Le Protecteur (T1 à 3)

Chapitre 6 : Artemis

Alessandro

Nous entendîmes tous les deux son corps s'écraser sur le sol. Son crâne heurta violemment la terre ferme et une flaque de sang se forma devant nous.

L'épais liquide encore chaud se rependit à nos pieds. Il se mélangea aux cailloux et les rendit plus vivants qu'ils ne l'avaient jamais été.

Plusieurs gouttes vinrent s'abattre sur la peau de nos visages et créèrent une connexion nouvelle entre elle et moi. Beaucoup plus macabre, beaucoup plus sombre, beaucoup plus définitive.

Nous venions d'être reliés par le sang, par la mort, par le péché.

Comme un baptême qui nous faisait rejoindre directement les ténèbres.

Evie le ressentait, elle aussi. Je pouvais percevoir la manière dont son corps frémissait contre le mien.

Elle ne bougeait pas, gardant ses mains posées autour des miennes. Son doigt n'avait toujours pas été retiré de la détente que nous venions de presser ensemble.

Son dos reposait encore contre mon torse. Nous étions collés l'un à l'autre et je pouvais même affirmer que je me reposais complètement sur elle.

Elle n'était plus la femme fragile que j'avais rencontrée. Elle n'était plus la femme qui m'avait appartenue. Elle n'était plus la femme qui avait besoin de moi.

Elle était la femme qui me maintenait debout. Elle était la femme dont, moi, j'avais besoin.

Elle était celle pour qui j'avais été créé. Elle était celle pour qui mon cœur battait dans ma poitrine. Elle était celle pour qui je respirais.

C'était une évidence. Il ne pouvait pas en être autrement.

J'avais été créé pour lui appartenir. Pour qu'elle puisse disposer de moi à sa guise. Pour que je puisse la servir à chaque instant.

Je n'avais aucun autre objectif que celui de la protéger, de tout faire pour lui permettre de s'épanouir et de l'aimer.

Elle ne tremblait pas mais sa respiration était différente. Je savais ce qu'elle ressentait. Elle était en train de se laisser entrainer par la chute d'adrénaline qui se produisait dans son corps et qui la faisait sombrer dans la noirceur.

Prendre des vies était loin d'être un geste sans conséquence. Voler des âmes impliquait de devoir vivre avec elles pour toujours. Une fois que vous les aviez dérobées, vous ne pouviez plus les rendre. Vous deviez les garder et elles vous hantaient pour l'éternité. Elles ne vous laissaient jamais seul.

Evie avait déjà tué donc elle avait parfaitement conscience de cette réalité. Pourtant, elle avait choisi de m'aider à m'emparer de l'âme de Federico en dépit des conséquences que cela aurait. Elle avait su que je n'avais pas les épaules assez solides pour vivre avec le poids de l'âme de mon oncle, alors elle avait choisi de le partager avec moi.

Elle avait choisi de presser la détente et maintenant, il allait nous hanter tous les deux. Elle m'avait offert une porte de sortie. Elle m'avait offert des moments de répit en se sacrifiant pour moi.

Federico ne me hanterait pas à chacune de mes respirations, il me laisserait tranquille pendant qu'il la persécuterait elle. Il se partagerait entre nous deux jusqu'à ce que nous le rejoignions en enfer.

Mon cœur se serra car elle n'aurait jamais dû prendre cette décision. Jamais elle n'aurait dû se condamner ainsi.

Mais elle l'avait fait. Elle avait choisi de me laisser l'entrainer dans l'obscurité et j'étais incapable de lui permettre d'en sortir.