Marie-Louise ne se tourna pas à l'entente de cette voix qu'elle avait finit par connaître. Toujours accoudé au bastingage, elle regardait plus encore cet océan calme, essayant d'éviter de croiser les yeux de son interlocuteur.
- Vous non plus, visiblement, répondît-elle tout de même avec un air déçue qui ne s'entendait que trop bien dans sa voix, ce qu'elle n'avait pas essayé de cacher.
- Je crois comprendre, joli coeur, que vous n'arrivez pas à dormir. Est-ce à cause de mon équipage ? Ou des branles qui sont peut-être moins agréables que ce à quoi vous avez l'habitude ? continua l'homme en s'appuyant à son tour sur la rambarde de bois.
- Capitaine Black, sachez que je ne me nomme pas "joli cœur" mais Marie-Louise. Tachez de vous en souvenir, s'énerva-t-elle doucement sans pour autant hausser la voix.
- Je trouve tout de même que "joli cœur" vous va le mieux.
- Je suppose que Black le Sanguinaire est un nom qui vous a été donné. Comment vous appelez-vous ? demanda-t-elle sans lui jeter un seul regard.
L'homme, en revanche, s'était tourné vers elle, surpris de cette étrange question. Il pensait qu'elle allait encore une fois le critiquer sur le "forban sans cœur" qu'il était. Pourtant elle avait eu la gentillesse, si il pouvait vraiment appeler ça comme celà, de lui demander son prénom. Il arrêta de la regarder après quelques secondes replongeant son regard vers l'horizon bleu noir.
- Alexandre Henderson, répondît-il.
- Alexandre Henderson... murmura-t-elle en se redressant légèrement. Vous étiez un noble ?
Effectivement elle avait vite fait de faire le lien. Comparé aux pirates qu'elle avait eu le malheur de croiser, le capitaine du Red Edan la vouvoyait, alors que les autres n'en prenaient pas la peine. Et puis, ce nom de famille... elle avait eu la sensation qu'il n'était pas de bas rang.
- En quoi cela vous concerne-t-il ?
- Vous avez raison, cela ne me concerne en rien. Mais je remarque que vous détruisez vos semblables, cracha-t-elle.
- Ah ! la coupa-t-il en se tournant vers elle, croisant le regard bleu océan de la jeune. Je ne les détruit pas, je les pille. Nuance.
- Évidemment, suis-je bête... ironisa Marie en guise de réponse. Vous pillez celui-ci, détruisez celui-là... et à la fin des familles finissent par mourir de blessure ou de faim.
- Et que croyez-vous que nous vivons nous, hein ? Nous sommes pauvres. Nous devons nous battre pour gagner ne serait-ce qu'un demi pain tandis que vous, nobles, vous avez déjà tout. La vie n'est facile pour personne demoiselle, comprenez-le, nous cherchons tous à vivre... à survivre.
- Sauf que vous volez des personnes qui n'ont rien demandé !
- Et vous vous volez ceux qui n'ont rien ! cria-t-il pour se défendre.
L'homme reprit sa respiration, légèrement saccadée par son cri. Il observa la jeune. Elle avait un étrange regard qu'il n'arrivait pas à traduire. Alexandre ne comprenait pas ce qu'elle avait en tête. Ce qui, bizarrement, l'agaçait. Il se baissa légèrement sur le bastingage. Une main sur ses yeux comme pour effacer ce regard qu'elle avait de sa mémoire. Il prit une profonde inspiration avant de retourner son visage, enfin calme, vers joli cœur. Le pirate arrivait à distinguer quelque chose en elle : elle se questionnait. Mais surtout, elle le regardait sans jamais lâcher ses yeux du visage de l'homme.
- Joli cœur, commença-t-il enfin d'une douce voix. Un exemple : vos impôts sont trop élevés. Vous prenez l'argent des personnes dans le besoin, vous demandez plus que ce qu'ils ont. Vous gagnez de l'argent sur le dos de ceux qui n'ont rien.
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Abyss, Partie 1 : Le Red Edan
RomanceDans les années mille-sept-cents, les mariages arrangés étaient plus que courants. C'était le cas de Marie-Louise, qui, lorsqu'elle descendit vivre près du port - où demeurait son fiancé - se retrouva confrontée aux forbans sans cœurs ; des pirates...