blonde.

- Quoi ? demandé-je essoufflé.

- Que tu manges un peu trop.

Bien sûr. Il n'y a pas plus fit que moi.

- Tu changerais d'avis si tu voyais mon corps de rêve. Un vrai Dieu.

J'observe sa réaction, c'est quelque chose que j'aime faire depuis quelques semaines maintenant : la rendre mal à l'aise. Et c'est réussi. Ses joues deviennent rouges, elle ne me répond plus mais fait semblant de trouver une solution à mon problème.

- Intéressée, peut-être ? je rajoute.

- Si tu continues, je te laisse te débrouiller tout seul, d'accord ?

- Oh mais ne le prends pas mal, c'est tout à fait normal d'être attirée par ce genre de chose, ris-je.

Camille se redresse en faisant balancer sa queue de cheval sur son épaule droite, croisant ses bras sur sa poitrine. Je fronce les sourcils, curieux de ce qu'elle compte faire, puis tends ma main dans sa direction pour ne pas perdre l'équilibre.

- Eh, Camille, aide-moi !

- Je t'avais prévenu, sourit-elle malicieusement.

- Ça va, je te taquine. Allez, viens m'aider, je te jure que ça commence à réellement me faire mal d'être dans cette position, soufflé-je.

- Excuse-toi.

- Tu abuses...

Elle tape du pied, me fixe de ses grands yeux bleus et je fonds complètement à ce contact. Prêt à m'excuser, son portable m'interrompt lorsqu'il se met à sonner dans sa poche. Inquiète, elle le prend entre ses mains et réponds rapidement, les sourcils froncés.

- Allô ?

Gênée, elle se retourne et joue nerveusement, à l'aide de son pied, avec les petits bouts de bois qui trainent au sol.

- Quoi ? ... Non, je me suis éclipsée. Que se passe-t-il ? ... Oh, d'accord. ... Maintenant ? ... Je préviens mon professeur, souffle la blonde. À tout de suite.

- Tout va bien ? demandé-je lorsqu'elle raccroche.

- Non, ma mère va arriver d'une minute à l'autre, s'inquiète Camille en marchant à toute allure.

- Quoi ? Où ça ? Et pourquoi ? Eh ! Attends, aide-moi ! crié-je en forçant le plus possible pour sortir de ce fichu jeu en plastique.

Elle fait demi-tour, comme si elle venait d'oublier la galère dans laquelle j'étais depuis dix minutes, me prend la main et tire de toute ses forces pour m'aider . J'y mets du mien et, avec beaucoup de douleur, j'arrive enfin à m'y échapper.

- Putain, râlé-je en frottant mes genoux.

- Dépêche-toi, si elle apprend que j'ai séché les cours, elle me tuera.

Je ris.

- Ce n'est pas du second degré Julian, je ne plaisante pas. Cours !

Bien. Je n'ai pas d'autre choix que d'obéir alors je me mets à trottiner derrière elle, fort heureusement, nous n'avons pas beaucoup de chemin à faire. Le parc dans lequel nous traînons de temps en temps se trouve à quelques pas du lycée. Ce n'est certainement pas le meilleur endroit pour sécher, me direz-vous, mais nous n'avions pas d'autres idées en tête. Alors voilà.

Seigneur, elle court vite.

Une fois devant le lycée, Camille tourne sur elle-même, à la recherche de sa mère. Je suis essoufflé, pose mes mains sur mes hanches en grimaçant. Sportif, je le suis, mais pas à l'improviste, surtout lorsque ma vie est en jeu. Imaginez que sa mère découvre que Camille sèche les cours et que, en plus de ça, elle le fait à mes côtés ; je suis un homme mort.

- Elle n'est pas encore là. File maintenant, je ne veux pas qu'elle te voit.

- C'est gentil ça, Cam'.

- Tu as tout à fait compris ce que je voulais dire, arrête.

J'attrape sa main en souriant puis la lui secoue doucement pour qu'elle cesse d'être énervée.

- Un bisou ?

Ses lèvres tremblotent, elle essaie de ne pas rire mais c'est trop tard, elle craque.

- Même pas en rêve, Julian.

Les océans dans ses yeux me scrutent un long moment, ils pétillent et sa main ne lâche pas la mienne. Dans un élan d'inquiétude, son visage observe les alentours, elle essaie de se défaire de mon emprise en se retournant mais je l'en empêche, l'amenant à nouveau jusqu'à moi. Surprise, elle pousse un hoquet de surprise tandis que sa main libre se pose sur mon torse. Le parking du lycée est calme, tous les élèves sont en cours, seul le bruit lointain d'une tondeuse se fait entendre. Sa timidité est de retour, elle baisse les yeux et je ne sais pas si elle le fait pour observer mes lèvres ou pour ne pas devoir supporter mon regard. Délicatement, je dépose mes lèvres sur sa joue et m'en vais. Lui apporter des soucis est mon dernier souhait alors je la laisse tranquille.

Près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant