L'internat du feu sacré : Le labyrinthe des disparus

Chapitre 51 : Une cérémonie plus que méritée

~ Enzo ~

Je me regardai une dernière fois dans le miroir, observant le contraste de mes boucles blondes avec le noir de l'himaton, un vêtement antique. J'avais l'impression que la couleur de mes cheveux n'était pas de circonstances, ne coïncidait pas avec mes émotions, qu'elle était trop joyeuse. Mais c'était une des seules choses que je ne pouvais pas changer, alors je pris une grande inspiration, regardai une dernière fois le tissu qui s'enroulait autour de mon épaule gauche et descendait jusqu'à mes chevilles, enveloppant ma peau d'un voile sombre, puis je sortis de la chambre des enfants d'Apollon.

Le silence m'entourait, la plupart des autres demi-dieux étaient déjà dehors, prêts pour la cérémonie. Je marchai jusqu'à l'aile centrale où je fus rejoint par Ellie, elle aussi vêtue de noir, d'un peplos : la tunique féminine antique. Ses cheveux flottaient dans son dos, sans rien pour les retenir, et ses yeux étaient rouges, comme les miens, d'avoir pleuré. Je lui tendis la main et elle la prit sans rien dire, la pression de ses doigts sur les miens suffisant. Nous descendîmes les escaliers jusqu'au jardin sans un mot.

Tout l'internat était rassemblé autour d'un linceul blanc en-dessous duquel reposait Emy. La famille Walker se tenait à côté. Nous rejoignîmes la foule et je la parcourus rapidement du regard repérant James un peu plus loin à l'écart des autres. Presque tout l'internat était présent. Je penchai la tête vers Ellie et lui murmurai dans l'oreille.

- Tu as vu Giulia ?

Mon mentor secoua la tête puis ferma les yeux quelques secondes.

- Elle me répond pas...

Je percevais l'angoisse dans sa voix et la tristesse dans son regard. J'accentuai la pression de mes doigts sur sa main.

- Je suis sûr qu'elle va bientôt arriver, affirmai-je d'un ton qui se voulait rassurant.

Et je ne me trompais pas, la demie-déesse sortit de l'internat et se faufila entre les pensionnaires pour arriver au plus près du linceul. Alors qu'un silence complet était respecté depuis que nous étions arrivés, des murmures s'élevèrent à son passage. Tous étaient au courant de ce qui s'était passé, de qui était Emy, une mortelle à qui on rendait les honneurs dû à un demi-dieu, une petite fille, la sœur de Giulia.
Mais ce qui alimentait les chuchotements, c'était la tradition antique que Giulia avait respectée : se couper les cheveux pour marquer le deuil. Les siens flottaient maintenant au-dessus de ses épaules au lieu de descendre jusqu'au bas de son dos.

Hestia adressa un hochement de tête à Giulia qui le lui rendit, puis notre directrice commença son discours. Elle rappela le jeune âge d'Emy qui aurait dû vivre encore longtemps, son courage pour nous avoir suivi dans le labyrinthe, puis son entêtement car elle l'avait fait contre notre volonté bien-sûr. Elle fit apparaître des images de la petite fille, comme des photos prises par une personne invisible, capturant des moments aussi anodins que magiques. On pouvait voir Emy riant sur la plage, jouant avec ses frère et sœur, ou bien encore dormant contre Giulia dans notre tente, une fleur blanche glissée dans ses cheveux.

Hestia laissa enfin sa place à quelqu'un d'autre, invitant un membre de la famille d'Emy à parler, d'un geste de la main. Ce fut Céline, la mère de Giulia, qui s'avança.

- Ma fille... sa voix s'étrangla dans un sanglot. Ma petite fille n'a pas mérité tout ça... Céline se tourna vers Giulia, ne regardant qu'elle. C'est toi ! C'est toi qui l'as emmenée là-bas ! Tout est à cause de toi ! Je l'ai su dès que tu es née ! Je savais que tu ne m'apporterais que du malheur !

Giulia baissait un peu plus la tête à chaque phrase, laissant sa mère déchaîner sa colère sur elle. Subissant, sans rien répliquer ni démentir.

Je fis mine d'avancer pour la défendre. Car non, ce n'était pas Giulia qui l'avait emmenée. Ce n'était pas elle. Ce n'était pas tout de sa faute. Non. Nous étions tous coupables. Tous. Mais la main d'Ellie resserra son emprise sur la mienne alors je me tournai vers elle avec incompréhension.

- Elle sait se défendre, si elle ne le fait pas c'est pour une bonne raison.

Je repoussai mon envie d'aller aider Giulia, simplement parce que je voyais qu'Ellie en avait autant envie que moi. Mais contrairement à nous, personne n'était là pour retenir James et celui-ci traversa la foule pour rejoindre la demie-déesse. Il n'était pas encore à côté d'elle que le frère d'Emy s'avança à son tour, posant une main apaisante sur le bras de sa mère.

- Maman, s'il te plaît... Giulia aussi a perdu Emy. On l'a tous perdue.

Il ramena sa mère à côté de son père et de sa sœur sans rien ajouter d'autre. Céline se laissa faire, épuisée.

James s'avança vers le linceul, une pièce de monnaie antique à la main et la déposa au niveau des lèvres de la petite fille en récitant :

- Que les dieux l'accompagnent.

Tous les autres demi-dieux suivirent, une rose à la main, la posant délicatement sur le linceul tout en murmurant une prière. Quand le drap blanc fut recouvert de fleurs, Giulia s'avança jusqu'au feu qui brûlait devant le linceul et fit glisser sa rose au cœur des flammes.

- Seigneur des ténèbres, roi des ombres, dieu des Enfers, dit-elle d'une voix forte, quoi que tremblante. Accepte cette offrande et accompagne cette enfant comme la plus brave des guerrières, car c'en est une. Donne-lui ce que les plus grands héros méritent, car elle en fait partie. Accorde-lui tout ce que tu possèdes, car elle en est digne.