Il nous fallut une semaine pour rejoindre Bree, village d'Hommes où je cachais mes oreilles pointues sous ma capuche. Je préférais ne pas attirer l'attention sur moi, aussi pris-je soin de suivre Aragorn, sans lever les yeux, et d'ajuster ma cape sur mon corps, afin que personne ne remarque mes courbes dans mes vêtements masculins. Mes pensées dérivèrent un instant vers les jumeaux qui devaient être arrivés également à Imladris, demeure de leur famille, nos chemins s'étant séparés à l'ombre des Monts Brumeux.
- Nous y sommes, voilà le lieu du rendez-vous, me glissa Aragorn à l'oreille, pense à un bon repas chaud et un lit douillet et souris un peu, par les Valars !
Je grommelais sous ma capuche : il pleuvait à verse depuis des heures, je n'étais pas mécontente de m'abriter un peu. Levant les yeux vers l'enseigne, je déchiffrais le nom tant bien que mal car la soirée était déjà bien présente et la nuit régnait.
- « Auberge du Poney Fringant », voilà qui me semble prometteur pour le repas chaud, mais pour ce qui est du lit, je doute qu'il soit sans puces et autres bestioles amatrices de sang.
- Sans doute les puces te trouveront-elle à leur goût ! Dit-il avec le sourire et en me tapotant l'épaule, avant d'entrer dans l'auberge où je m'empressais de le suivre.
Une fois confortablement installés à une table, dos au mur, et ledit repas chaud dans nos ventres, je me laissais aller à siroter une bière pendant que le rôdeur s'entraînait à réaliser les mêmes ronds de fumée que Gandalf avec sa pipe. Je ne savais pas quand ce dernier allait arriver, mais j'étais heureuse de pouvoir me reposer quelques jours avant de repartir par monts et par vaux, même si cela voulait dire rester cachée afin de ne pas attirer l'attention.
J'observais quatre Hobbits arrivés depuis peu et le sommeil commençait à se faire sentir quand je vis Aragorn se raidir sur le banc. Je vis un des semi-hommes tomber les quatre fers en l'air et disparaître sous mes yeux écarquillés et ceux de la clientèle. Un coup d'oeil échangé et nous nous levâmes de concert. Il délogea le Hobbit de sous la table où il avait trouvé refuge et le mena à l'étage dans ma chambre. Je fermais la porte derrière moi, tous les sens aux aguets, pendant que le Hobbit me faisait face et qu'Aragorn prenait le temps d'éteindre les bougies.
- Que voulez-vous ? demanda notre otage.
- un peu plus de prudence de votre part, car vous ne transportez pas une babiole, répondit mon ami.
- Je ne transporte rien, assura le jeune Hobbit.
Il fallait avouer qu'il ne manquait pas d'aplomb pour une personne de sa taille. Il m'arrivait à la poitrine seulement, et pourtant je n'étais pas aussi grande que bien des elfes. J'ôtais ma capuche et tendis l'oreille vers le couloir.
- C'est cela Je peux éviter d'être vu, si je puis dire, mais disparaître totalement, c'est un don rare, fit remarquer le rôdeur en ôtant sa capuche à son tour.
Les yeux du Hobbit allaient de mes oreilles d'elfe à Aragorn avant de revenir à moi.
- Qui êtes-vous
- Êtes-vous effrayé ?
- Oui !
- Pas assez apparemment. Je sais ce qui vous poursuit, conclut Grand-Pas en jetant un oeil vers moi, et je fus saisie d'un frisson.
J'avais compris ce qu'il voulait dire par là. Je le regardais s'avancer vers le Hobbit quand un bruit dans le couloir me fit me retourner en dégainant une dague. La porte s'ouvrit et Aragorn saisit son épée pendant que trois Hobbits furieux déboulaient dans ma chambre et que je refermais sans douceur derrière eux. Je saisis discrètement l'un d'entre eux par le cou et appliquait ma lame sur sa gorge.
