Chapitre 26 : Souvenirs amers

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~ James ~

Le vent me fouettait le visage, ramenant les embruns et de l'odeur de l'océan contre mes joues. Je fis tranquillement le tour de la maison et me retrouvai sur une terrasse en bois où s'étaient déposés quelques grains de sable. Assise au bord, Giulia faisait rouler entre ses doigts la tige d'une fleur qu'elle avait cueillie. Quand le bois craqua sous mes pieds, elle tourna brusquement la tête dans ma direction. Une expression de surprise s'afficha sur son visage.

- Tu t'es vraiment embêté à fabriquer ça ? S'étonna-t-elle en désignant le drapeau blanc que j'avais confectionné en attachant des bandages à une petite branche.

Je haussai les épaules et m'assis à côté d'elle.

- Je me suis dit que si tu ne voulais pas m'écouter, tu verrais au moins ça.

- Et les bandages ne devraient pas être sur ta blessure plutôt ?

- J'en ai déjà.

Voyant qu'elle frissonnait, je lui mis mon bombers sur les épaules, de toutes façons je l'avais gardé à la main quand j'étais sorti alors autant qu'il serve à quelqu'un. Elle me fusilla du regard mais garda quand même ma veste.

- Merci, marmonna-t-elle à contrecœur.

- De rien.

- T'as vraiment jamais d'émotions toi ? Demanda la demie-déesse, dissimulant légèrement son amusement.

- C'est ce que mon père me dit souvent, répondis-je d'un ton neutre, illustrant parfaitement sa remarque.

- Ton père... répéta-t-elle comme si elle n'avait pas conçu l'idée que je puisse en avoir un aussi. Vous vous entendez bien ?

- Avant, oui. Mais on s'est disputés parce je ne suis pas d'accord avec son idéologie, on a tous les deux dit des choses qu'on ne pensait pas, et après je suis parti.

- T'as fugué ?

- On peut dire ça, oui.

Nous nous tûmes un moment, écoutant au loin le va et vient incessant des vagues.

- De ce que j'ai compris, ça ne se passe pas très bien avec ta mère non plus, repris-je.

- Ce n'est pas ma mère ! Enfin, biologiquement parlant, si, mais elle m'a abandonnée dans les bras de mon père, littéralement. Et, lui, a dû choisir qui de mon frère ou moi il allait garder, il a choisi mon frère mais a fait tout son possible pour que je sois heureuse et aimée dans l'endroit où j'ai grandi. Il prend des nouvelles de moi régulièrement et de l'autre côté, je pourrais être morte et ma mère s'en ficherait totalement.

Malgré la colère et la douleur qui vibraient dans la voix de Giulia, la fleur qu'elle tenait entre ses doigts était intacte, comme si elle s'accrochait à cette plante, un phare dans l'obscurité de ses pensées, une éclaircie dans l'orage de ses paroles, un dernier espoir dans la rudesse de sa vie.

Je passais un bras hésitant autour de ses épaules. Ma maladresse la fit sourire. Puis elle se blottit contre mon torse, comme un enfant dans les bras de ses parents.

Nous restâmes là, pressés l'un contre l'autre, dans un sentiment de sécurité. Le soleil disparut peu à peu derrière l'horizon et quand il fut presque entièrement caché, des rires se firent entendre, Emy s'approcha de nous, suivie d'Enzo et Ellie. Quand elle arriva à notre niveau, elle grimpa sur les genoux de Giulia et celle-ci glissa la fleur blanche dans les cheveux de la petite fille. Nous finîmes par nous installer dans la tente que la fille d'Athéna avait dépliée. L'intérieur était tapissé de couvertures et d'oreillers, et à cause du feu de camp qui avait été allumé au dehors, une lueur étrange l'éclairait. Nous discutâmes un moment, de la quête, de nos vies, de tout et de rien. La radio qu'Enzo avait apportée diffusait des chansons calmes qui créaient une atmosphère apaisante. Emy s'endormit dans les bras de Giulia, qui sombra quelques minutes après. Le fils d'Apollon tomba sur le côté quand le sommeil le rattrapa et Ellie eut heureusement le réflexe de tendre les jambes pour amortir sa chute et elle fut donc contrainte à supporter le poids de son apprenti, ne voulant pas bouger pour ne pas le réveiller. La nuit était déjà bien avancée quand nous finîmes tous deux par suivre nos compagnons au pays des rêves, i go solo de Tom Rosenthal résonnant comme une berceuse dans le silence nocturne.

L'internat du feu sacré : Le labyrinthe des disparusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant