Chapitre 5 : Play Dirty

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Evie

Je détestais vivre avec la peur des hommes. Je détestais me raidir à chaque fois que j'en croisais un dans les rayons du supermarché. Je détestais ce besoin incessant de changer de trottoir et de poser mes doigts sur ma bombe au poivre dans mon sac lorsque j'en voyais un dans la rue.

Nous étions vendredi soir et au lieu de me rendre au restaurant avec des amies, j'étais vêtue d'un jogging et j'avais ramené mes cheveux en un chignon sur ma tête. Je portais mes lunettes et j'étais bien au chaud sous une couverture. Il était aux alentours de vingt et une heures et j'étais déjà en train de boire une infusion avec un livre.

Peut-être que j'étais trop dure avec moi-même mais je me haïssais. Je détestais ne pas être capable de reprendre une vie normale. Je ne supportais pas de le laisser me ruiner. J'aurais aimé parvenir à faire taire cette brulure au plus profond de mon ventre qui me rappelait sans cesse ce qui m'était arrivé. J'aurais aimé oublier, j'aurais préféré avoir une amnésie traumatique et ne jamais me souvenir de ce qu'il s'était passé.

Mais la vérité était que je me souvenais de chaque seconde, de chaque doigt qu'il avait posé sur moi, de chaque mot qu'il avait prononcé dans mon oreille. La douleur ne disparaissait pas. La haine ne disparaissait pas et j'arrivais à un point où je réalisai que rien de tout ça n'allait disparaitre. Je n'oublierai jamais. Je ne remonterai jamais la pente. Je devrais vivre ainsi pour toujours.

Je m'apprêtai à commencer la lecture d'un nouveau chapitre quand j'entendis du bruit sur le palier. Des pas raisonnèrent dans le couloir. Depuis cette fameuse nuit, je sursautais au moindre bruit. Ce n'était donc pas une nouveauté pour moi. Je serrai mes bras autour de mon corps pour me protéger. Je pensais d'abord que mes voisins rentraient chez eux mais lorsque le bruit s'arrêta juste devant ma porte sans que je n'entende aucune serrure se déverrouiller, je commençai à paniquer.

Tous les volets de mon appartement étaient fermés et seule une petite lampe éclairait mon salon. Je me répétais qu'il n'y avait aucune raison d'avoir peur, que ma porte d'entrée était fermée à double tour et que personne d'autre que moi n'avait les clés. Un autre habitant de l'immeuble devait être en train de fouiller dans son sac ou bien ces bruits étaient sortis tout droit de mon imagination.

Mais j'entendis quelqu'un tenter de crocheter ma serrure. Ce n'était pas une hallucination.

Je fus prise de tremblements. Je me levai rapidement et courrai m'enfermer dans ma chambre. J'attrapai mon sac pour pouvoir prendre ma bombe au poivre au cas où j'aurais besoin de me défendre. J'étais sûrement victime d'un cambriolage. Peut-être que si je les laissais faire ils m'épargneraient. Je déverrouillais mon téléphone pour appeler la gendarmerie quand j'entendis ma porte d'entrée s'ouvrir. Je tentai d'être attentive aux bruits et il me semblait qu'une seule personne était présente. J'avais plus de chance de m'en sortir que s'ils étaient plusieurs. Une femme décrocha enfin.

Bonsoir, je suis victime d'un cambriolage, quelqu'un vient de forcer ma serrure, je vis au 12 boulevard..., commençai-je d'une voix tremblante.

Je n'eus pas le temps de terminer ma phrase que la porte de ma chambre s'ouvrit brutalement. La poignée vint frapper contre le mur dans un bruit sourd. Tout mon corps se figea. Mes doigts se refermèrent encore plus solidement autour de la bombe.

L'homme qui s'était infiltré chez moi était très grand. Il devait avoir une quarantaine d'année. Quelques cheveux blancs venaient ternir la noirceur de sa chevelure. Il entra dans ma chambre et me regarda de la tête au pied avec un sourire pervers sur le visage. Sa tête n'était pas couverte et je pouvais voir très distinctement son visage. Il n'avait absolument rien d'un cambrioleur. D'ailleurs il ne s'était absolument pas intéressé à ma télévision ou à mon ordinateur. Il était directement venu me trouver.

Le Protecteur (T1 à 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant