BALLE 66 (c)

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66.

Personne ne savait pourquoi Miho semblait être de nouveau aux commandes de la pègre mais peu importe le pourquoi du comment. Tout ce qui était visible était le fait qu'il était trop instable actuellement pour respecter quoi que ce soit un tant soit peu raisonnable. La moindre faute était punie d'une balle dans le genou s'il était de bonne humeur. Cette erreur était parfois le simple fait de respirer un peu trop fort.

Mee Na semblait plus occupée avec des affaires plus dissimulées, ne se montrant pas aux yeux de ses subordonnés.

Et cela était intimement lié, parce qu'elle consacrait tout son temps à sa nouvelle acquisition, elle refusait toutes les entrevues demandées par son second. C'était à elle de le contacter, seulement pour lui donner les directives. Jamais pour s'enquérir de quoi que ce soit et surtout pas pour juste discuter avec lui. Après tout, qui était-il pour oser gaspiller le temps de cette femme puissante ?

Cependant, cette soirée là était peut être celle de trop. Le tatoué avait décidé de noyer son chagrin dans un verre d'alcool fort. Serrant rageusement le verre, ses veines ressortaient et sa main complètement crispée sur le contenant manquait de le briser s'il rajouté la moindre pression dessus. Il avait décidé d'établir logis dans un petit bar dans un quartier assez pauvre de la capitale, là où personne ne viendrait le chercher.

Au vue de l'heure tardive et du lieu, personne n'allait venir le déranger, de plus toute personne flirtant avec l'illégalité et ceux qui étaient mariés avec, savaient que le balafré ne faisait pas parti du commun des mortels. Cette cicatrice distinctive était plus efficace que de se faire tatouer son passeport sur son front.

Le barman n'avait pas posé de question sur la raison de la présence de cet homme dangereux ici mais il avait fait le choix suivant : le silence lui sauverait la vie.

Le mafieux fouillait les poches de son jogging gris, à la recherche de quelques billets froissés qu'il avait jeté à l'intérieur avant de quitter son appartement. Il sortit les papiers colorés et les plaqua contre le comptoir en bois.

L'employé hésita à relever le fait que la somme demandée était supérieure à celle donnée. Que risquait-il ? Au mieux, de perdre la vie, au pire ? Devenir la nouvelle cible de torture et d'exutoire de Hadès. Depuis quelques mois, son surnom était en train de changer. Certes il continuait à se faire appeler comme le Dieu de la mythologie, roi des Enfers. Cependant, à l'abri des oreilles des hauts placés du clan Kim, certains commençaient à critiquer Miho en l'appelant : «  Le Cerbère fou ». Beaucoup moins flatteur, mais peut être plus véridique.

- Monsieur, excusez-moi.

Miho releva ses pupilles sur celui qui l'avait généreusement servi malgré l'heure de fermeture dépassée. Son regard était étouffant, et cela se ressentait.

Des billets impeccables se posèrent par dessus ceux abîmés. Une main gracieuse, dont les ongles longs et vernis, venait combler l'argent manquant.

- Aish, pourquoi te montrer maintenant ? Pour te moquer de moi ? Je te parais si misérable ?

- C'est sûr et certain que ton état actuel est peu flatteur mais de toute manière, généralement, tu es dégoûtant Kim Miho. Allez lèves toi et demande pardon pour avoir dérangé ce travailleur.

- Tu te préoccupes de tant de monde !, déclara-t-il avec une ironie non-voilée.

- Sauf de toi, si ce n'est que ça qui te pousse à devenir un déchet, alors je ne sais pas pourquoi je m'encombre avec toi.

Miho se mit à rire avec une tristesse détectable derrière son insolence :

- Alors mets moi aux ordures ménagères, je ne mérite même pas d'être recyclé.

Elle l'attrapa par l'oreille, le forçant à se relever, puis à s'incliner avant de le traîner dehors. Et ce au grand soulagement du barman.

Il échappa à son emprise, complètement débraillé par les événements, il remit en place sa veste de survêtement noire aux bandes blanches.

- C'est bon, je sais marcher seul.

- Tout ce que je vois, c'est que tu n'es encore qu'un gamin immature et détestable. J'ai appris que tu fais payer tes sautes d'humeurs à n'importe qui. Est-ce que ça t'amuse de foutre la merde ? Tu n'arrêtes pas de compromettre mes activités.

- Peut être que finalement c'est ce qu'il faudrait faire : t'arrêter.

Elle se mordit l'intérieur de la joue fortement, excédée par le comportement de celui qui devait être son arme, une épée n'a pas besoin de réfléchir et encore moins d'émettre un quelconque avis. La jeune femme se rapprocha de lui et posa sa paume sur les cheveux en bataille de son cadet.

- Miho. Toute ta vie était un sacrifice permanent. Est-ce que tu veux recommencer à zéro ? Te retrouver seul encore ? Parce que personne ne t'acceptera jamais comme tu es.

- Et toi ? Qui voudrait bien de toi ? Tu ne ressens jamais rien. Tu fais semblant, tout le temps semblant, au point que parfois j'y crois aussi quand tu dis que tu te préoccupes un tantinet de moi. Mais en fait, tu me méprises.

- Et tu comptes faire quoi ?

- J'attends le jour où c'est toi qui sera prête à te sacrifier pour moi.

Mee Na rejeta sa tête en arrière et se mit à rire avec légèreté, presque avec insouciance. C'était l'un de ces moments sincères, rares, et précieux. Et elle était incroyablement belle et attirante. Miho eut un petit sourire en la voyant ainsi. Même si c'était pour se moquer de lui.

- J'ai vu ce qu'était la folie du sacrifice. Et je n'en serais jamais la proie Miho. Tu as fait le choix d'y croire. Je t'ai manipulée oui. Mais tu l'as toujours su et accepté.

- Sauf que je n'en peux plus. Parce que contrairement à toi, je suis humain.

- Alors pars. Tu as payé ta dette au clan Kim depuis longtemps. Je ne te retiendrais pas mais tous les contrats sur ta tête deviendront effectifs parce que tu ne sauras plus protégé et tu le sais. Es-tu prêt à vivre une vie de fuite ? A regarder par dessus ton épaule.

- Tu essaies de me dissuader ?

- Non. Je te dis ce qu'il en est.

- Tu sais qu'il suffirait d'un geste, d'un mot de n'importe quelle attention, et je retomberais pour toi. Je serais de nouveau celui que tu veux que je sois.

- Et est ce tu veux rester Miho ?

- Je ne sais pas. Je crois que je t'ai aimé parce que tu étais celle dont j'avais besoin. Parce que je t'étais assigné. Mais maintenant ?

- L'amour est un fardeau. Tu es devenu ton propre boulet.

- Mon existence s'est résumée à toi. Comme tous les gens qui t'ont connu. J'espère que tu souffriras quand tu comprendras. Quoi que, tu es un cas perdu. Et je trouve ça encore plus triste.

Il s'exprimait clairement, sans artifice, sans jouer le fidèle toutou habituel. Peut être grâce à l'alcool, peut être à cause des événements. Ou peut être parce qu'il avait enfin compris. Dans tous les cas, l'ère qu'instaurait Kim Mee Na se ferait avec des pertes qui n'avaient pas été anticipées.

Le tatoué inspira profondément comme si l'air frais atteignait pour la première fois ses poumons encrassés, il s'en souviendrait le lendemain, du jour où il avait fait son propre choix.

DIE TO BORN [Édition Séoul] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant