Le Protecteur (T1 à 3)

Chapitre 10 : Wildfire

Evie

Le liquide ambré s'écoula dans ma gorge en laissant une brulure amère sur son passage. Je sentis son poids prendre place au creux de mon ventre et la chaleur monta doucement jusqu'à mes joues.

Je reposai son verre lourdement sur la table avant de le repousser devant lui d'un geste de la main.

J'aurais voulu lui dire de m'en commander un autre car je savais pertinemment que cela ne me suffirait pas pour encaisser les mots qui venaient de sortir de sa bouche.

Je sentais ses iris bleus sur moi. Son visage était incliné pour tenter de déceler le moindre indice qui aurait pu lui permettre de savoir ce qu'il se passait dans ma tête.

Son regard était si lourd que je devais lutter pour ne pas m'affaisser sous lui afin de garder les épaules droites.

Mais je n'avais qu'une envie : partir.

Je voulais lui échapper. Échapper à ses mots. Échapper à son corps. Échapper à cette réalité.

Je pris une grande inspiration avant de tourner la tête pour que mon regard plonge dans le sien. Cela me demanda tant d'énergie que ma respiration s'intensifia.

- C'est une preuve de plus que nous n'avons aucun avenir ensemble, murmurai-je.

Ma voix n'avait été qu'un souffle. Je n'étais même pas sûre qu'il m'ait entendue tant j'avais parlé doucement.

C'était comme si les mots eux-mêmes refusaient de faire le moindre bruit sur leur passage. Comme s'ils savaient qu'ils allaient faire mal et qu'ils tentaient de lutter contre moi.

Ses yeux s'assombrirent. Son bras se posa sur le dossier de ma chaise. Ses muscles étaient contractés et la tension avait regagné ses épaules.

Je savais ce qu'il faisait. Il sentait que j'étais sur le point de fuir et il tentait de m'en empêcher.

- Qu'est-ce que tu racontes ? demanda-t-il en s'approchant encore plus de moi.

Sa voix grave avait prononcé ces mots à voix basse mais son intonation n'avait eu rien de doux.

Il n'aimait pas la tournure que prenait notre conversation. Tout comme je n'aimais pas la manière donc son corps m'emprisonnait.

- Comment veux-tu qu'on construise la moindre relation alors que tu prends seul des décisions qui nous concernent tous les deux ? Penses-tu vraiment qu'on aurait la moindre chance d'être heureux si tu me repousses pour régler tes problèmes alors que tu devrais compter sur moi pour t'aider et te soutenir ? demandai-je.

L'alcool me donnait la force suffisante pour parler à voix haute. Je ne voulais pas seulement qu'il entende les mots qui sortaient de mes lèvres, je voulais aussi qu'il les écoute.

J'avais besoin qu'il ouvre les yeux. Je ne voulais pas seulement qu'il regarde la situation telle qu'elle était vraiment, je souhaitais surtout qu'il la voie.

S'il refusait que je fuie, alors il ne m'échapperait pas lui non plus.

J'avançai mon visage vers le sien et un élan de confiance prit possession de mon corps quand je le vis reculer contre le dossier de sa chaise.

- Tout ce que j'ai toujours voulu, c'était t'aider. Je ne demandais qu'à t'apporter mon soutien mais tu as toujours refusé la moindre chose venant de moi, repris-je.

Il avait refusé mon argent, mes conseils, mon soutien, mon opinion et même mon amour.

Il m'avait toujours tout donné sans jamais accepter la moindre chose en retour. Ce manque de réciprocité avait créé une relation déséquilibrée où aucune des deux parties ne pouvait s'épanouir.