Le Protecteur (T1 à 3)

Chapitre 6 : One Way Or Another

Evie

De l'amour, de la haine, de la reconnaissance, des regrets. Du soulagement, une envie de vengeance, de l'incompréhension, des certitudes. J'étais comme plongée dans une vaste étendue d'eau composée de ces sensations. C'était comme si on avait rempli un lac avec des proportions inconnues de ces mots. J'étais baignée à l'intérieur mais je ne savais pas lesquelles d'entre elles dominaient.

Je ressentais chacune de ces choses mais je ne parvenais pas à savoir lesquelles je ressentais avec le plus de force. S'agissait-il de l'amour que je portais à Carter ? S'agissait-il de la haine que je ressentais en repensant à ce qu'il avait osé faire dans mon dos ? S'agissait-il de la reconnaissance qui m'avait comblée en découvrant qu'il ne m'avait pas abandonnée ? S'agissait-il des regrets que j'éprouvais en pensant à comment je m'étais laissée berner ?

S'agissait-il du soulagement qui m'avait emplie en voyant l'affection qu'il ressentait pour moi dans ses yeux bleus ? S'agissait-il de mon désir de vengeance contre lui ? S'agissait-il du brouillard d'incompréhension qu'avait soulevé les révélations de Felipe ? Ou bien s'agissait-il de la certitude qui me collait à la peau concernant la réalité des émotions que nous ressentions l'un pour l'autre ?

Je n'en avais pas la moindre idée. La seule chose que je savais était que je me battais pour ne pas laisser ce lac me noyer.

Le soleil perdait peu à peu sa chaleur et sa lumière. Il n'allait pas tarder à être remplacé par la faible lueur de la lune.

Mes parents étaient toujours avec moi dans cette chambre d'hôpital. Je n'avais rien dit depuis que j'avais appris que mon père avait demandé à Carter de partir. Je ne savais pas quoi penser des explications qu'il m'avait fournies.

Mon père avait toujours été très protecteur envers nous. Il prenait son rôle de chef de famille très au sérieux mais la vérité était que ma mère endossait cette responsabilité avec beaucoup plus de véhémence.

Elle se laissait moins porter par ses émotions que mon père, qui lui, réagissait sans cesse sous le coup de l'impulsivité. Elle était une héroïne de l'ombre. Elle le soutenait sans jamais en récolter la lumière.

On disait bien que derrière chaque grand homme se cache une femme. Je n'étais pas forcément d'accord avec le verbe cacher, je dirais plutôt que les femmes n'avaient pas le besoin d'être sous la lumière des projecteurs et que les hommes se mettaient devant elles pour protéger ce qu'ils avaient de plus précieux.

Ma mère était l'une de ces reines de l'ombre. Elle soutenait toujours son époux en public mais n'hésitait pas à lui faire part de ces opinions en privé. Elle le raisonnait quand il s'apprêtait à faire les mauvais choix. Elle le relevait quand il tombait et mon frère et moi savions très bien que c'était elle qui avait le dernier mot.

Lorsque nous étions plus petits et que nous voulions quelque chose, nous nous tournions immédiatement vers elle car nous savions que si l'on avait son approbation, celle de notre père suivrait.

C'était donc à elle qu'il fallait que je m'adresse.

Mais que pouvais-je lui dire ?

Maman, il m'a aperçue en pleine nuit, en train de me faire agresser et il a tourné les talons. Oh non mais ensuite il a changé d'avis et il a tranché la gorge de mon violeur ! Et puis, il m'a sauvé la vie une seconde fois, bon, c'était lui qui avait contacté mon agresseur mais ce n'est qu'un détail. Il a seulement fait ça pour avoir un moyen de me forcer à aller en Italie avec lui. Oui, parce qu'en plus de t'avoir caché que je m'étais faite violée, quand je t'ai fait croire que je partais en vacances en Italie, j'allais chez lui. Il est toujours gentil avec moi, il me traite bien. Sauf quand je le contrarie. Dans ce cas, il peut m'enfermer dans l'entrepôt au fond de sa propriété, c'est là qu'il torture ses ennemis, ou bien il lève la main pour me gifler. Oh, et puis je suis aussi une meurtrière. Mais rien de tout cela n'est sa faute. Il a un trouble mental.