- Laissez-le ! Ou je vous rosse Longues-Jambes ! Cria un semi-homme joufflu.
- Vous êtes un vaillant coeur, jeune Hobbit, dit calmement Aragorn en rangeant son épée, mais cela ne vous sauvera pas. Relâche-le, mon amie.
Ma dague réintégra son fourreau tandis que le Hobbit me lança un regard furieux auquel je répondis seulement d'un haussement de sourcils moqueur.
- Vous ne pouvez attendre le magicien gris plus longtemps, Frodon, ils arrivent.
Mon soupir s'entendit distinctement dans le silence de la pièce, ce qui me valut une moue désolée du rôdeur. Et voilà Adieu le repos tant espéré après une semaine de chevauchée
Pendant qu'Aragorn s'occupait de prendre une chambre dans l'auberge en face et de prévenir Prosper Poiredebeurré, propriétaire du Poney Fringant et ami de longue date de Gandalf et de lui-même, j'aidais les Hobbits à rassembler leurs affaires et à préparer un leurre pour les cavaliers noirs.
- Excusez-moi mais Vous êtes une elfe ? Me demanda le plus jeune des semi-hommes.
- En effet, mon nom est Litya, je fais partie des rôdeurs du Nord.
- Moi c'est Pérégrin Touque, mais vous pouvez m'appeler Pippin ! Et ça c'est mon cousin Mériadoc Brandebouc ou Merry, et voilà Sam Sagace Gamegie et Frodon Sacquet ! M'expliqua-t-il avec un grand sourire en désignant chacune des personnes nommées.
Nous installâmes les Hobbits dans le seul lit de la chambre, heureusement suffisamment grand pour tous les quatre. Je m'installais près de la fenêtre et Aragorn fit de même en face de moi. Ainsi nous couvrions toute la rue et l'entrée de l'auberge du Poney Fringant, ainsi que mon ancienne chambre. Les petits s'endormirent rapidement et je demandais des détails à mon ami. En murmurant, il m'expliqua que l'Anneau Unique avait été retrouvé et que les Nazgûls étaient à sa recherche. Gandalf l'avait informé lors de son dernier passage parmi nous, peu de temps avant que son chemin ne recroise le mien.
En silence, nous attendîmes qu'ils arrivent, ce qui ne tarda pas. J'avais déjà croisé les spectres auparavant. Les cris de leurs chevaux étaient glaçants. Je frissonnais dans le noir et la main du rôdeur se posa sur mon bras. Des hurlements s'élevèrent du bâtiment en face à cet instant et nos regards se tournèrent vers la fenêtre tandis que les Hobbits se réveillèrent en sursaut. Le subterfuge avait fonctionné ! Les Nazgûls remontèrent sur leurs montures maudites et partirent au galop dans les rues de Bree.
- Que sont-ils ? Demande Frodon dans un murmure.
- Autrefois des hommes, de grands rois. Puis Sauron l'imposteur leur a offert neufs anneaux de pouvoir. Aveuglés par leur avidité, ils acceptèrent sans poser de questions, et tombèrent l'un après l'autre dans les ténèbres. Désormais ce sont les esclaves de Sauron, lui répondis-je sur un ton platonique, comme si je racontais une histoire banale.
- Ce sont les Nazgûls, les spectres de l'Anneau, ni vivants, ni morts. A chaque instant, ils sentent la présence de l'Anneau, ils sont attirés par le pouvoir de l'Unique. Ils ne cesseront jamais de le pourchasser, acheva Aragorn en fixant Frodon qui soutint son regard.
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Les rôdeurs (TERMINÉE)
FantasyLitya est une elfe, élevée par les rôdeurs au décès de sa mère, peu après sa naissance. Peu curieuse de son passé, elle a vécu au gré des changements de la Terre du Milieu. Lorsque le Mordor se réveille, elle accompagne Aragorn à Bree et son destin...