BALLE 75 (c)

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75.

- Quel fils ingrat. Je ne pensais pas qu'il pouvait autant me décevoir. Pourtant j'ai tout fait pour qu'il soit un bon garçon. 

- C'est peut être ça le problème dans le fonds Monsieur. Toutes mes condoléances. 

Elle souffla la fumée de sa cigarette et fit tomber quelques cendres par terre. Assise face au père du mort, ils étaient tous les deux seuls dans la pièce funéraire. Le portrait souriant de Min Giyu était vide de sincérité. 

Le patriarche chassa la banalité d'une main marquée par le temps mais aussi d'une chevalière sertie d'un scorpion aux yeux précieux. 

- Il a tenté de me tuer, à croire que les chiens comme les fils mordent la main qui les nourrit. 

- Ne comparez pas mon cas et le vôtre. 

- A cause de ce traîné ! C'est de sa faute si Giyu s'est égaré. 

- Croyez moi, votre enfant était déjà voué à périr. Vous devriez songer à plutôt à regarder dans un miroir si vous cherchez un responsable de tout ça. 

L'homme âgé tourna un regard lourd de colère vers la femme qui avait succédé à son ancien ami Kim Tae-Yeong. 

- Je laisse passer car vous m'avez débarrassé d'un traître dont j'avais lancé une prime quand vous l'avez abattu. 

Elle se releva, éteignit son mégot contre le cadre du cliché du défunt. Elle se tourna vers son interlocuteur :

- Avant d'être un traître, c'était votre ... 

- Je vous interdis de finir cette phrase. Il a cessé de l'être. 

- Au moment où il a choisi son partenaire ? Si c'est pour cette cause que vous m'avez fait passer l'ordre de mise à mort de votre propre sang, alors c'est d'un ridicule cruel. Et même moi je trouve que vous avez le cœur vide. 

- Taisez-vous avant que ma considération pour votre père ne s'efface. 

- Je n'ai besoin de la considération de personne. Et surtout pas d'un connard aux moeurs digne du paléolithique.  

Il bondit sur ses pieds, renversant sa chaise, créant un bref remue-ménage dans ce lieu recevant les derniers adieux :

- Salope !

- La seule que je vois ici, c'est vous Monsieur Min. Vous êtes un homophobe et raciste notoire, vous avez fait abattre votre fils, non pas pour sa tentative de meurtre mais pour son orientation sexuelle et pour avoir choisi un coréen métisse. Quoi ? La peau qui n'est pas laiteuse vous dérange ? Allez vous pendre. 

Il leva la main pour gifler cette femme hautaine qui venait lui faire une leçon de morale, elle n'était personne pour le juger. Il était un grand chef de clan, il était à la tête d'une mafia avant elle, il était un homme de pouvoir et elle ? 

il suspendit son geste alors qu'elle pointait un revolver vers le crâne à moitié dégarni de son aîné :

- Vous reconnaissez ? Cette arme ? C'est celle de votre renié de fils.

- Je ne l'ai pas tué, je n'ai pas tiré. 

Elle ria, agitant l'objet de la menace sous son nez, lui faisant signe de baisser son bras. 

- Non c'est moi. Mais vous en avez donné l'ordre et c'est pire. Alors cette fois ci je prendrais seule la responsabilité. 

- Quoi ? 

Elle ne le laissa pas cogiter plus longtemps que ça, elle en avait marre que la famille Min tente de lui grignoter son marché. Ils avaient voulu la destituer, la trahir ou encore faire du profit sur son nom, alors elle devait leur faire payer. C'était les règles de ce monde, et encore, elle avait été clémente. 

Seo enjamba le nouveau mort, grimaçant en voyant le sang qui coulait du trou de la blessure fatale. Elle comptait décimer la pègre ? Finalement le N.I.S allait être allégé dans son travail, s'il ne restait à la fin plus qu'elle. 

- Madame Kim ? 

- Je n'ai pas le choix et tu le sais. 

Elle lâcha l'objet encore chaud du tir, elle laissa une moue de dégoût apparaître. Laissant ses épaules s'affaisser, elle se mit à fixer le portrait d'un ancien ami. 

Elle murmura si bas que son homme de main aurait presque pu douter d'avoir entendu :

- Désolée Giyu, je pensais que tu t'en sortirais. 

Doucement, Seo posa une main dans le dos de son employeuse. Elle se laissa aller contre la douce chaleur qui émanait de cette paume. 

- Ils avaient le choix ... Mais ... Je devais ... C'est mon rôle. 

Il la tira avec précaution entre ses bras pour l'enserrer contre elle, la laissant appuyer totalement sa colonne contre son torse. Son poids reposant sur lui comme si les responsabilités et les conséquences des actes pouvaient changer de propriétaire. 

- Je sais. 

Elle se mordit la lèvre inférieure et ferma les yeux, elle échappait un instant à la réalité :

- Qu'est ce que j'ai créé ? Tu finiras toi aussi par partir. 

Il ne pouvait pas lui mentir en lui promettant qu'il resterait. Ils n'étaient pas ce couple d'une magnifique romance où malgré que tout les sépare, ils se retrouvent toujours grâce à un amour indéfectible. Parce que Seo l'avait admis en restant à ses côtés, il ne la sauvera pas. Il ne le pouvait pas, non pas parce qu'elle était une cause perdue mais parce qu'elle sera la seule à s'aider elle même. Alors un jour, quand le temps viendra, que la confiance sera teinté de vérité, il ira la vendre pour ses propres valeurs. Il espère seulement qu'elle saura fuir avant. 

Et ce fut le même tourment dans la nuit, son sommeil se coupa par le hurlement glaçant venant de la chambre attenante à la sienne. Il trouva sa geôlière recroquevillée dans son lit, froid et trop grand pour une seule personne. Une seule larme solitaire avait roulé sur sa peau diaphane. Il hésita avant de monter sur le matelas pour prendre place à côté d'elle, prenant soin de ne pas entrer en contact avec elle sans qu'elle ne le veuille :

- Mee Na ? 

- Je ... J'ai besoin de ... chaleur. 

Il vint la couvrir de sa propre température corporelle, elle ne ressemblait en rien à la femme tenant les Enfers et alimentant le charbon des flammes. Entre ses doigts se froissèrent le tee-shirt de Seo. 

- Tu veux penser à autre chose ? On pourrait faire quelque chose. 

Dans la pénombre de la chambre, elle lui répondit tout bas :

- De la couture. 

DIE TO BORN [Édition Séoul] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant