Le Protecteur (T1 à 3)

Chapitre 10 : Man or a Monster

Evie

La peau bronzée de ses mains était recouverte de sang. Le fluide rouge maculait ses phalanges et il semblait avoir été étalé. La couleur contrastait avec la blancheur de sa chemise. Des traces au niveau de son abdomen ruinaient la propreté du tissu.

Il marchait dans ma direction à la lueur des lampadaires. L'air commençait à se rafraichir maintenant que le soleil était couché. Les hommes qui me surveillaient s'écartèrent en le voyant approcher. Il se déplaçait comme si tout était parfaitement normal, comme s'il n'avait pas du sang sur lui en pleine rue.

Les quelques passants qui se trouvaient autour de nous lui jetèrent de petits coups d'œil en coin mais aucun d'entre eux ne se risqua à le fixer trop longtemps. On voyait bien qu'il n'était pas la victime de l'histoire et tous les gardes qui m'entouraient leur faisaient comprendre qu'il n'était pas le genre d'homme avec qui on veut avoir des problèmes.

Il s'avança jusqu'à moi et planta ses yeux dans les miens. La flamme du danger dansait dans ses prunelles. Il fit encore quelques pas et je levai mes mains devant moi pour l'empêcher d'approcher plus.

- Mais qu'est-ce que tu as fait ? demandai-je brutalement.

J'espérais qu'il me donnerait une explication. Nous avions passé un bon moment mais il était parti sans que je ne comprenne pourquoi et il revenait comme si de rien n'était. Ça n'allait pas se passer comme ça. Je lui laissais une chance de s'expliquer et s'il ne la saisissait pas, il n'en aurait pas d'autre. J'en avais plus qu'assez de lui laisser des chances.

- Déjà, tu baisses d'un ton quand tu me parles. En plus, je n'ai rien fait, rétorqua-t-il.

Il avait pris son air supérieur, celui qui le faisait passer pour le roi du monde et nous pour ses sujets. Ma question était légitime, j'avais le droit de lui demander pourquoi il était couvert de sang en plein milieu d'un rendez-vous avec moi.

L'entendre me parler de la sorte me révulsa. 

Ses épaules étaient tendues mais il n'allait pas jouer aux énervés avec moi. S'il s'imaginait qu'il pouvait se comporter comme ça avec moi, alors je n'avais rien à faire ici.

Je lui tournai le dos et me dirigeai vers la voiture avec laquelle ses hommes n'avaient pas cessé de nous suivre. Comme si les gardes qui marchaient derrière nous ne suffisaient pas, certains se déplaçaient en voiture.

J'allais leur demander de me ramener, j'espérai qu'il comprendrait qu'il n'allait pas s'en tirer comme ça. Je voulais qu'il me parle. Je savais qu'Alessandro avait du mal à communiquer et si je laissais passer cet incident sans rien dire, il y en aurait toujours d'autres. Je voulais savoir ce qu'il s'était passé.

Il m'attrapa brusquement par le poignet pour m'empêcher de le fuir. Je me débattais pour qu'il me laisse mais il ne relâcha pas sa poigne. Je jetai un coup d'œil à ses hommes qui nous entouraient. Jusqu'où allait la loyauté qu'ils vouaient à leur patron ? Est-ce qu'ils allaient le laisser me forcer à rester avec lui ou est-ce qu'ils avaient encore quelques valeurs ?

Alessandro perçut mon regard.

- Ils ne vont pas t'aider, annonça-t-il simplement.

Je détestais qu'il ait les pleins pouvoirs. Je détestais qu'il ne se donne pas la peine de communiquer avec moi. Il venait peut-être de commettre un crime et il allait s'en sortir impunément. Je ne voulais pas qu'il me touche.

- Putain, lâche-moi ! T'as les mains couvertes de sang ! m'écriai-je.

Des touristes tournèrent la tête dans notre direction mais aucun ne me vint en aide. Je ne pouvais pas leur en vouloir, Alessandro était effrayant.