BALLE 50 (c)

45 7 0
                                    

50.

Le voilà revenu au point de départ, malgré l'espoir de revoir un jour son mentor, il était traité comme un vrai chien, par conséquent il était toujours attaché. Ou placé sous surveillance. Il avait essayé de se montrer agressif, de la manipuler mais elle lui riait au nez à chaque fois.

Il se demandait constamment ce qui la poussait à agir ainsi, alors qu'il était assis par terre et qu'elle lisait un bouquin avec une tasse fumante de thé noir, il osa poser la question :

- Ton enfance a dû être horrible pour que tu sois ainsi.

Après tant de tentatives, il essayait de s'attaquer à l'aspect psychologique ? Peut être pour gagner sa confiance.

- Tu devrais te taire surtout. Ne fais pas des suppositions sur des choses que tu ne sais pas.

- Tu sais j'ai grandi au début dans un orphelinat et je sais que d'anciens pensionnaires ont mal tourné. J'en ai même revu un alors que je l'emmenais au tribunal pour son jugement. Il avait tué son colocataire.

Elle soupira discrètement, restant concentrée sur sa lecture. Elle tourna la page alors qu'il semblait monologuer tout seul.

- Comme quoi, en ayant le même point de départ, nous pouvons avoir des chemins très différents.

- Est-ce que tu tentes de me faire une leçon de morale digne d'un mauvais Disney ? Comme quoi malgré mon méchant papa, j'aurais pu être quelqu'un de bien ? Ne me fais pas pleurer de pitié sur mon propre sort. Je n'ai plus de larmes en stock.

Malgré le ton froid et insensible de sa geôlière, il crut apercevoir une faille infime. Car la dernière phrase prononcée semblait vouloir dire qu'elle avait déjà versé une preuve de sensibilité. Ce qu'elle n'avait jamais laissé voir depuis qu'elle avait laissé tomber le masque social de son identité civile.

- Ce que je veux dire, c'est que nous faisons tous des choix et qu'il n'est jamais trop tard.

Elle ferma le livre qu'elle tenait, rabattant les pages sur elles dans un claquement sonore.

- Et quoi ? Tu crois que si je dis pardon à la télévision nationale, je serais graciée ? On vit pas chez les teletubbies.

- Non, évidement. Chacun doit payer ses erreurs mais il est important d'en prendre la responsabilité.

Était il vraiment en train de donner un cours élémentaire de moeurs pour enfants à la patronne de la mafia ? Cocasse.

Elle eut un léger souffle de ricanement. Elle posa ses coudes contre ses cuisses afin de se pencher vers l'homme à ses pieds. Son visage près du sien, ses traits devinrent plus relâchés presque soucieux :

- Mais voyons Seo. Je n'ai fait que ça de ma vie prendre la responsabilité. La responsabilité de ma mère alcoolique, la responsabilité de gâcher la vie de mon demi-frère qui me déteste, la responsabilité d'être la seule héritière, la responsabilité d'être autonome trop jeune, la responsabilité de devoir être pas parfaite, être la meilleure, sinon ce qui m'attendait hors des murs de la villa était la mort. Quoi qu'à l'intérieur aussi, ma propre mère me haïssait. Elle était jalouse de moi.

- Tu n'es pas en tort Mee Na. Tu as été une petite fille, une enfant qui a manqué d'amour et la protection de ses parents.

A croire que Seo essayait de parler à l'enfant intérieur de la jeune femme. Et peut être qu'il n'en était pas loin. Car il vu un frémissement dans l'attitude fermée de son interlocutrice. Elle se mit à fixer le vide comme si elle s'était plongée dans ses propres souvenirs.

- Tu sais, mon père était vraiment fier de moi. Sûrement pour m'apprendre l'estime de soi, me faire prendre confiance et grandir avec la prestance nécessaire. Il répétait souvent que j'étais une bonne fille, que j'étais maligne et obéissante. C'est marrant ça, "obéissante", parce que malgré qu'il souhaitait que je sois une leadeuse, je devais reconnaître l'autorité d'un autre ? Mais en fait à force de me répéter que j'étais la meilleure sans avoir de points réels de comparaisons, je me suis mise la pression toute seule. Je ne devais pas être moins que parfaite, je ne pouvais pas être moins que meilleure. Alors je faisais toujours plus. Parce que je ne savais pas où situer le seuil. Parce que lorsque je me regarde dans le miroir, je me vois toujours plus grosse, plus laide, plus déficiente que ce que les autres peuvent voir. Et tu sais quoi ? C'est comme ça que l'on reste au sommet.

- Mee Na, ce n'est pas normal. Tu aurais dû être une petite fille normale. Tu n'es pas responsable de tout ça. Tu n'es que la conséquence des actes de ta famille.

- Tu sais quel était l'identité de ma mère ? Cette catain avait comme nom Ha-Neul qui veut dire ciel. Mais c'était son prénom pour ses clients. Mais elle s'appelait Mee Na. Mon père a choisi le prénom, est-ce que ce n'est pas répugnant ? Enfin, il disait qu'elle avait insisté mais bon, dans cette famille de détraqués mais la mafia croit aux contes de fées. Tu parles, ces chiens donneraient le soulier de verre de Cendrillon à la méchante belle-mère, ou encore arracheraient les ailes de la fée clochette pour assaisonner leur salade fade.

Seo tenta avec douceur, d'offrir un geste de tendresse envers la jeune femme, il avait trouvé une brèche dans laquelle s'engouffrer, une faiblesse.

Du bout des doigts, il caressa la joue de celle qui le séquestrait, comme s'ils étaient tous les deux sur un pied d'égalité, dans un moment de confessions où il n'y avait pas de passif entre eux d'eux.

-Cela a dû être dur pour toi, tu as été courageuse toute ton enfance. Tu es une adulte forte et impressionnante.

Il ne mentait pas réellement, il pensait que la patronne de la pègre devait avoir un sacré potentiel pour tenir la tête des affaires, dans un monde d'hommes.

Une seule larme coula.

Seo fut surpris quand Mee Na posa sa tête contre son épaule, complétement penchée, laissant tout son poids se reposant contre lui. Comme si elle ne tenait plus, comme si elle venait de baisser toutes les barrières de sécurité qu'elle avait érigé durement toutes ces années.

Il inhala le parfum discret qui avait pris place dans la zone personnelle de l'agent. Et alors qu'il se maudissait d'apprécier ce contact, se convaincant qu'il faisait ça pour lui échapper plus tard, il croisa le regard noir d'un homme sur le pas de la porte du salon de lecture.

Miho, les bras croisés contre son torse, observait la scène avec amertume. Car il devrait être celui qui gagne la confiance de Mee Na, il devait être celui qui la touche, qui se tient à ses côtés, qui a son attention.

Le détenu se mit à sourire de manière hautaine, concentré sur le chien de garde. Sinon, il aurait senti le changement d'humeur de Mee Na, qui se mit à aborder un rictus mauvais, caché contre l'épaule de Seo.

DIE TO BORN [Édition Séoul] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant