Chapitre 13 : Smoke

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Alessio

Les graviers et la terre crissaient sous mes chaussures en accompagnant ma progression. Les branches d'arbres menaçaient de me crever un œil au moindre défaut d'attention mais je tentais d'évacuer toute ma frustration avec chaque enjambée. L'air frais de la nuit frappait mon visage et je le réchauffais par ma colère à chaque expiration. Les muscles de mes jambes me brulaient en réponse à chacun de mes mouvements mais je n'étais pas encore prêt à m'arrêter. J'étais à bout de souffle mais il fallait que je repousse encore plus mes limites.

La pleine lune éclairait mon chemin et me provoquait en silence. Même lorsque j'essayais de la fuir, elle me collait à la peau. Elle se dressait fièrement dans le ciel avec un port de reine et m'imposait sa présence. Même lorsque je ne voulais pas d'elle, elle continuait de guider mes pas.

Je forçais encore mes pieds à se soulever pendant plusieurs minutes avant d'arrêter ma course. Je posai mes mains sur mes cuisses en me penchant en avant pour reprendre ma respiration. J'avais couru jusqu'à abandonner chaque goutte de haine derrière moi. Les kilomètres que j'avais parcourus s'étaient chargés de leur sort.

Il faisait sombre autour de moi, les ombres de branchages dansant avec le vent. J'avais toujours apprécié la nuit. Elle me permettait de trouver l'inspiration et elle m'apaisait. Tout était plus simple la nuit. Elle était un interlude entre deux spectacles dont nous étions les acteurs. Chacun avait le rôle principal dans sa propre pièce, certains vivants des comédies et d'autres des tragédies. Aujourd'hui, j'avais eu le premier rôle dans un putain de drame.

J'inspirai une nouvelle bouffée d'air avant de secouer un peu mes jambes. Je n'avais aucune envie de rentrer. J'avais couru pour la fuir mais je savais que ça ne servait à rien. Je savais que la situation était compliquée pour elle mais putain, c'était tout aussi difficile pour moi.

Elle avait tout gâché avec un seul et unique mot. Dix petites lettres qui assemblées les unes avec les autres avaient réduit en miettes notre plaisir.

Je m'assis par terre, adossé à un arbre, les coudes posés sur mes genoux et ma tête reposant contre le tronc. Cet enculé allait bien rire quand il allait apprendre ça. Je pouvais déjà l'imaginer se vanter d'avoir accaparé ses pensées même si j'avais eu son corps entre les doigts.

Et putain, je n'allais pas le supporter.

Je fermai les yeux. J'étais au milieu de nulle part, loin de toute vie et je m'y sentais davantage chez moi que nulle part ailleurs.

...

Evie

Si j'avais pu m'enterrer dans le jardin et disparaitre à tout jamais, je l'aurais fait. Je commençais sérieusement à envisager d'aller chercher une pelle et de creuser ma tombe.

Mais ça aurait été égoïste et faible.

J'avais commis une erreur monumentale et je devais affronter les conséquences de mon idiotie. J'aurais mieux fait de me taire et de profiter du plaisir que son corps m'offrait.

Après son départ, j'avais continué à remplir la baignoire avec mes larmes. Lorsque j'avais commencé à trembler de froid dans l'eau, je m'étais forcée à sortir de ma léthargie. J'avais regardé ma peine s'écouler dans le siphon et j'avais trouvé un peu de réconfort dans l'eau chaude qui avait ramené ma peau à la vie.

J'étais sortie de la salle de bain en espérant le trouver assis sur le lit mais je n'avais même pas été déçue de voir la pièce vide car mon cœur savait qu'il ne serait pas là. Je m'étais habillée avec ses vêtements pour pouvoir sentir son odeur contre ma peau mais chaque inspiration me rappelait ma stupidité.

Le Protecteur (T1 à 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant